Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 décembre 2017 et les 31 janvier et 1er février 2019, la commune d'Arradon, représentée par MeF..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M. et Mme E...;
3°) de mettre à la charge M. et Mme E...une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune d'Arradon soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les dispositions de l'article L. 111-4 alors applicable du code de l'urbanisme ne permettaient pas de déclarer l'opération projetée non réalisable ;
- les travaux de renforcement du réseau public d'électricité, contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal administratif, ne relèvent pas d'une maîtrise d'ouvrage de Vannes Agglomération ;
- elle n'a jamais pris antérieurement aucune décision au sujet du renforcement du réseau électrique faute d'en connaître précisément le coût, alors même qu'elle n'aurait pas pu mettre intégralement celui-ci à la charge du demandeur ;
- le coût de l'extension du réseau lui incombe en plus grande partie et elle n'avait pas programmé le financement de ces travaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2018, M. et MmeE..., représentés par MeC..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune d'Arradon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme E...font valoir que :
- la commune d'Arradon ne rapporte pas la preuve qu'elle détient réellement la compétence en matière de maîtrise d'ouvrage des réseaux d'électricité ;
- le syndicat Morbihan Energies a fourni à la commune une information suffisamment précise sur le coût des travaux d'extension à réaliser et le délai prévisible de ceux-ci ;
- l'erreur commise par le tribunal sur la maîtrise d'ouvrage de Vannes Agglomération est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué ;
- la méconnaissance de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ne pouvait pas constituer un motif valable pour permettre de déclarer non réalisable l'opération projetée ;
- le coût d'extension du réseau aurait été à la seule charge du pétitionnaire ;
- la commune ne peut pas sérieusement soutenir ne pas connaître la collectivité qui aurait été en charge des travaux dès lors qu'elle soutient disposer de la maîtrise d'ouvrage sur ceux-ci ;
- le délai de réalisation des travaux ne joue pas en zone urbaine pour la réalisation d'un projet précis ;
- l'extension du réseau est limitée à 360 mètres ;
- la commune a finalement délivré un certificat d'urbanisme le 26 mars 2015 ;
Par un courrier du 25 avril 2019, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'un non lieu à statuer devait être opposé à la demande de M. et MmeE..., ces derniers ayant ultérieurement obtenu un certificat d'urbanisme déclarant réalisable l'opération projetée.
La commune d'Arradon a répondu à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 25 avril 2019.
M. et Mme E...ont répondu à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 30 avril 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mony,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant la commune d'Arradon, et de MeA..., représentant M. et MmeE....
Une note en délibéré présentée pour M. et Mme E...a été enregistrée le 6 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M. et MmeE..., qui sont propriétaires des parcelles cadastrées section ZI n° 0923, 1030, 1034, 1062, 1065 et 1126, ont déposé le 24 octobre une demande de certificat d'urbanisme en vue d'apprécier la faisabilité d'une opération consistant en la démolition d'une maison d'habitation et la construction de deux immeubles d'habitat collectif regroupant 35 logements. La commune d'Arradon a répondu le 23 décembre 2012 en leur délivrant un certificat d'urbanisme déclarant non réalisable l'opération projetée. M. et Mme E...ont alors formé un recours contentieux contre cette décision. La commune d'Arradon relève appel du jugement du 27 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande en annulant le certificat d'urbanisme.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que pour déclarer non réalisable l'opération projetée par M. et MmeE..., la commune d'Arradon s'est fondée sur les dispositions des articles L. 111-4 et R. 111-2 du code de l'urbanisme. M. et MmeE..., pour contester la légalité du certificat négatif qui leur a été délivré le 23 décembre 2013 ont tour à tour soulevé des moyens d'annulation relatifs à l'absence de méconnaissance des dispositions de ces deux articles, qui ne pouvaient, selon eux, constituer la base légale de cette décision. Les premiers juges, toutefois, se sont limités à retenir le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, sans se prononcer sur la légalité du second motif de droit retenu par la commune d'Arradon pour fonder sa décision alors que celui-ci était également critiqué par les requérants. Le tribunal administratif, qui n'a pas vérifié si ce moyen était fondé, ne pouvait, par suite, annuler le certificat d'urbanisme attaqué en raison de son illégalité. En s'abstenant d'examiner ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal administratif a entaché sa décision d'irrégularité. Son jugement doit, par suite, être annulé.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme E...devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la légalité de la décision attaquée :
4. En premier lieu, l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date des décisions en litige, prévoit que : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés (...) ".
