Par une requête, enregistrée le 28 juin 2016, Mme D...B...E..., épouseC..., M. QiGengC...et M. H...C..., représentés par MeG..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 avril 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 28 mai 2013 des autorités consulaires et la décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de délivrer les visas de séjour sollicités dans un délai de deux mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C...et les autres requérants soutiennent que :
- la décision des autorités consulaires a été prise par une autorité incompétente ;
- la décision refusant d'accorder les visas sollicités méconnaît le droit au rapprochement familial des réfugiés statutaires ;
- le défaut de valeur probante des documents qui ont été produits ne peut pas leur être opposé ;
- le lien matrimonial avec M. C...doit être regardé comme établi du fait de l'existence du certificat qui lui a été délivré par l'OFPRA le 15 février 2008, celui-ci ayant valeur d'acte authentique ;
- la circonstance que le document OFPRA mentionne une date de naissance erronée n'est pas de nature à lui ôter sa valeur probante dès lors que la date de naissance de M. C...peut se déduire d'autres documents, lesquels comportent tous la date du 4 novembre 1974 ;
-un extrait d'acte de naissance officiel a été produit s'agissant de H...C...dont l'administration ne démontre pas en quoi il serait irrégulier ;
-il est également produit un acte notarié, qui présente le caractère d'un acte authentique, le concernant ;
- ces documents attestent de la réalité du lien de filiation ;
- aucun commencement de preuve n'est apporté par l'administration de la tentative de corruption reprochée à M.C... ;
- une telle tentative de corruption était inutile du fait des éléments constituant le dossier de demande de visas ;
- l'argent en question, d'un montant trop faible pour pouvoir constituer une tentative de corruption, était en fait destiné à financer le voyage de retour de M. C...vers son domicile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2016, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi 2015- du 29 juillet 2015 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa demande, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme D...B...C..., néeE..., ressortissante chinoise, a été admise le 14 juin 2007 au bénéfice du statut de réfugié ; que son époux allégué M. QiGenget son fils allégué H...ont déposé en février 2013 auprès des autorités consulaires française de Canton une demande visa de long séjour ; que ces demandes feront l'objet d'un refus le 28 mai 2013 ; que le recours formé le 25 juillet 2013 contre cette décision devant la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a été implicitement rejeté le 25 septembre 2013 ; que Mme C...relève appel du jugement en date du 28 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté le recours formé contre ces deux décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision des autorités consulaires
2. Considérant qu'aux termes de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une commission placée auprès du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de l'immigration est chargée d'examiner les recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France prises par les autorités diplomatiques ou consulaires. La saisine de cette commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier " ; qu'il résulte de ces dispositions que les décisions par lesquelles la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejette les recours introduits devant elle se substituent à celles des autorités diplomatiques et consulaires qui lui sont déférées ; que, par suite, les conclusions de la requête dirigées contre les décisions de l'autorité consulaire française à Canton du 28 mai 2013 sont irrecevables ;
En ce qui concerne la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date où la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a rejeté les demandes de visas : " L'office est habilité à délivrer, après enquête s'il y a lieu, aux réfugiés et apatrides les pièces nécessaires pour leur permettre soit d'exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d'actes d'état-civil. L'office est habilité à délivrer dans les mêmes conditions les mêmes pièces aux bénéficiaires de la protection subsidiaire lorsque ceux-ci sont dans l'impossibilité de les obtenir des autorités de leur pays. Le directeur général de l'office authentifie les actes et les documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu'il établit ont la valeur d'actes authentiques. Ces diverses pièces suppléent à l'absence d'actes et de documents délivrés dans le pays d'origine (...) " ; qu'aux termes du II de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015 : " La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. " ;
4. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, dès lors que la loi du 29 juillet 2015 n'a, en ce qui concerne leur entrée en vigueur, prévu ni délai particulier, ni disposition transitoire, devenues applicables le 31 juillet 2015, au lendemain de leur publication au Journal officiel ; qu'il en résulte que, à compter de cette date, les documents établis par le directeur de l'OFPRA en application des dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font foi, en ce qui concerne la procédure de réunification familiale, tant que n'a pas été mise en oeuvre par l'administration la procédure d'inscription de faux prévue par les articles 303 à 316 du code de procédure civile et en cours d'instance par l'article R. 633-1 du code de justice administrative, qu'elle qu'ait été la date de leur délivrance et sont applicables à toute situation non juridiquement constituée au nombre desquelles figurent les instances en cours concernant les refus de visas opposés au conjoint et enfants du demandeur ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeC..., admise au statut de réfugiée statutaire, a produit un certificat de mariage tenant lieu d'acte d'état-civil établi le 15 février 2008 conformément aux dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par le directeur de l'OFPRA attestant de son mariage avec M. QiGengC... le 10 juin 2004 à Fujian ; qu'en l'absence de mise en oeuvre par le ministre de la procédure d'inscription de faux, ce document fait foi en ce qui concerne l'existence des liens matrimoniaux unissant Mme B...D...E...et M. QiGengC... ;
6. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier que, s'agissant du lien de filiation allégué l'unissant à l'enfant H...C..., Mme C...se borne à produire un acte notarié établi le 28 septembre 2011, valant selon ses allégations extrait d'acte de naissance, indiquant que cet enfant serait né de Mme D...B...E...et M.C... QiGeng ; que le caractère officiel et la valeur probante en tant qu'acte d'état-civil d'un tel document ne sont toutefois pas établis ; que c'est sans erreur de fait, ni entacher sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation que le tribunal administratif a ainsi jugé que le lien de filiation allégué n'était pas établi ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande d'annulation du refus de visa opposé par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France à M. Qi GengC... ;
Sur les conclusions en injonction :
8. Considérant que le présent arrêt implique, compte tenu du motif d'annulation retenu par la cour, qu'il soit enjoint au ministre de délivrer un visa à M. QiGengC..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que le présent arrêt, qui rejette le surplus des conclusions en annulation présentées par Mme D...B...C..., n'appelle pas d'autre mesure en vue de son exécution ;
Sur les frais liés au litige :
9. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au profit de Mme C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision implicite de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 25 septembre 2013 est annulée en tant qu'elle rejette la demande de visa de long séjour de M. QiGengC....
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 avril 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera 1 500 euros à Mme C...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité par M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme C...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B.... C..., à M. Qi GengC..., à M. H... C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- M. Sacher, premier conseiller,
Lu en audience publique le 16 avril 2018.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT02132