Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 septembre 2020, M. A..., représenté par Me Bernard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la délibération du 26 février 2018 du conseil municipal de Saint-Brieuc et la décision du 22 juin 2018 du maire de Saint-Brieuc rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Brieuc le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité ; il ne comporte pas les signatures exigées par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ; les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de ce qu'il était impossible de s'engager à faire les travaux en l'absence d'intervention préalable des forces de police sur le site ;
- la délibération contestée est entachée d'un vice de procédure ; le conseil municipal a été convoqué le 16 février 2018, soit sept jours avant que le procès-verbal définitif d'abandon manifeste n'ait été dressé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2243-3 du code général des collectivités territoriales ;
- elle est entachée de vice de forme dès lors qu'elle se fonde sur un procès-verbal définitif irrégulier ; le procès-verbal définitif qui lui a été signifié ne comporte pas la reproduction en toutes lettres des articles L. 2243-1 à L. 2243-4 du code général des collectivités territoriales ; il est entaché de nullité, ce qui affecte par voie de conséquence la délibération du 26 février 2018 ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ; la procédure tendant à la déclaration d'état d'abandon manifeste a été poursuivie à tort dans la mesure où il s'était engagé, dans le délai de trois mois suivant la notification d'un procès-verbal provisoire constatant l'état d'abandon manifeste des parcelles dont il est propriétaire co-indivisaire, à faire réaliser des travaux ; consécutivement à la notification du 6 novembre 2017 d'un procès-verbal provisoire constatant l'état d'abandon manifeste, il a adressé un courrier recommandé avec accusé de réception du 24 janvier 2018 par lequel il confirmait à la commune son " intention d'entreprendre des travaux dans la propriété de " La Tour de Cesson " située sur la section BR n°1, BR n°2, BR n°3 et suivantes", et plus spécialement, dans un premier temps, des travaux de serrurerie et de menuiserie et, dans un second temps, après sécurisation des maisons, des travaux de couverture ; il a rappelé les problèmes de sécurité liés à la parcelle compte tenu de l'occupation permanente de la propriété par des personnes alcoolisées et violentes et demandé en vain à la commune d'intervenir pour rétablir l'ordre public ;
- la délibération contestée est entachée d'un détournement de pouvoir ; la procédure d'abandon manifeste a été mise en œuvre dans le seul but d'exproprier les propriétaires en titre dans des conditions économiques avantageuses pour la commune.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2020, la commune de Saint-Brieuc, représentée par Me Heitzmann, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Buffet,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- et les observations de Me Le Rouzic, substituant Me Bernard, pour M. A... et Me Petizon, pour la commune de Saint-Brieuc.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de la délibération du 26 février 2018 par laquelle le conseil municipal de Saint-Brieuc a déclaré en état d'abandon manifeste les parcelles cadastrées à la section BR sous les n°s 1, 2, 3, 187 et 185, ainsi que la décision du 22 juin 2018 du maire de Saint-Brieuc rejetant son recours gracieux. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces de la procédure que la minute du jugement attaqué comporte l'ensemble des signatures requises par les dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré par M. A... de ce que ce jugement serait entaché d'une irrégularité, faute d'être revêtu des signatures requises, doit être écarté.
3. En second lieu, les premiers juges ont précisé aux points 6 et 7 du jugement attaqué que, si dans sa lettre du 24 janvier 2018 adressée au maire de Saint-Brieuc, M. A... indiquait son intention d'entreprendre des travaux dans la propriété de " La Tour de Cesson " tout en faisant état des difficultés d'accès au site " en raison de la présence de personnes alcoolisées, menaçantes et violentes squattant les maisons ", les travaux qu'il envisageait d'effectuer étaient insuffisants pour répondre aux prescriptions du procès-verbal provisoire détaillant les travaux nécessaires pour faire cesser l'état d'abandon manifeste. Les premiers juges ont encore mentionné que le requérant n'avait sollicité ni délais supplémentaires ni l'établissement d'un calendrier de travaux de nature à interrompre la procédure engagée et qu'il ne saurait reprocher au maire " son inaction fautive ayant eu pour conséquence la création d'une zone de non-droit dans l'enceinte de sa propriété " , dès lors qu'il n'appartenait pas au maire, au titre des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, de mettre fin à une occupation sans titre d'une propriété privée. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, le tribunal administratif de Rennes, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par l'intéressé, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de ce que ce qu'il était impossible de s'engager à faire les travaux en l'absence d'intervention préalable des forces de police sur le site.