Procédure devant la cour :
Par un recours et un mémoire enregistrés les 17 mars 2016 et 10 mai 2016, le ministre de l'intérieur demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 janvier 2016.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'erreur d'appréciation quant à la réalité de l'intention matrimoniale de M. B...et au maintien des liens matrimoniaux entre les époux ;
- il est également entaché d'erreur d'appréciation quant au risque d'atteinte à l'ordre public que présente M.B... ;
- la décision annulée par le jugement attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2016, M.B..., représenté par MeD..., conclut au rejet du recours et à ce que la somme de 1 800 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés ;
- un refus de visa serait contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nantes du 4 mai 2016 rejetant la demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M.B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Massiou a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, a épousé Mme C...ressortissante française, le 9 février 2013, sur le territoire français, avant de retourner en Algérie pour solliciter la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de Français ; que la délivrance de ce visa lui a été refusée par une décision des autorités consulaires françaises à Oran du 28 juillet 2013 confirmée le 10 octobre suivant par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 19 janvier 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cette dernière décision et lui a enjoint de procéder à la délivrance du visa sollicité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. " ;
3. Considérant que pour rejeter le recours formé par M. B...contre la décision des autorités consulaires françaises à Oran du 28 juillet 2013 lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de Français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les circonstances selon lesquelles, d'une part, il n'y avait pas de preuve du maintien d'échanges réguliers entre l'intéressé et son épouse, qu'il n'était pas établi que le couple aurait un projet concret de vie commune ni que M. B...participerait aux charges du mariage selon ses facultés propres et, d'autre part, que M. B...avait fait l'objet d'une inscription au SIS (système d'information Schengen) par la Suède, sa présence représentant une menace pour l'ordre public ;
4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...et
MmeC..., dont des photos du mariage ont été produites, ont résidé dans le même logement à compter, à tout le moins, du mois de septembre 2012 ; que le ministre, auquel il appartient d'établir le caractère éventuellement frauduleux du mariage, n'apporte pas cette preuve en soulignant que le maintien des liens entre époux n'est pas démontré, ni un projet de vie commune, par nature empêchée par la séparation, ni la participation de M. B...aux charges du mariage, alors au demeurant que son épouse dispose d'une meilleure situation financière que lui ; qu'au surplus, la circonstance selon laquelle M. B...s'est présenté aux autorités suédoises comme homosexuel au titre d'une demande d'asile formée en 2005, homosexualité qui n'est d'ailleurs alors pas apparue crédible, est sans incidence sur l'appréciation de la sincérité de son union avec MmeC... ;
5. Considérant, d'autre part, que si M. B...a fait l'objet d'un signalement des autorités suédoises au fichier SIS pour des faits de séjour irrégulier et l'utilisation d'une fausse identité, signalement qui a, en outre, été levé en 2015, ces seules infractions ne permettent pas d'estimer, eu égard à leur nature, que la présence de l'intéressé en France présenterait une menace pour l'ordre public justifiant un refus de délivrance d'un visa de long séjour en qualité de conjoint de Français ; que le ministre de l'intérieur n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Nantes aurait entaché son jugement d'une erreur d'appréciation ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France du 10 octobre 2013 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 31 mars 2017, où siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 18 avril 2017.
Le rapporteur,
B. MASSIOULe président,
H. LENOIR
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT00930