Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 mai 2018, le 21 novembre 2018, la société Kantharos, représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 16 mars 2018 en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande ;
2°) de condamner la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer à lui verser la somme de 269 007,10 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société Kantharos soutient que :
- le tribunal administratif s'est mépris en jugeant qu'il y avait lieu d'atténuer de moitié la responsabilité de la commune ;
- la circonstance qu'elle oeuvre dans le domaine de l'immobilier ne peut suffire à justifier une telle atténuation de responsabilité ;
- l'inconstructibilité des parcelles dont elle a fait l'acquisition n'allait pas de soi ;
- elle a pris toutes les précautions utiles en sollicitant préalablement un certificat d'urbanisme pré-opérationnel et en déposant un dossier de déclaration préalable ;
- la constructibilité des parcelles avait été admise par les services de l'Etat ;
- à supposer même qu'un partage de responsabilité puisse être retenu, le quantum retenu par le tribunal administratif est manifestement erroné ;
- sa responsabilité personnelle, au cas où elle devrait être admise, ne devrait pas dépasser un tiers ;
- elle a subi un préjudice matériel tenant à ce qu'elle a procédé à des acquisitions de terrains au prix du terrain constructible, ce qui ne correspond pas à leur valeur réelle ;
- le préjudice tenant aux frais annexes d'acquisition des terrains n'a pas été correctement estimé par le tribunal administratif mais s'élève à 11 380,15 euros ;
- le préjudice tenant aux frais d'architecte n'a pas été correctement estimé par le tribunal administratif mais s'élève à 30 531,20 euros dès lors que les prestations facturées début 2013 ne sont que la conséquence des indications portées dans les décisions de refus de permis de construire du 21 décembre 2012 ;
- le préjudice tenant aux frais de géomètre-expert est la conséquence directe de la décision de non opposition à déclaration préalable, laquelle était illégale ;
- les frais d'avocat qu'elle a engagés résultent directement des illégalités fautives de la commune et ne se réduisent pas aux frais engagés pour contester la légalité des refus de permis de construire que lui a opposés la commune ;
- elle a incontestablement subi un préjudice moral du fait des tracasseries de toute nature qui ont résulté pour elle de l'acquisition des terrains dans le but de mener à bien l'opération qu'elle projetait ;
- les frais financiers qu'elle a dû supporter en pure perte s'élèvent à 51 035,43 euros et elle doit être indemnisée à hauteur de cette somme ;
- la commune a commis une faute en ne mentionnant pas les dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme sur les certificats d'urbanisme qu'elle lui a délivrés, ni sur la décision de non-opposition à déclaration préalable ;
- l'opération qu'elle projetait, qui ne prend pas la forme d'un hameau nouveau intégré à l'urbanisation, était radicalement non réalisable du fait de ces dispositions ;
- elle n'a cherché à mettre en oeuvre son projet de construction de deux maisons d'habitation que parce que les certificats d'urbanisme qui lui ont été délivrés indiquaient qu'une telle opération était réalisable.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 mai et 20 décembre 2018, la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer, représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête, à la réformation, par la voie de l'appel incident, du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser 123 006 euros à la société Kantharos, au rejet des demandes présentées
par cette dernière devant le tribunal administratif de Rennes et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société Kantharos au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Saint-Jacut-de-la-Mer fait valoir :
- qu'elle n'a commis aucune faute, dès lors qu'un classement en zone constructible d'un document local d'urbanisme n'emporte pas nécessairement la délivrance d'une autorisation de construire ;
- que la situation des parcelles dans la bande littorale des cent mètres n'emportait pas nécessairement toute interdiction de construire ;
- que les mentions figurant tant sur les certificats d'urbanisme et la décision de non-opposition délivrés à la société Kantharos précisaient expressément qu'un permis de construire était conditionné à un accord préalable du préfet, ce dont le pétitionnaire était lui-même informé en raison des mentions figurant à l'acte de vente ;
- que le projet du pétitionnaire ne pouvait de toutes façons aboutir faute d'avoir obtenu un tel accord ;
- que l'absence de mention du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme n'a eu aucune incidence sur les décisions de refus de délivrer les permis de construire sollicités ;
- la société Kantharos n'établit pas la matérialité des divers préjudices qu'elle allègue avoir subis ;
- que le prix au m² de terre agricole sur le littoral breton nord n'est pas celui que le tribunal administratif a retenu ;
- que les terrains acquis par la société Kantharos n'étaient pas entièrement classés en secteur constructible et le préjudice invoqué à ce titre est ainsi surévalué ;
- le préjudice tenant à la charge d'intérêts consécutive à la mobilisation d'un emprunt ne peut être tenu pour établi faute de démonstration de ce que cet emprunt a été effectivement été mobilisé pour permettre l'acquisition des terrains ;
- il appartenait à la société Kantharos, en tant que professionnel de l'immobilier, d'avoir une attitude responsable de nature à minimiser les risques pesant sur l'opération qu'elle projetait, alors que les informations qui lui ont été préalablement communiquées indiquaient que le succès de cette opération était conditionné au respect de plusieurs obligations ;
- la société Kantharos a commis une imprudence fautive en ignorant les contraires que faisaient peser sur son projet la loi Littoral ;
- plusieurs des préjudices allégués par la société Kantharos sont surévalués, notamment en ce qui concerne les frais d'acquisition, les frais d'architecte, les frais de bornage et les frais d'avocat ;
- aucun préjudice moral ne peut être sérieusement invoqué de la part d'une personne morale dans le cadre d'une opération correspondant à son objet social.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la société Kantharos, et de MeA..., représentant la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer.
