Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 décembre 2020 et 16 janvier 2021, Mme A..., représentée par Me Rochiccioli, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 8 janvier 2020 de la commission de recours ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A... soutient que :
- il n'est pas contesté que son séjour est financièrement pris en charge par ses enfants qui disposent de ressources suffisantes ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant au motif tiré de ce qu'il existe un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ; elle est mère de sept enfants : deux sont en Centrafrique, une au Tchad et quatre en France ; elle dispose d'un logement en Centrafrique, pays où elle a toujours vécu ; elle habite à Bangui avec notamment quatre de ses petits-enfants mais également avec certains de ses neveux et nièces et n'y a jamais été isolée même depuis le décès de son mari en 2015 ; elle est déjà venue en 1998 et en 2004 en France dans le cadre de visas de court séjour afin de rendre visite à ses enfants et est repartie à l'issue de la période de validité de ses visas ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 janvier 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Buffet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 9 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme A..., ressortissante centrafricaine, tendant à l'annulation de la décision du 8 janvier 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 4 novembre 2019 de l'autorité consulaire française en Centrafrique refusant de lui délivrer un visa d'entrée et de court séjour. Mme A... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger qui déclare vouloir séjourner en France pour une durée n'excédant pas trois mois dans le cadre d'une visite familiale ou privée doit présenter un justificatif d'hébergement. Ce justificatif prend la forme d'une attestation d'accueil signée par la personne qui se propose d'assurer le logement de l'étranger, ou son représentant légal, et validée par l'autorité administrative. Cette attestation d'accueil constitue le document prévu par la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 pour justifier les conditions de séjour dans le cas d'une visite familiale ou privée. ". Selon l'article L. 211-4 du même code, l'attestation d'accueil " est accompagnée de l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge, pendant toute la durée de validité du visa (...) et au cas où l'étranger accueilli n'y pourvoirait pas, les frais de séjour en France de celui-ci, limités au montant des ressources exigées de la part de l'étranger pour son entrée sur le territoire en l'absence d'une attestation d'accueil. ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'obtention d'un visa de court séjour est subordonnée à la condition que le demandeur justifie à la fois de sa capacité à retourner dans son pays d'origine et de moyens de subsistance suffisants pendant son séjour. Il appartient au demandeur de visa dont les ressources personnelles ne lui assurent pas ces moyens d'apporter la preuve de ce que les ressources de la personne qui l'héberge et qui s'est engagée à prendre en charge ses frais de séjour au cas où il n'y pourvoirait pas sont suffisantes pour ce faire. Cette preuve peut résulter de la production d'une attestation d'accueil validée par l'autorité compétente et comportant l'engagement de l'hébergeant de prendre en charge les frais de séjour du demandeur, sauf pour l'administration à produire des éléments de nature à démontrer que l'hébergeant se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'il a ainsi souscrit.
4. S'il n'est pas contesté que Mme A... ne dispose pas de ressources propres lui permettant de financer son séjour en France, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a produit au soutien de sa demande de visa de court séjour une attestation d'accueil visée le 29 juin 2019 par le maire de Bezons selon laquelle l'une de ses filles s'est engagée à l'héberger et à prendre en charge ses frais de séjour pendant la durée de son séjour en France. L'administration n'apporte pas d'élément de nature à démontrer que ce membre de famille, qui dispose d'une pension de retraite d'un montant mensuel net de 1087,27 euros et d'une épargne importante, se trouverait dans l'incapacité d'assumer effectivement l'engagement qu'elle a ainsi souscrit. Dans ces conditions, en estimant que Mme A... ne pouvait être regardée comme disposant des ressources suffisantes pour financer son court séjour en France, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées.
5. En second lieu, l'administration peut, indépendamment d'autres motifs de rejet tels que la menace pour l'ordre public, refuser la délivrance d'un visa, qu'il soit de court ou de long séjour, en cas de risque avéré de détournement de son objet, lorsqu'elle établit que le motif indiqué dans la demande ne correspond manifestement pas à la finalité réelle du séjour de l'étranger en France. Elle peut à ce titre opposer un refus à une demande de visa de court séjour en se fondant sur l'existence d'un risque avéré de détournement du visa à des fins migratoires.
6. Mme A... soutient qu'elle souhaite venir rendre visite à ses enfants et petits-enfants qui résident en France. Il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que deux des enfants de l'intéressée résident en Centrafrique, pays où elle a toujours vécu, qu'elle dispose d'un logement à Bangui et qu'elle habite avec plusieurs de ses petits-enfants. En outre, elle a obtenu, en 1998 et en 2004 en France des visas de court séjour dont il n'est pas contesté qu'elle a respecté la durée de validité. Dans ces conditions, et alors même qu'elle est âgée de 74 ans et que ses autres enfants sont en France, l'existence d'un risque avéré de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires n'est pas établi. Il suit de là qu'en retenant l'existence d'un tel risque, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme A... le visa sollicité. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de procéder à cette délivrance dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. Il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... C... la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 octobre 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La décision du 8 janvier 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visa de court séjour présentée par Mme A... est annulée.
Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à Mme A... un visa d'entrée et de visa de court séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Mme A... une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2021.
La rapporteure,
C. BUFFETLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03926