Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 mars 2018, M. C... B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 novembre 2017 du préfet du Calvados;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sur le fondement de l'article L.313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), ou à défaut un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 par jour de retard ;
4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet n'établit pas que l'acte de naissance qu'il a produit serait un faux ; il a produit les documents permettant d'établir son identité et sa date de naissance ; il n'a pas commis de détournement de pouvoir ; le motif du refus de séjour est donc erroné ;
- le préfet a méconnu l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le titre de séjour, dès lors qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance après ses seize ans, qu'il a suivi une scolarité assidue, s'est inséré dans la société française et n'a plus de liens avec sa famille ;
- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- son éloignement porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- son éloignement l'expose à des traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son retour dans son pays d'origine sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2018, le préfet du calvados conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures déposées en première instance et au jugement attaqué.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle (25%) par une décision du 24 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Degommier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 novembre 2017 du préfet du Calvados refusant de lui délivrer le titre de séjour qu'il demandait au titre de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. D'autre part, l'article L. 111-6 du même code prévoit que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". L'article 47 du code civil dispose que " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, notamment par les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé Visabio en application des articles R. 611-8 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En premier lieu, le préfet a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. B... au titre de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au motif que cette demande procède d'un détournement de procédure de l'intéressé qui a bénéficié indûment de la prise en charge de l'aide sociale à l'enfance alors qu'il était majeur et par suite, ne remplit pas les conditions de l'article L. 313-15 précité. Comme en première instance, M. B...soutient qu'il n'a pas commis de détournement de procédure, que l'acte de naissance qu'il a produit n'est pas un faux. Il y a lieu toutefois d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, ce moyen que M. B...reprend en appel sans apporter de précisions nouvelles.
5. En deuxième lieu, le préfet du Calvados pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'appuyer sur la seule circonstance que M. B...n'était pas mineur lorsqu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance pour refuser de lui délivrer le titre de séjour demandé en application de ces dispositions.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si M. B... fait valoir qu'il est arrivé en France à l'âge de 16 ans, qu'il a suivi une scolarité assidue, s'est inséré dans la société française et n'a plus de liens avec sa famille, il ressort des pièces du dossier que le requérant est entré en 2013, soit récemment, en France, alors qu'il était majeur, contrairement à ses déclarations, qu'il a indûment bénéficié d'une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale au Mali. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, le préfet du Calvados n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a pas entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.B....
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, l'arrêté du 23 novembre 2017 du préfet du Calvados mentionne les textes dont il fait application, rappelle le parcours en France de M.B..., indique avec précisions les raisons pour lesquelles il ne peut bénéficier d'un titre de séjour en application de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relève que l'intéressé n'entre pas dans les précisions de l'article L. 511-4 de ce code et que la mesure d'éloignement ne contrevient pas aux dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Le préfet a, ce faisant, suffisamment motivé sa décision.
8. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été indiqués à propos du refus de titre de séjour, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. B...ne peuvent qu'être écartés.
9. En dernier lieu, si M. B...soutient que le Mali est un pays particulièrement instable et qu'il existe un risque de danger grave constant amenant la population à se réfugier dans les pays voisins, un tel moyen est sans influence sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, laquelle ne fixe pas le pays de destination.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées, de même que ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera en outre adressée au préfet du Calvados
Délibéré après l'audience du 3 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mai 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01242