Une note en délibéré présentée par la société Kantharos a été enregistrée le 20 mai 2019.
Une note en délibéré présentée par la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer a été enregistrée le 23 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. Après s'être vue délivrer un certificat d'urbanisme pré-opérationnel délivré le 9 juillet 2009 par la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer (Côtes d'Armor) déclarant réalisable un projet de construction d'une maison d'habitation puis avoir bénéficié d'une décision de non-opposition à déclaration préalable en vue d'une division foncière en lots à construire le 21 octobre 2009, la société Kantharos a procédé en décembre 2009 à l'acquisition de deux parcelles de terrains cadastrées section AI n° 43 et 44. Elle a déposé le 8 septembre 2010 deux dossiers de demande de permis de construire en vue d'édifier une maison d'habitation sur chacun des deux lots. Par deux arrêtés en date du 5 novembre 2010, la commune a opposé un sursis à statuer sur ces demandes. La société Kantharos a alors demandé l'annulation de ces décisions. Le tribunal administratif de Rennes a fait droit à ces demandes le 18 juin 2013. Ayant parallèlement maintenu ses demandes de permis, la société Kantharos s'est vue opposer le 21 décembre 2012 un double refus, dont elle a contesté la légalité. Le tribunal administratif de Rennes, par deux jugements du 19 décembre 2014, a rejeté ces demandes. Par un courrier daté du 30 mars 2015, la société Kantharos a formé une demande préalable d'indemnisation auprès de la commune, que celle-ci a rejetée le 26 mai suivant. La société Kantharos a formé le 11 juin 2015 un recours indemnitaire par lequel elle demandait la condamnation de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer à lui verser la somme de 268 135,59 euros en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du comportement fautif de cette dernière. Par un jugement en date du 16 mars 2018, le tribunal administratif a partiellement fait droit à cette demande en condamnant la commune à verser à la société une indemnité de 123 006 euros. La société Kantharos relève appel de ce jugement en tant qu'il ne lui a pas donné intégralement satisfaction. La commune de Saint-Jacut-de-la-Mer, par la voie de l'appel incident, conclut à la réformation du jugement en tant qu'il a reconnu l'engagement de sa responsabilité et qu'elle a été condamnée au versement de dommages-intérêts.
