Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2015, complétée par deux mémoires enregistrés les 8 et 25 novembre 2016, M.B..., représenté par MeC..., demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 mai 2015 ;
2°) d'annuler la décision du président du CNRS du 29 septembre 2014 et, subséquemment, la décision du président du CNRS du 25 novembre 2013 ;
3°) d'enjoindre au président du CNRS de le réintégrer dans ses fonctions dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre 3 000 euros à la charge du CNRS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- la procédure suivie a été irrégulière en ce que l'avis exprimé par la CAP était lui-même irrégulier, la CAP n'ayant pas disposé de tous les éléments de son dossier ;
- le conseil de discipline a été reporté à deux reprises, alors qu'un seul report était possible ;
- le conseil ne s'est pas prononcé dans les délais prescrits ;
- le conseil n'a pas été informé des motifs ayant conduit le président à ne pas suivre son avis ;
- le compte-rendu de la CAP du 5 septembre 2014 n'était pas conforme à la réalité des échanges ;
- la décision de licenciement est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il justifie de la réalité et de l'intérêt de ses travaux scientifiques ;
- les motifs invoqués sont dépourvus de matérialité ;
- la décision de le licencier est entachée d'une erreur d'appréciation compte tenu de ses capacités et de ses compétences scientifiques, attestées par les témoignages qu'il produit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2016, complété par un mémoire enregistré le 10 novembre 2016, le CNRS conclut au rejet de la requête.
Le CNRS fait valoir que la requête d'appel est irrecevable, faute de comporter l'exposé de moyens d'appel, et qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le décret n° 84-1185 du 27 décembre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., représentant M.B....
Une note en délibéré présentée pour M. B...a été enregistrée le 16 décembre 2016.
1. Considérant que M.B..., chargé de recherche de 1ère classe au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a fait l'objet le 25 novembre 2013 d'un licenciement pour insuffisance professionnelle ; que, suite au recours contentieux formé par l'intéressé contre cette décision, doublé d'une action en référé, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l'exécution de celle-ci par une ordonnance du 7 mars 2014, enjoignant au CNRS de procéder à un réexamen du dossier de M. B...dans un délai de quatre mois ; que le CNRS a alors consulté la section scientifique compétente qui, après examen du dossier de l'intéressé, a conclu, par un avis en date du 12 mai 2014, à l'existence d'une situation d'insuffisance professionnelle ; que la commission administrative paritaire (CAP), siégeant en tant que conseil de discipline, a été convoquée le 22 mai 2014 pour se réunir le 25 juin suivant afin d'émettre un avis sur la situation d'insuffisance professionnelle de l'intéressé ; qu'elle n'a toutefois pas pu valablement se tenir, le quorum n'étant pas respecté ; que la CAP a de nouveau été convoquée pour se réunir le 10 juillet, M. B...demandant alors lui-même à bénéficier d'un report ; que la CAP s'est finalement réunie le 5 septembre 2014 ; qu'elle a alors émis, à la majorité de ses membres, un avis défavorable à la reconnaissance d'une situation d'insuffisance professionnelle de M.B..., et au licenciement pour insuffisance professionnelle de ce dernier ; qu'un tel licenciement de l'intéressé a néanmoins été prononcé le 29 septembre 2014 par le CNRS ; que le requérant a alors formé un second recours contentieux contre cette nouvelle décision ; que le tribunal administratif, qui a joint les deux dossiers, a rejeté l'ensemble des conclusions en annulation de M. B...par un jugement en date du 5 mai 2015 dont l'intéressé relève appel ;
Sur les conclusions en annulation, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la fin de non recevoir opposée en défense :
En ce qui concerne la décision de licenciement du 29 septembre 2014 :
S'agissant de la procédure :
2. Considérant que M. B...soutient, en premier lieu, que la procédure dont il a fait l'objet est entachée d'irrégularité, en ce que l'avis émis par la CAP serait lui-même irrégulier, ne restituant pas la teneur réelle du débat s'y étant tenu, la commission n'ayant pas pris en compte l'ensemble des éléments qu'il avait lui-même produits devant elle, et l'avis émis par la section compétente de la section scientifique communiqué à la CAP ayant lui-même été rendu sans que soient pris en compte l'ensemble des éléments de son dossier ; que, d'une part, il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que les membres de la CAP n'auraient pas pu prendre connaissance des documents réunis par M. B...pour assurer sa défense ; que, d'autre part, l'avis de la CAP, siégeant en formation disciplinaire dans le cadre d'une procédure pour licenciement pour insuffisance professionnelle, constitue seulement un des deux avis devant être recueillis préalablement par le CNRS dans le cadre d'une telle procédure, un autre avis, destiné plus particulièrement à apprécier l'intérêt et la valeur scientifique des travaux d'un chercheur, devant également être exprimé par la section compétente du comité scientifique du CNRS ; que M. B...n'apporte aucun début de démonstration de ce que cette section n'aurait pas elle-même disposé d'éléments suffisants lui permettant d'émettre valablement un avis sur sa compétence professionnelle ; qu'il ressort enfin des termes mêmes de l'avis de la CAP du 5 septembre 2014, lequel n'avait pas à comporter un compte-rendu intégral des propos échangés lors de la séance correspondante, que