Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2014 et 6 juillet 2015, la SCI Tours Gounod, représentée par le cabinet d'avocats Frêche et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 novembre 2014 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Q...et les autres demandeurs de première instance ;
3°) de mettre à la charge solidaire des mêmes demandeurs le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a jugé que l'article L. 471-1 du code de l'urbanisme ne permettait pas de déroger aux règles de hauteur, alors qu'il résulte de la lettre de ces dispositions qu'une servitude peut avoir pour seul et unique objet d'imposer de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant ;
- la construction projetée, qui présente une hauteur de 11,50 m, est conforme à la hauteur maximale de 12 mètres de l'article UC 10.2 ;
- la constitution d'une servitude de cour commune conclue entre l'Office Public de l'Habitat Tours Habitat, propriétaire de la parcelle jouxtant la limite séparative ouest du terrain à construire, et la SCI Tours Gounod vise expressément à déroger aux règles de hauteur relatives fixées par l'article UC 10.3 afin de permettre l'implantation du bâtiment projeté en limite séparative ;
- le respect de la règle de prospect posée par l'article UC 7.2.1 assure le respect des règles de hauteur de l'article UC 10.3.2.1, les deux règles étant liées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2015, MmeQ..., MmeF..., M.T..., M.S..., MmeL..., MmeE..., M. D...et MmeI..., représentés par MeK..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Tours Gounod au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif procède d'une exacte application de l'article L. 471-1 du code de l'urbanisme ;
- en tout état de cause et par effet dévolutif de l'appel sont fondés les autres moyens de la demande de première instance, tirés de :
. l'absence d'avis de la DRAC sur le dossier complet de permis,
. l'insuffisance du dossier architectural et notamment de la notice architecturale imposée par l'article R 431-8 du code de l'urbanisme,
. le caractère incomplet du dossier de permis à la date limite du 15 avril 2013, où est par suite né un rejet tacite de la demande en application des dispositions de l'article R 423-23 du code de l'urbanisme,
. la fraude et le détournement de procédure lié au dépassement du délai d'instruction de la demande,
. la méconnaissance des dispositions des articles UC 3 et UC 10 du plan local d'urbanisme.
Par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2015, la commune de Tours, représentée par MeU..., a présenté des observations et demandé qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire des intimés au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 29 septembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 20 octobre 2015.
Un mémoire présenté pour MmeQ..., MmeF..., M.T..., M.S..., MmeL..., MmeE..., M. D...et Mme I...a été enregistré le 1er février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeO..., représentant la SCI Tours Gounod, et de MeK..., représentant Mme Q...et les autres intimés.
1. Considérant que par un arrêté du 6 août 2013, le maire de la commune de Tours a délivré à la SCI Tours Gounod un permis de construire en vue de réaliser un ensemble immobilier de 35 logements collectifs, répartis sur deux bâtiments dit " bâtiment Nexity " et " bâtiment social ", sur une parcelle cadastrée section CW n° 349 située à Tours au 12 et 12 bis rue Charles Gounod ; qu'à la demande de plusieurs voisins du projet le tribunal administratif d'Orléans a annulé ce permis de construire pour méconnaissance des règles de hauteur figurant à l'article UC 10 du plan local d'urbanisme aux termes d'un jugement du 4 novembre 2014 dont la SCI Tours Gounod relève appel ;
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 471-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsqu'en application des dispositions d'urbanisme la délivrance du permis de construire est subordonnée, en ce qui concerne les distances qui doivent séparer les constructions, à la création, sur un terrain voisin, de servitudes de ne pas bâtir ou de ne pas dépasser une certaine hauteur en construisant, ces servitudes, dites "de cours communes", peuvent, à défaut d'accord amiable entre les propriétaires intéressés, être imposées par la voie judiciaire dans des conditions définies par décret " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article UC 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Tours relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : " (...) En cas de passation de contrat de cour commune, les règles d'implantation vis-à-vis des limites de propriétés objet de la cour commune définies ci-après ne s'appliqueront pas (...) / 7.2 Au-delà de la bande de 15 mètres à compter de l'alignement / 7.2.1 Nouvelles constructions et extensions / L'un des deux cas suivants peut être mis en oeuvre : (...) / b - Les nouvelles constructions ou extensions d'une hauteur supérieure à 6 mètres doivent être implantées éloignées des limites séparatives à une distance égale aux 2/3 de la hauteur de la construction envisagée, sans être inférieure à 4 mètres dans les conditions définies à l'article UC 10.3.2.1 / Les constructions nouvelles peuvent être implantées en limites séparatives ou à une distance égale aux 2/3 de la hauteur de la construction envisagée, sans être inférieure à 4 mètres et dans les conditions définies à l'article UC 10.3.2 à condition qu'elles soient adossées à un volume bâti existant lui-même implanté en limites séparatives et de hauteur supérieure à 3,5 mètres (...) " ; et qu'aux termes de l'article UC 