Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2020, M. B... C..., représenté par Me Summerfield, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa demandé, dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France attaquée est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation du caractère complaisant de son contrat de travail et du sérieux de son expérience professionnelle ;
- l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires ne peut utilement être opposée à sa demande de visa de long séjour en qualité de salarié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 décembre 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il se réfère à ses écritures de première instance et soutient qu'aucun des moyens invoqués par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- et les conclusions de M. Mas, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée par M. C... a été enregistrée le 28 janvier 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 23 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision du 2 janvier 2020 de l'autorité consulaire française à Alger (Algérie) refusant de lui délivrer un visa de long séjour en qualité de salarié. M. C... relève appel de ce jugement.
2. Il ressort des écritures produites par le ministre de l'intérieur en première instance que la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France est fondée sur l'existence d'un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires et sur le caractère complaisant du contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie.
3. En l'absence de toute disposition conventionnelle, législative ou réglementaire déterminant les cas où un visa peut être refusé à un étranger désirant se rendre en France, et eu égard à la nature d'une telle décision, les autorités françaises disposent d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard, et peuvent se fonder non seulement sur des motifs tenant à l'ordre public mais sur toute considération d'intérêt général. Il en va notamment ainsi des visas sollicités en vue de bénéficier du certificat de résidence portant la mention " salarié " prévu par le b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France en 2013 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de la durée de validité de son visa pour permettre la prise en charge médicale d'un grave stress post-traumatique. M. C... a bénéficié d'une carte de résident vie privée et familiale pour raison de santé, régulièrement renouvelée du 13 octobre 2014 au 23 octobre 2017 puis d'un récépissé de demande jusqu'au 7 juillet 2018. Par un arrêté du 26 juin 2018, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a refusé de renouveler sa carte de résident pour raison de santé et a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français. L'intéressé a saisi le tribunal administratif de Montpellier puis la cour administrative d'appel de Marseille de requêtes tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral, lesquelles ont été rejetées. M. C... a fait l'objet d'une assignation à résidence à compter du 10 avril 2019 et a été reconduit à la frontière le 5 juin 2019.
5. Il ressort également des pièces du dossier que M. C... a travaillé en qualité d'intérimaire du 29 juin 2015 au 7 juillet 2018, pour l'entreprise Sotranasa Télévidéocom, constructeur de réseaux électriques et de télécommunications. Le 21 juin 2019, la même société a obtenu de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie une autorisation de travail pour employer M. C... et a adressé à l'intéressé une promesse d'embauche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée. Contrairement à ce que soutient le ministre de l'intérieur, M. C... justifie d'une expérience professionnelle de trois années au sein de la société Sotranasa Télévidéocom qui a obtenu l'autorisation de l'employer. En outre, la circonstance que la demande d'autorisation a été déposée par l'entreprise le 14 mai 2019, soit postérieurement à la date de refus de renouvellement de la carte de résident et antérieurement au retour de l'intéressé en Algérie, n'est pas de nature à elle seule à établir le caractère complaisant du contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Occitanie. Enfin, la circonstance que la carte de résident pour raison de santé dont bénéficiait M. C... depuis plusieurs années n'a pas été renouvelée ne permet pas d'établir, à elle seule, l'absence de réalité de son projet professionnel. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pu légalement retenir le caractère complaisant du contrat de travail visé par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, ni refuser la délivrance du visa au motif qu'il existerait un risque de détournement de l'objet du visa à des fins migratoires.
6. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'un visa de long séjour soit délivré à M. C.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur d'y procéder dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les frais liés au litige :
8. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... A... la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 novembre 2020 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... un visa de long séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente assesseure,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2022.
La rapporteure,
C. ODY
Le président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03886