Sur la responsabilité pour faute de la commune :
2. Il résulte de l'instruction que la parcelle de terrain cadastrée section AI n° 43, d'une superficie de 859 m², était, au moment de son acquisition par la société Kantharos, entièrement classée en zone UB (zone d'habitat pavillonnaire) du document local d'urbanisme et que la parcelle cadastrée section AI n° 44, d'une superficie totale de 2 288 m² était pour sa part partiellement classée, pour 1 163 m² dans cette même zone UB, le surplus étant réparti
entre deux zonages NAS, zone d'urbanisation future d'habitat non ouverte, et NDL, zone littorale naturelle à protéger, du document local d'urbanisme. Il résulte également de l'instruction que l'achat de ces parcelles est intervenu sur la foi d'un certificat d'urbanisme pré-opérationnel sollicité par la société Kantharos, portant sur la réalisation d'une opération consistant en la construction de maisons d'habitation. Ce certificat d'urbanisme, délivré le 6 juillet 2009 par la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer indique dans son article 1er : " Le terrain objet de la demande peut être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée (...) Le
terrain est situé dans les espaces proches du rivage au sens de la " Loi Littoral " (article
L. 146.4 II du code de l'urbanisme). Préalablement à la délivrance du permis de construire, le futur projet devra recevoir l'accord du préfet du département, après avis de la Commission des Sites (...) ". La vente des terrains est intervenue sans clause résolutoire tenant à l'obtention d'une telle autorisation de construire. L'acte de vente mentionne également que la société Kantharos a déposé un dossier de déclaration préalable en vue de la création de deux lots à construire dans les terrains qu'elle se proposait d'acquérir et que l'arrêté de non-opposition à cette déclaration préalable du 21 octobre 2009 indique dans son article 2 : " La surface hors oeuvre nette constructible sur l'ensemble du lotissement est de 580 m², répartie à raison de 250 m² pour le lot A, et 330 m² pour le lot B.(...) l'attention du pétitionnaire est attirée sur le fait que le terrain est situé dans les espaces proches du rivage au sens de la " Loi Littoral ". En application de l'article L. 146-4 II du code de l'urbanisme, dans ces espaces l'extension de l'urbanisation doit être limitée et faire l'objet d'un accord préalable du représentant de l'Etat dans le département après avis de la Commission des sites, qui ne peut être sollicité que sur la demande de permis de construire. A défaut d'accord, toute demande d'autorisation de construire ou d'aménager pourrait être refusée. ". L'acte de vente indique également " L'ACQUEREUR reconnaît que la situation de l'immeuble acquis par lui le soumet aux dispositions de la " Loi Littoral ", codifiée aux articles L. 146-1 et suivants du code de l'urbanisme. L'ACQUEREUR déclare être informé des prescriptions édictées par cette loi et les textes pris pour son application concernant la limitation de l'urbanisation des espaces proches du rivage, la limitation des constructions dans et hors des zones urbanisées ou d'urbanisation future, la limitation des terrains de camping ou de stationnement des caravanes, la préservation des espaces terrestres et marins remarquables et la limitation des travaux et aménagements possibles ".
3. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le dossier de déclaration préalable déposé par la société Kantharos prévoyait non pas la construction d'une maison d'habitation, mais de deux, sur chacun des lots à construire à créer. Il ressort des pièces du dossier alors constitué par le pétitionnaire que les deux lots correspondant sont tous deux situés, en totalité, dans la bande littorale des cent mètres, ce qui n'était pas le cas de l'ensemble du tènement foncier acquis par la société Kantharos, une partie de la parcelle AI 44 étant située en dehors de cette bande. Il résulte également de l'instruction que ces parcelles sont situées à l'intérieur d'un compartiment de terrains situés entre deux routes, dont l'une borde l'océan, et l'autre marque la limite du secteur aggloméré de la commune. Les seules constructions situées à proximité immédiate de ces parcelles, dont le voisinage est au contraire très majoritairement constitué de terrains présentant un caractère naturel, avec présence de végétation, sont en majorité situées dans la pointe de ce compartiment et leur très faible nombre confère à cette partie du territoire communal le caractère d'un espace d'urbanisation diffuse. La partie des parcelles AI n° 43 et 44 où la société Kantharos se proposait de faire édifier des maisons d'habitation entrait dès lors dans le champ d'application du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, en vertu desquelles les constructions sont interdites. En omettant de fournir à la société Kantharos une telle précision, alors même que les dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme trouvaient à s'appliquer à une partie des terrains devant accueillir une maison d'habitation et faisaient ainsi obstacle tant à la réalisation de ce projet qu'à celui de division en lots à construire des terrains compris dans la bande littorale des cent mètres, la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer a entaché d'illégalité tant le certificat d'urbanisme délivré le 9 juillet 2009 que sa décision de non-opposition à déclaration préalable du 21 octobre 2009. La commune de Saint-Jacut-de-la-Mer n'est pas fondée, par suite, à soutenir qu'elle n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité, la circonstance qu'une demande de permis de construire, même s'agissant d'un terrain classé en secteur constructible, peut ne pas aboutir étant sans incidence dans le cas d'espèce.
4. Il résulte de l'instruction, comme l'a également indiqué à juste titre le tribunal administratif, que la décision d'acquisition des parcelles AI n° 43 et 44 de la société Kantharos résulte directement de la délivrance des décisions précitées de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer, dont les termes, erronés car incomplets, ont été repris dans l'acte d'achat de ces terrains. Eu égard aux conditions dans lesquelles est intervenu cet achat, le préjudice financier dont se prévaut la société Kantharos, et qui tient notamment à la différence entre le prix auquel les parcelles, censées être constructibles ont été acquises, et leur prix réel, s'agissant de terrains non constructibles, ainsi qu'aux différents frais liés à cette acquisition et au montage de l'opération de construction projetée, doit être regardé comme directement lié à l'illégalité fautive commise par la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer.