celui-ci fait néanmoins état, de manière synthétique, des différents arguments et réserves exprimés par les membres de la CAP à l'encontre de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle de M.B..., notamment l'âge de ce dernier, son fort investissement dans son travail de recherche et l'absence de tout problème signalé en matière de relations humaines, comme le confirme d'ailleurs le courrier en date du 15 septembre 2014 adressé au nom des représentants du personnel au CNRS, attirant l'attention du directeur général du CNRS sur ces différents points ; qu'il n'est par ailleurs nullement démontré que ce courrier, qui doit être regardé comme récapitulant les observations pouvant être jointes par les représentants du personnel à l'avis de la CAP, n'aurait effectivement pas été porté à la connaissance de l'autorité ayant finalement décidé du licenciement de M. B...pour insuffisance professionnelle ; que, compte tenu de ce qui précède, le caractère irrégulier de la procédure suivie à l'encontre de M. B...ne peut être regardé comme établi ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que si M. B...fait d'abord grief à son employeur de ne pas avoir respecté la règle posée par l'article 4 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, prévoyant qu'un report du conseil de discipline n'est possible qu'une seule fois, il ressort des pièces du dossier que le fait d'avoir reporté au 10 juillet 2014 la réunion dudit conseil résulte uniquement, comme déjà indiqué au point 1, de ce que le conseil réuni le 25 juin ne respectait pas la règle de quorum ; que cette nouvelle convocation du conseil ne constituait pas ainsi un report au sens de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 ; qu'il ressort au contraire du dossier que c'est M. B...lui-même qui a entendu faire usage de cette faculté de demander un report lors de la séance du conseil du 10 juillet, le conseil s'étant finalement réuni le 5 septembre suivant ; que la procédure suivie, telle qu'elle vient d'être décrite, ne présente ainsi aucun caractère irrégulier ;
4. Considérant, en troisième lieu, que s'agissant de l'avis motivé devant être rendu par le conseil, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme indiqué au point 2, que ses membres n'aient pas eu connaissance des différents éléments que M. B...souhaitait porter à leur connaissance pour sa défense, ni que les remarques exprimées par les représentants du personnel n'auraient pas été, au moins synthétiquement, retranscrites et portées à la connaissance de l'autorité administrative ; que, d'autre part, le compte-rendu du conseil établi le 29 septembre 2014 restitue clairement le sens de l'avis exprimé le 5 septembre à l'issue du conseil et les conditions dans lesquelles celui-ci a été rendu, l'avis défavorable au prononcé du licenciement de M. B...ayant été obtenu, comme indiqué par ce document, par six voix pour, cinq contre et une abstention ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que si M. B...soutient que l'autorité administrative, qui a finalement décidé de procéder à son licenciement pour insuffisance professionnelle en dépit de l'avis négatif du conseil, a méconnu l'obligation d'informer ce dernier des motifs l'ayant conduit à prendre cette décision, posée par l'article 8 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, la mesure prise à l'encontre du requérant ne constitue pas, en tout état de cause, une sanction disciplinaire au sens de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 ; que, s'agissant d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, la commission administrative paritaire siégeant en formation de conseil de discipline devait ainsi seulement émettre un avis sur les suites lui paraissant devoir être réservées à la procédure engagée, sans avoir, comme en matière disciplinaire, à engager de débat jusqu'à ce que dégage un accord sur une éventuelle sanction ; qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil de discipline a informé M. B...des griefs qui lui étaient reprochés et qui constituaient les motifs du licenciement envisagé ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au CNRS, s'agissant au surplus d'un avis simple, de différer sa décision sur la suite à réserver à la procédure engagée à l'encontre de M. B...à la communication aux membres du conseil de discipline des motifs l'ayant conduit à ne pas suivre son avis, ces motifs ayant par ailleurs et comme déjà indiqué été portés à la connaissance des membres du conseil ; que les dispositions de l'article 8 dont se prévaut M. B...ne peuvent être comprises que comme prévoyant l'information des membres du conseil après que soit intervenue la décision de l'administration ; qu'ainsi l'absence de communication aux membres du conseil des motifs ayant conduit le CNRS à ne pas suivre l'avis défavorable de la CAP, intervenue après le prononcé de ce licenciement, est nécessairement sans influence sur la légalité d'une telle mesure ;
6. Considérant, enfin, que si M. B...soutient que la décision de l'autorité administrative est intervenue au-delà du délai d'un mois à compter de la saisine du conseil de discipline fixé par l'article 9 du décret du 25 octobre 1984, d'une part ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité de la décision finalement prise par l'autorité administrative, et, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que la décision du CNRS de licencier M. B...pour insuffisance professionnelle est intervenue le 25 novembre 2014, au terme de la chronologie rappelée au point 1, après qu'une première convocation de la commission paritaire siégeant en formation disciplinaire s'est révélée infructueuse, faute de quorum, et qu'une seconde convocation a abouti à un nouveau report, à la propre demande de l'agent déféré ; que ces différents reports ont nécessairement eu pour effet, conformément aux dispositions de l'article 9 du décret du 25 octobre 2004, de prolonger le délai d'un mois d'un nouveau délai égal à la durée cumulée des reports précédemment indiqués ; que M. B...ne peut ainsi utilement reprocher au CNRS de ne pas avoir pris de décision à son encontre dans un délai d'un mois suivant la saisine du conseil de discipline ;
