Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 janvier 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour:
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Le ministre de l'intérieur soutient que :
- la demande de visa de M. A... présente un risque de détournement de l'objet du visa ;
- ses ressources ne peuvent être considérées comme fiables et de nature à en permettre la prise en compte pour justifier sa capacité à se prendre en charge durant son séjour et pour son retour dans son pays de résidence.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à M. A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention d'application de l'accord de Schengen ;
- le règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas ;
- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016, dit " code frontières Schengen " ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Buffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 15 janvier 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., la décision du 8 mars 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 5 décembre 2017 des autorités consulaires françaises à Yaoundé (Cameroun) refusant de lui délivrer un visa de court séjour. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 10 de la convention d'application de l'accord de Schengen : " 1. Il est institué un visa uniforme valable pour le territoire de l'ensemble des Parties contractantes. Ce visa (...) peut être délivré pour un séjour de trois mois au maximum (...) ". Aux termes de l'article 6 du règlement (CE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes dit " code frontières Schengen " : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes: ( ...) c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens; (...) 4. L'appréciation des moyens de subsistance se fait en fonction de la durée et de l'objet du séjour et par référence aux prix moyens en matière d'hébergement et de nourriture dans l'État membre ou les États membres concernés, pour un logement à prix modéré, multipliés par le nombre de jours de séjour. (...) Les déclarations de prise en charge, lorsqu'elles sont prévues par le droit national, et les lettres de garantie telles que définies par le droit national, dans le cas des ressortissants de pays tiers logés chez l'habitant, peuvent aussi constituer une preuve de moyens de subsistance suffisants. ". L'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour. Il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge, et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas, sont suffisantes pour ce faire. Cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit.
4. Par une attestation d'accueil signée du maire de Conilhac-Corbières, M. B..., père du requérant, s'est engagé à prendre en charge les frais de séjour de son fils pendant la durée de son séjour en France. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., qui justifie d'un revenu annuel de 20 000 euros pour l'année 2017, se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit, le caractère suffisant de ses ressources n'étant, au demeurant, pas contesté par le ministre. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que M. A... exerce depuis le 14 février 2014 une activité de " responsable événementiel et tourisme ", dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, qui lui procure une rémunération mensuelle de 884 euros et qu'il dispose d'une somme de près de 11 000 euros sur son compte courant. Dans ces conditions, en rejetant, par la décision du 8 mars 2018 contestée, la demande de visa de court séjour pour ce premier motif, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.
5. En second lieu, l'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a deux enfants nés les 21 octobre 2015 et 12 mai 2017 et que sa compagne est enseignante à Yaoundé. Ainsi qu'il a été dit plus haut, il justifie d'une situation professionnelle stable dans son pays. Dans ces conditions, et alors que la seule circonstance qu'il ait déclaré, sur le formulaire de demande de visa, qu'il était célibataire, sans autre précision, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, en rejetant la demande de visa au motif qu'il existait un risque de détournement de l'objet du visa, a commis une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 8 mars 2018 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours qu'il a formé contre la décision du 5 décembre 2017 des autorités consulaires françaises à Yaoundé refusant de lui délivrer un visa de court séjour.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A....
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.
La rapporteure,
C. BUFFETLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21NT00162