5. Toutefois, il résulte également de l'instruction que la société Kantharos se définit elle-même comme une société " spécialisée dans le secteur des activités des marchands de biens immobiliers ". Comme précédemment indiqué, tant le certificat d'urbanisme du 9 juillet 2009 que la non-opposition à déclaration préalable du 21 octobre suivant mentionnaient, en termes clairs, que la délivrance d'un permis de construire n'était nullement acquise, étant conditionnée à un accord préalable du préfet du département. L'acte de vente signé par la société Kantharos rappelle également, comme indiqué au point 2, que les terrains ainsi acquis étaient soumis aux dispositions de la loi Littoral, dont la société Kantharos déclarait être informée de ses prescriptions. Il appartenait dès lors au pétitionnaire, quand bien même les informations que la commune lui a fournies étaient incomplètes et ne mentionnaient pas que son projet n'était pas réalisable, de s'entourer de garanties quant à la délivrance des autorisations de construire nécessaires à l'aboutissement de son projet et de se prémunir contre le risque d'un refus. Comme l'a indiqué à juste titre le tribunal administratif, qui ne s'est pas limité à relever que le pétitionnaire était un professionnel de l'immobilier mais a également indiqué les différents points qui auraient objectivement dû inciter le pétitionnaire à faire montre de davantage de prudence, la société Kantharos, en procédant à l'acquisition de terrains situés dans la bande littorale des cent mètres et en dehors des espaces urbanisés de la commune en vue de la réalisation d'une opération de promotion immobilière, alors même qu'il n'était pas certain, au vu des renseignements lui ayant été fournis, qu'elle obtienne les autorisations de construire nécessaires, a elle-même commis une imprudence fautive. Si la société Kantharos soutient qu'elle avait également obtenu des assurances de la part des services de l'Etat quant à la possibilité de construire sur les terrains qu'elle se proposait
d'acquérir, une telle circonstance, à la supposer même établie, ne saurait constituer une faute de la commune.
6. Les indications fournies par la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer figurant sur les documents obtenus par la société Kanthoros, bien qu'incomplètes, faisaient par ailleurs obstacle à ce que le pétitionnaire obtienne les autorisations de construire qu'il a ensuite sollicitées, que la commune a précisément refusé de lui délivrer, notamment au motif de la méconnaissance des dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, faute d'accord du préfet. La commune de Saint-Jacut-de-la-Mer, par suite, est fondée à soutenir dans le cadre de son appel incident que, en fixant un partage de responsabilité à hauteur de la moitié, le tribunal administratif n'a pas procédé à une juste répartition des responsabilités engagées en l'espèce. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de fixer sa part de responsabilité à un tiers.
Sur les préjudices :
7. En premier lieu, s'agissant de l'achat des terrains, il résulte de l'instruction que le prix total acquitté par la société Kantharos de 160 000 euros l'a été pour des terrains dont la superficie constructible, s'agissant de la parcelle AI n° 44 n'était que de 663 m² sur un total de 2 288. Par suite, le seul préjudice dont peut utilement se prévaloir la société est l'acquisition de la parcelle AI n° 43 et de la parcelle AI n° 44 pour 663 m². Il ne résulte pas de l'instruction, par ailleurs, qu'en prenant pour référence un prix moyen de 0,50 euro le m² issu du barême AGRESTE de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de Bretagne pour l'année 2010, le tribunal administratif ait pris en compte une référence manifestement sous évaluée pour calculer le différentiel de prix indûment payé par la société Kantharos. En fixant ainsi à 158 426,50 euros la perte de valeur vénale des terrains en cause, le tribunal administratif a procédé à une juste appréciation de ce chef de préjudice.
8. En deuxième lieu, s'agissant des frais d'acquisition et de négociation, c'est également au terme d'une juste appréciation que le tribunal administratif, après avoir pris en compte les frais de notaire s'attachant à une acquisition d'un terrain en partie inconstructible, ce qui est le cas de la parcelle AI n°44, a fixé ceux-ci à 10 930,15 euros.
9. En troisième lieu, si la société Kantharos a en principe droit à la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait du paiement des intérêts de l'emprunt contracté en vue de l'achat des terrains, c'est à la condition de justifier du versement effectif de ceux-ci. Or, il résulte de l'instruction que la société Kantharos a produit successivement différentes attestations de l'établissement bancaire lui ayant accordé un prêt qui, outre le fait qu'elles ne renvoient pas au numéro de prêt figurant sur l'acte de vente, varient constamment sur plusieurs points, notamment le montant du capital emprunté, la durée du prêt et le taux d'intérêt. La réalité d'un emprunt réalisé par la société Kantharos n'étant pas contestée, il y a lieu de fixer le montant de ces frais financiers à hauteur de la plus faible des sommes figurant sur ces attestations, soit 38 375,02 euros.