5. Ces dispositions poursuivent notamment le but d'intérêt général d'éviter à la collectivité publique ou au concessionnaire d'être contraints, par le seul effet d'une initiative privée, de réaliser des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou d'électricité et de garantir leur cohérence et leur bon fonctionnement, en prenant en compte les perspectives d'urbanisation et de développement de la collectivité. Il en résulte qu'un permis de construire doit être refusé lorsque, d'une part, des travaux d'extension ou de renforcement de la capacité des réseaux publics sont nécessaires à la desserte de la construction projetée et, d'autre part, l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés, après avoir, le cas échéant, accompli les diligences appropriées pour recueillir les informations nécessaires à son appréciation. Dans les mêmes conditions, un certificat d'urbanisme négatif doit être délivré lorsque la demande porte sur la faisabilité d'une opération projetée qui répond aux caractéristiques venant d'être indiquées.
6. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la réponse apportée par le syndicat départemental d'énergies du Morbihan dans le cadre de l'instruction de la demande de certificat d'urbanisme déposée par les intéressés que l'opération projetée nécessite une extension du réseau électrique existant, ce qui n'est pas contesté par M. et MmeE.... Il ressort de la même réponse qu'en vertu notamment des dispositions de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, une partie du coût des équipements à réaliser demeurerait à la charge de la commune d'Arradon. Cette dernière pouvait en conséquence, dès lors qu'elle n'envisageait pas à court ou moyen terme de financer la part des travaux lui incombant, à bon droit invoquer régulièrement les dispositions de l'article L.111-4 du code de l'urbanisme pour déclarer l'opération projetée non réalisable.
7. En second lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
8. Si M. et Mme E...soutiennent que l'opération qu'ils projettent, qui prend la forme de deux immeubles d'habitat collectif regroupant 35 logements, n'est pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique, il ressort des pièces du dossier que ce projet comporte une sortie qui débouche sur la rue Saint Vincent Ferrier. Il ressort des pièces du dossier que cette voie présente à cet endroit, compte tenu de la configuration des lieux, des problèmes de visibilité ne permettant pas aux véhicules automobiles de s'engager sur cette voie en toute sécurité. La commune pouvait ainsi considérer, sans erreur d'appréciation, que seule l'entrée pouvait s'effectuer par la rue Saint Vincent Ferrier, la sortie s'effectuant par le nord, en empruntant la voie de desserte du lotissement voisin dit Parc Goah Hery, lequel supporte également cette même contrainte. Par ailleurs, M. et Mme E...ne peuvent utilement se prévaloir de l'existence de la servitude de passage qui leur a été consentie à l'occasion de leur acquisition en 2001 des parcelles alors cadastrées section ZI n° 923, 1030, 1032 et 1034, cette servitude n'étant consentie que pour permettre le passage des seuls occupants de la maison d'habitation alors bâtie sur ces terrains. La seule circonstance que le certificat d'urbanisme fait apparaître la mention selon laquelle cette restriction de circulation constituerait une " prescription " ne peut, en tout état de cause, suffire à entacher d'illégalité le certificat d'urbanisme attaqué en ce qu'il déclare l'opération projetée irréalisable,
9. Il résulte de ce qui précède que la demande de M. et Mme E...ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d'Arradon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. et Mme E...la somme que ceux-ci réclament au titre des frais exposés non compris dans les dépens. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par la commune d'Aradon. .
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1500439 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande de M. et Mme E...est rejeté ainsi que leurs conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : les conclusions de la commune d'Arradon relative à l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Arradon et à M. et Mme D... et FrançoiseE....
Délibéré après l'audience du 3 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 21 mai 2019.
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la Cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03928