10.3.2.1 du même règlement : "Au-delà de la bande de 15 mètres prise à compter de l'alignement / La hauteur des constructions autorisées en limites séparatives à l'article UC 7.2.1.a ne peut excéder 6 mètres / Cette hauteur de 6 mètres peut être dépassée, pour les constructions nouvelles autorisées par l'article UC 7.2.1b (2ème alinéa) à s'adosser à un volume bâti existant de hauteur supérieure, sans toutefois excéder celle-ci / La hauteur des constructions autorisées en retrait des limites séparatives à l'article UC 7.2.1.b (1er alinéa) ne peut excéder une hauteur de 9 mètres (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le projet de la SCI Tours Gounod est implanté, au-delà de la bande de 15 mètres à compter de l'alignement du terrain avec la rue Charles Gounod, sur la limite séparative qui sépare le terrain d'assiette de la parcelle cadastrée CW 329, et qu'il présente une hauteur de 11,53 mètres ; que, dès lors, l'application des dispositions précitées de l'article UC 10.3.2.1 interdit en principe l'édification d'un immeuble qui, tel celui projeté par la SCI Tours Gounod, dépasse 6 mètres de hauteur sans pour autant être adossé à une construction préexistante ;
5. Considérant cependant que la SCI Tours Gounod soutient, en invoquant les dispositions figurant à l'article UC 7 du plan local d'urbanisme, que la servitude de cour commune qu'elle a conclue le 5 juin 2014 avec l'Office Public de l'Habitat Tour Habitat, l'exonère tant de l'application des règles de prospect par rapport aux limites séparatives figurant à l'article UC 7 du plan que des règles, qui en sont indissociables, figurant à l'article UC 10.3.2.1, relatives aux hauteurs relatives à respecter en limite séparative ;
6. Considérant que, par les dispositions précitées de l'article L. 471-1 du code de l'urbanisme, le législateur a entendu que l'institution d'une servitude de cour commune puisse, même en l'absence de mention explicite dans le plan local d'urbanisme d'une commune, permettre de garantir le respect des règles de prospect posées par ce plan relativement à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, en permettant de déterminer la distance de prospect par rapport à la limite opposée de l'espace grevé par la servitude, au lieu de la calculer à partir de la limite séparative séparant le terrain d'assiette de la construction projetée du terrain grevé par cette servitude ; qu'en revanche la constitution d'une telle servitude n'a pour effet d'écarter ni l'application de ces règles de prospect, ni celle des règles du plan relatives à la hauteur des constructions ;
7. Considérant par suite qu'au cas présent, compte tenu de la convention de servitude de cour commune conclue par la SCI Tours Gounod le 5 juin 2014 avec l'Office Public de l'Habitat Tours Habitat, il convient d'apprécier le respect de la règle de prospect de l'article UC 10.3.2.1 du plan local d'urbanisme au regard de la limite de l'espace non aedificandi grevant la parcelle cadastrée section CW n°329 appartenant à Tours Habitat, telle que cette limite figure sur le " plan de servitude" annexé à cette convention ;
8. Considérant que s'il résulte de ce plan que cette limite se confond sur la plus grande partie de sa longueur avec la rue Pierre Loti ou avec les emplacements de stationnement qui bordent cette voie, rendant sans objet les règles relatives aux hauteurs relatives en limites séparatives, tel n'est pas le cas de la partie de la parcelle CW 329 la plus proche du carrefour de la rue Pierre Loti avec la rue Charles Gounod, ou subsiste une zone constructible sur la parcelle appartenant à Tours Habitat ; qu'à cet endroit l'immeuble projeté par la SCI Tours Gounod, qui doit être regardé ainsi qu'il a été dit comme édifié en retrait de la limite de cette zone non aedificandi, est soumis aux dispositions de l'article UC 10.3.2.1, lesquelles limitent à 9 mètres la hauteur des constructions ; que l'ensemble immobilier projeté, qui atteint une hauteur de 11,53 mètres, étant supérieure à cette hauteur relative, le maire de Tours n'a pu délivrer le permis de construire en litige sans méconnaître les dispositions de l'article UC 10 du plan local d'urbanisme ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCI Tours Gounod n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé le permis de construire qui lui avait été délivré le 6 août 2013 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des intimés, qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la SCI Tours Gounod au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Tours Gounod le versement à MmeQ..., MmeF..., M.T..., M.S..., MmeL..., MmeE..., M. D...et Mme I...d'une somme globale de 1 500 euros au même titre ; qu'enfin la commune de Tours, qui n'a pas la qualité de partie à la présente instance à défaut d'avoir contesté le jugement du tribunal administratif d'Orléans dans le délai d'appel, n'est pas recevable à présenter devant la cour des conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, doit, en conséquence, voir celles-ci rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI Tours Gounod est rejetée.
Article 2 : La SCI Tours Gounod versera à MmeQ..., MmeF..., M.T..., M.S..., MmeL..., MmeE..., M. D...et Mme I...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Tours au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Tours Gounod, à Mme G...Q..., à Mme N...F..., à M. H...T..., à M. A...S..., à Mme R...L..., à Mme J...E..., à M. P...D..., à Mme C...I...et à la commune de Tours.
Délibéré après l'audience du 19 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 mars 2016.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT03230