10. En quatrième lieu, si la société Kantharos demande le versement d'une somme de 30 531,20 euros au titre des frais consécutifs aux honoraires d'architecte qu'elle a engagés dans le cadre de son projet de construction de deux maisons d'habitation, cette somme prend en compte, à hauteur de 6 431,80 euros, des prestations qui ne sont intervenues que début 2013, dans le but de modifier les projets de construction, après le refus opposé par la commune le 21 décembre 2012, pour tenter de remédier à l'insertion paysagère insuffisante qui constituait un des motifs de refus de délivrance des permis sollicités, alors même que l'autre motif, tenant à l'opposition du préfet qui a refusé de donner son accord le 17 octobre 2011 à l'extension de l'urbanisation qui aurait été consécutive à la construction des maisons d'habitation souhaitée par le pétitionnaire, n'était lui-même pas régularisable. Compte tenu de l'opposition du préfet, seules les dépenses consécutives aux frais d'architecte ayant permis le montage des dossiers de demandes de permis de construire faisant suite aux informations reçues de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer constituent un préjudice indemnisable. C'est ainsi à juste titre que le tribunal administratif a fixé ce tel chef de préjudice à hauteur de 24 099,40 euros.
11. En cinquième lieu, contrairement à ce qu'a pu estimer le tribunal administratif, les frais de géomètre qui ont été engagés par la société Kantharos ne l'ont été que face à la nécessité pour cette dernière de déposer un dossier de déclaration préalable en vue de la division de ces terrains afin d'y créer deux lots à construire. La société Kantharos est, par suite, fondée à soutenir que les honoraires correspondants, soit 2 451,32 euros, entrent dans le quantum de son préjudice indemnisable.
12. En sixième lieu, les frais exposés pour procéder au nettoyage et au terrassement des terrains, qui s'élèvent à hauteur de 2 392 euros, rentrent également dans ce quantum.
13. En septième lieu, si la société Kantharos soutient qu'elle doit également être indemnisée des frais de justice qu'elle a engagés pour contester la légalité des refus de permis de construire qui lui ont été opposés par la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu notamment des mentions figurant sur le certificat d'urbanisme et la non-opposition à déclaration préalable antérieurement délivrés au pétitionnaire, et alors même que le tribunal administratif a rejeté par deux jugements du 19 décembre 2014 les demandes de la société Kantharos visant à l'annulation de ces refus, que de telles dépenses aient été rendues nécessaires du seul fait des mentions incomplètes figurant sur le certificat d'urbanisme et la décision de non-opposition, les refus de permis de construire étant intervenus au regard des dispositions citées par ces décisions. Le tribunal administratif, par suite, ne s'est pas mépris en refusant d'accueillir un tel chef de préjudice.
14. La société Kantharos, personne morale, n'est pas fondée en dernier lieu à invoquer un préjudice moral, son activité de professionnelle de l'immobilier l'exposant constamment au risque d'aléa quant à la possibilité de mener à bien ses projets, laquelle suppose, à chaque fois, une complète vérification des renseignements relatifs au droit applicable.
15. Il résulte de ce qui précède que les différents préjudices subis par la société Katharos et dont elle est fondée à demander réparation s'élèvent à la somme globale de 236 674,39 euros. Toutefois, compte-tenu du partage de responsabilité retenu indiqué au point 6, la société Kantharos est seulement fondée à demander la condamnation de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer à lui verser la somme de 78 883,57 euros, cette somme portant intérêts, ainsi que l'a déjà jugé le tribunal, à compter de la date de réception de sa demande préalable d'indemnisation. La commune de Saint-Jacut-de-la-Mer, pour sa part, est seulement fondée à soutenir que le jugement attaqué doit être réformé en tant qu'il a fixé à 50 % sa part de responsabilité et fixé à 123 006 euros la réparation du préjudice subi par la sociéé Kantharos.
Sur les frais liés au litige :
16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Kantharos est rejetée.
Article 2 : La somme que la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer a été condamnée à payer à la société Kantharos est ramenée à 78 883,57 euros.
Article 3 : Le jugement n° 1502314 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Kantharos et à la commune de Saint-Jacut-de-la-Mer.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 14 juin 2019.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01911