S'agissant de la légalité interne :
7. Considérant que si M. B...soutient que son insuffisance professionnelle n'a pas été véritablement établie et que la décision de le licencier est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il justifie de la réalité et de l'intérêt de ses travaux scientifiques, il ressort toutefois des pièces du dossier que la section n° 20 du comité national de la recherche scientifique, soit l'instance d'évaluation compétente du CNRS, a voté le 12 mai 2014 en faveur de l'insuffisance professionnelle de M.B... ; que la section a procédé à ce vote après avoir rappelé que l'intéressé avait précédemment fait l'objet d'un vote similaire en 2009 et 2011 de la part de la section n° 24, dont il dépendait alors, et relevé que l'intéressé ne justifiait d'aucune publication sur son sujet de recherche, ainsi que l'absence d'évolution notable de celui-ci ; que la section n° 20 a ensuite fait valoir que M.B..., désormais rattaché à une nouvelle section, continuait de ne justifier d'aucune publication, de ne pouvoir présenter aucun résultat tangible à la suite de la poursuite de ses travaux de recherche, rappelant que la voie de recherche suivie ne donnait aucun résultat significatif depuis l'année 2000 ; qu'il ressort des pièces du dossier que le vote de la section n° 24 faisait lui-même suite à un " avis d'alerte " ayant été émis à l'encontre de M. B...par cette même section dès 2008 ; que les avis des responsables d'unité de recherche chargés d'évaluer le compte rendu annuel d'activité de chercheur de M. B...sont systématiquement défavorables depuis l'année 2010/2011, l'intéressé se voyant notamment reprocher son incapacité à inscrire ses projets de recherche personnels dans ceux de son unité de rattachement et à entreprendre d'autres recherches que celles qu'il poursuit sans résultat depuis plusieurs années ; que la déclaration d'invention effectuée par M. B...en 2008 n'a eu aucune suite concrète, notamment en termes de dépôt de brevet ; que si M. B...a recueilli à l'été 2014 plusieurs témoignages de collègues chercheurs, ou de responsables d'unités directeurs de recherche, avec lesquels il avait collaboré par le passé, dont il a fait état lors du conseil de discipline du 5 septembre 2014, il ressort des pièces du dossier que si la plupart de ces témoignages témoignent de l'intérêt de ses recherches, d'autres sont eux rédigés dans des termes très réservés, voire critiques ; que ces manifestations de soutien ne remettent en cause ni l'absence de toute publication scientifique de M. B...depuis plusieurs années, mis à part l'unique " poster " publié à l'été 2014 par l'intéressé, ni l'absence de tout débouché significatif de ses recherches ; que ces témoignages, recueillis à la demande de l'intéressé, même s'ils illustrent l'investissement au travail de l'intéressé, ne permettent pas d'écarter les évaluations défavorables des travaux scientifiques poursuivis par M.B..., telles qu'elles ont été portées successivement par plusieurs sections du comité scientifique du CNRS ainsi que les avis défavorables émis plusieurs années consécutives par les responsables des unités de recherche où était affecté le requérant ; que ces éléments ne remettent au surplus pas en cause, comme déjà indiqué, le fait que l'intéressé se soit abstenu de toute publication scientifique depuis l'année 2000, ainsi que l'absence de toute perspective d'aboutissement à court ou moyen terme de ses recherches et l'absence de toute activité d'enseignement de M. B...en lien avec son activité de chercheur ; qu'il ressort de ce qui précède que, alors même que l'avis de la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline ne présentait qu'un simple caractère consultatif, que le président du CNRS s'est fondé, pour prononcer le licenciement de M. B...pour insuffisance professionnelle, sur des faits qui n'étaient pas matériellement inexacts et qui étaient de nature à justifier légalement une telle décision ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard à ce qui précède, que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. B...serait entaché d'une erreur d'appréciation ;
En ce qui concerne les conclusions en annulation de la décision du 25 novembre 2013 :
8. Considérant, comme il vient d'être indiqué, que le présent arrêt rejette les conclusions en annulation de M. B...dirigées contre la décision du 25 septembre 2014 ; que, dès lors, les conclusions du requérant, dirigées contre la décision du 24 novembre 2013 par voie de conséquence de l'annulation que la cour aurait pu prononcer de la décision du 25 septembre 2014, ne peuvent qu'être également rejetées ;
9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que les conclusions en injonction présentées par M. B...ne peuvent ainsi, par voie de conséquence, qu'être rejetées ; qu'il en va de même des conclusions présentées par le requérant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au Centre national de la recherche scientifique.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Mony, premier conseiller,
- Mme Massiou, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
Le rapporteur,
A. MONYLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°15NT02040