Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2015, complétée par un mémoire enregistré le 24 juillet 2015, M.B..., représenté par Me Bourrel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 4 juin 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Calvados du 20 janvier 2015 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination pris à son encontre ;
3°) de mettre 1 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient :
- que les premiers juges ont procédé à une appréciation erronée de sa situation personnelle et des circonstances particulières de sa vie de couple ;
- que la délivrance d'une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " n'est pas conditionnée à une entrée régulière sur le territoire national ;
- que le préfet disposait d'une marge d'appréciation et que le refus qui lui a été opposé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que son refus de l'autoriser au séjour au titre de la vie privée et familiale se trouve entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- qu'il réside en France depuis quatre ans et est marié avec une ressortissante française avec laquelle il a vécu précédemment en couple pendant deux ans ;
- qu'il s'occupe des enfants de son conjoint nés d'une précédente union pour la soulager, cette dernière étant gravement malade ;
- qu'il contribue aux charges du foyer ;
- que son union avec Mme C...a contribué à une amélioration notable de l'état de santé de cette dernière ;
- que l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour entraîne l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français entraîne l'illégalité de la décision portant fixation du pays de destination.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2015, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Par ordonnance du 20 novembre 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 31 décembre 2015.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 août 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mony.
1. Considérant que M.B..., ressortissant camerounais, relève appel du jugement du 4 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions en annulation de l'arrêté en date du 20 janvier 2015 par lequel le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré irrégulièrement en France en novembre 2010 ; qu'il a épousé le 4 septembre 2014 une ressortissante française, Mme C..., avec laquelle il n'est pas contesté qu'il a précédemment vécu en couple pendant plus d'un an ; qu'il ressort également des pièces du dossier que Mme C...souffre d'importants troubles neurologiques et fait pour cette raison l'objet d'une mesure de curatelle ; qu'il ressort des divers témoignages produits tant par le curateur de Mme C...que par le service départemental d'aide à l'enfance que la présence de M. B... au sein de la cellule familiale de Mme C...s'est traduit par une amélioration notable de l'état psychologique tant de l'intéressée que de ses deux enfants nés d'une précédente relation, permettant notamment que soit évitée une mesure de placement de ses derniers, jusqu'alors en situation d'échec scolaire ; que l'influence bénéfique de la présence de M. B... sur sa nouvelle famille, l'intéressé ayant démontré participer activement au bon fonctionnement de son nouveau foyer, est également attestée par la production de nombreux témoignages variés et circonstanciés ; qu'ainsi, en dépit de la circonstance que M. B...soit effectivement entré irrégulièrement en France, le refus de délivrer à ce dernier le titre de séjour qu'il avait sollicité en sa qualité de conjoint de français a porté une atteinte disproportionnée au respect de son droit de mener une vie privée et familiale normale et a de ce fait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. B... est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions en annulation de la décision portant refus de séjour prise à son encontre ;
3. Considérant qu'il ressort du point précédent que le refus de titre de séjour opposé à M. B...est intervenu en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, les décisions du préfet du Calvados portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de destination également prises à l'encontre de l'intéressé se trouvent dépourvues de base légale ; qu'il en va de même de la décision assignant M. B...à résidence ; que M. B...est ainsi également fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions en annulation de ces décisions ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant que M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de Me Bourrel, avocat de M. B..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 4 juin 2015 est annulé.
Article 2 : L'arrêté en date du 20 janvier 2015 du préfet du Calvados portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire pris à l'encontre de M. B...est annulé.
Article 3 : L'Etat versera 1 500 euros à Me Bourrel, avocat de M. B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve pour cet avocat de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 19 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 mars 2016.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15NT01972