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 2243-1 du code général des collectivités territoriales : " Lorsque, dans une commune, des immeubles, parties d'immeubles, voies privées assorties d'une servitude de passage public, installations et terrains sans occupant à titre habituel ne sont manifestement plus entretenus, le maire engage la procédure de déclaration de la parcelle concernée en état d'abandon manifeste. / La procédure de déclaration en état d'abandon manifeste ne peut être mise en œuvre qu'à l'intérieur du périmètre d'agglomération de la commune ". L'article L. 2243-2 du même code énonce que : " Le maire constate, par procès-verbal provisoire, l'abandon manifeste d'une parcelle, après qu'il a été procédé à la détermination de celle-ci ainsi qu'à la recherche dans le fichier immobilier ou au livre foncier des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés. Ce procès-verbal indique la nature des désordres affectant le bien auxquels il convient de remédier pour faire cesser l'état d'abandon manifeste. / Le procès-verbal provisoire d'abandon manifeste est affiché pendant trois mois à la mairie et sur les lieux concernés ; il fait l'objet d'une insertion dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. En outre, le procès-verbal provisoire d'abandon manifeste est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés ; à peine de nullité, cette notification reproduit intégralement les termes des articles L. 2243-1 à L. 2243-4. Si l'un des propriétaires, titulaires de droits réels ou autres intéressés n'a pu être identifié ou si son domicile n'est pas connu, la notification le concernant est valablement faite à la mairie. ". En vertu de l'article L. 2243-3 du même code : " A l'issue d'un délai de trois mois à compter de l'exécution des mesures de publicité et des notifications prévues à l'article L. 2243-2, le maire constate par un procès-verbal définitif l'état d'abandon manifeste de la parcelle ; ce procès-verbal est tenu à la disposition du public. Le maire saisit le conseil municipal qui décide s'il y a lieu de déclarer la parcelle en état d'abandon manifeste et d'en poursuivre l'expropriation au profit de la commune, d'un organisme y ayant vocation ou d'un concessionnaire d'une opération d'aménagement visé à l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme, en vue soit de la construction ou de la réhabilitation aux fins d'habitat, soit de tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement. / La procédure tendant à la déclaration d'état d'abandon manifeste ne peut être poursuivie si, pendant le délai mentionné à l'alinéa précédent, les propriétaires ont mis fin à l'état d'abandon ou se sont engagés à effectuer les travaux propres à y mettre fin définis par convention avec le maire, dans un délai fixé par cette dernière. / La procédure tendant à la déclaration d'état d'abandon manifeste peut être reprise si les travaux n'ont pas été réalisés dans le délai prévu. Dans ce cas, le procès-verbal définitif d'abandon manifeste intervient soit à l'expiration du délai mentionné au premier alinéa, soit, à l'expiration du délai fixé par la convention mentionnée au deuxième alinéa (...) ". Aux termes de L. 2243-4 du même code : " L'expropriation des immeubles, parties d'immeubles, voies privées assorties d'une servitude de passage public, installations et terrains ayant fait l'objet d'une déclaration d'état d'abandon manifeste peut être poursuivie dans les conditions prévues au présent article. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est propriétaire en indivision, sur le territoire de la commune de Saint-Brieuc, des parcelles cadastrées à la section BR sous les n°s 1, 2, 3, 185 et 187 formant le " Domaine de la Tour de Cesson " qui est composé, outre un parc de 11 hectares environ classé site Natura 2000, d'un manoir, d'une conciergerie, d'une ferme et de ses dépendances, d'un atelier et de sa remise, d'une maison à usage d'habitation ainsi que des ruines de la Tour de Cesson, tour de défense du XIVe siècle, inscrite à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques. La maire de Saint-Brieuc a été autorisée, par une ordonnance du 29 juin 2017 de la présidente du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, à accéder à ces parcelles, assistée d'un huissier de justice, d'un technicien expert en construction et d'un serrurier. Elle s'est rendue sur les lieux, le 18 juillet 2017, accompagnée d'un expert judiciaire. Se fondant sur le rapport de constats techniques du 1er septembre 2017 de cet expert, elle a dressé, le 6 novembre 2017, un procès-verbal provisoire de constatation de l'état d'abandon manifeste des parcelles, notifié aux huit propriétaires Enfin, elle a dressé le 23 février 2018 un procès-verbal définitif d'état d'abandon manifeste. Par une délibération du 26 février 2018, le conseil municipal de Saint-Brieuc, saisi de ce procès-verbal définitif, a déclaré ces parcelles en état d'abandon manifeste.
6. En premier lieu il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée cette délibération en ce qu'aurait été méconnu le délai de trois mois prescrit par l'article L. 2243-3 du code général des collectivités territoriales, moyen que le requérant se borne à reprendre en appel sans précision nouvelle.
7. En deuxième lieu d'une part il résulte des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales que les procès-verbaux " provisoires " et les procès-verbaux " définitifs " par lesquels le maire constate l'état d'abandon manifeste d'une parcelle ne constituent que de simples mesures préparatoires à la décision éventuelle du conseil municipal de déclarer cette parcelle en l'état d'abandon manifeste et de procéder à son expropriation. Ces procès-verbaux ne portent par eux-mêmes aucune atteinte directe au droit de propriété de leurs destinataires, garanti par le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les irrégularités dont ils seraient entachés ne peuvent être invoquées qu'à l'appui des recours dirigés contre la décision du conseil municipal une fois cette dernière intervenue.
8. Si les dispositions de l'article L. 2243-2 du code général des collectivités territoriales prescrivent que le procès-verbal provisoire d'abandon manifeste est notifié aux propriétaires et que cette notification reproduit, à peine de nullité, intégralement les termes des articles L. 2243-1 à L. 2243-4 de ce code, ni les dispositions de l'article L. 2243-2 du code général des collectivités territoriales, ni aucune disposition législative ou réglementaire n'imposent que le procès-verbal définitif par lequel le maire constate l'état d'abandon manifeste de la parcelle fasse l'objet des mêmes formalités de notification à peine de nullité. Par suite, le moyen tiré de ce que la notification de ce procès-verbal définitif qui ne reproduit pas intégralement les termes des articles L. 2243-1 à L. 2243-4 de ce code serait entachée de nullité de sorte que la délibération serait elle-même entachée " de vice de forme " doit être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport du 1er septembre 2017, que " l'abandon par les propriétaires ne fait aucun doute et est avéré " et que " pour que les constructions puissent être à nouveau habitées dans des conditions décentes, des travaux de réhabilitation, très lourds techniquement et financièrement, sont à prévoir ", notamment
" (...) la vérification avec remaniement ou remplacement des couvertures, la réfection et/ou remplacement des menuiseries extérieures et des volets, l'assèchement des murs et plafond, (...) la réfection pour mise aux normes des installations électriques, la remise en état des installations de chauffage, plomberie, ventilation, la reprise des embellissements (revêtements muraux, revêtements de sol) (...) ". A la suite de la notification, le 6 novembre 2017, à M. A... du procès-verbal provisoire constatant l'état d'abandon manifeste, ce dernier a adressé, le 24 janvier 2018, à la maire de Saint-Brieuc une lettre par laquelle il indiquait son " intention d'entreprendre des travaux dans la propriété de " La Tour de Cesson ", notamment, dans un premier temps, la réparation des fermetures de la maison principale et de la maison du gardien, à l'entrée de la propriété, puis, de faire " intervenir un couvreur qui permettra d'entretenir les chéneaux et de dégager les gouttières obstruées à l'origine des moisissures ". Toutefois, et alors que l'intéressé mentionnait " le manque de volonté et des blocages de certains autres indivis ", il n'indiquait aucun calendrier quant à la réalisation des travaux annoncés, ni ne sollicitait auprès de la commune des délais pour les faire réaliser, ni n'envisageait la conclusion d'une convention avec la commune concernant les travaux à venir. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de leur caractère limité, les travaux projetés énoncés dans cette lettre auraient été de nature à faire cesser l'état d'abandon manifeste constaté. Par suite, ce seul courrier ne peut être regardé comme constituant l'engagement d'effectuer les travaux propres à y mettre fin prescrit par les dispositions précitées. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la délibération litigieuse " serait entachée d'une erreur de fait. ". Enfin, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que " l'état de squat des propriétés " qu'il invoque aurait fait obstacle à ce que soient entrepris les travaux rendus nécessaires pour faire cesser l'état d'abandon manifeste, l'intéressé n'ayant pas indiqué dans sa lettre du 24 janvier 2018, qui faisait certes de la présence de personnes squattant la maison, que cette situation rendait impossible la réalisation de tous travaux, alors d'ailleurs que M. A... prévoyait dans ce courrier de faire procéder à des travaux de réparation des serrures.
10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le conseil municipal de Saint-Brieuc aurait pris la délibération en litige dans un but étranger à celui pour lequel est instituée la procédure prévue par les articles L. 2243-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, de déclaration de parcelles en état d'abandon manifeste dont l'objet est de permettre aux communes qui constateraient la présence, d'une parcelle ou d'un immeuble en état d'abandon manifeste et souhaiteraient y réaliser la construction de logements ou y développer tout projet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement, d'exproprier la parcelle ou l'immeuble après en avoir fait constater l'état d'abandon manifeste. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit donc être écarté.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Brieuc, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... C... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... le versement à la commune de Saint-Brieuc d'une somme de 1 200 euros au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : M. A... versera à la commune de Saint-Brieuc une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune de Saint-Brieuc.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.
La rapporteure,
C. BUFFETLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet des Côtes d'Armor en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02834