Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 juillet 2018, Mme D..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Manche du 12 avril 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour d'un an ou une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard, subsidiairement de procéder à un réexamen de sa demande, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au profit de Me B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme D...soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire
- elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle est protégée contre une telle mesure en sa qualité de mère d'un enfant français, en application des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne le pays de destination
- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2019, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par la requérante n'est fondé.
MmeD... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Mony a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante de la République démocratique du Congo, déclare être entrée irrégulièrement en France le 22 février 2017, alors qu'elle était accompagnée de ses trois enfants mineurs nés en 2007, 2009 et 2013. La demande d'asile qu'elle a formée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 22 août 2017 puis par la cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 1er février 2018. Le préfet de la Manche lui a, le 12 avril 2018, fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, en fixant le pays de destination. Mme D...relève appel du jugement du 28 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions en annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article L. 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
3. Si Mme D...soutient qu'elle est mère d'un enfant français, dès lors que M.C..., ressortissant français, a reconnu par anticipation le 1er août 2017, son quatrième enfant, né le 20 octobre 2017, elle n'établit pas par les pièces qu'elle verse au dossier que cet enfant disposerait effectivement de la nationalité française. Par suite, la requérante ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En second lieu, contrairement à ce que soutient MmeD..., la décision attaquée n'implique pas nécessairement sa séparation de son enfant né le 20 octobre 2017, lequel a vocation à l'accompagner en cas de retour dans son pays d'origine. Mme D...ne fournit notamment aucune explication sur les raisons qui feraient que son retour dans son pays s'effectuerait seulement avec ses trois premiers enfants, qui l'accompagnaient lors de son entrée en France. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. En dernier lieu, les stipulations de l'article 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés, et Mme D...ne peut ainsi utilement se prévaloir de ces stipulations pour demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
6. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Ces stipulations font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.
7. Il ressort des pièces du dossier que, comme déjà indiqué, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté la demande formée par Mme D...en vue d'obtenir l'asile. Si l'intéressée soutient être exposée à un risque de persécution en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'apporte dans le cadre du débat contentieux en appel aucun élément laissant supposer qu'elle serait réellement et personnellement exposée à un tel risque en cas de retour en République démocratique du Congo. Notamment, le rapport de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sur ce pays datant de juin/juillet 2013, dont la requérante se prévaut pas plus que le rapport d'Amnesty International de 2013 ne sont de nature à établir ces risques personnellement encourus. La circonstance, à la supposer même avérée, que la situation carcérale en République démocratique du Congo n'ait pas substantiellement évolué depuis 2013 ne peut suffire à établir un risque d'exposition personnelle à des traitements inhumains ou dégradants, en l'absence de tout autre élément pouvant laisser raisonnablement supposer que Mme D...serait, du seul fait d'avoir demandé l'asile en France, incarcérée en cas de retour dans son pays. Par suite, la décision attaquée, ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions en injonction sous astreinte :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions en annulation de MmeD..., n'appelle aucune mesure particulière en vue de son exécution. Les conclusions en injonction sous astreinte de l'intéressée ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, verse à Me B... la somme réclamée par MmeD....
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président,
- M. Degommier, président assesseur,
- M. Mony, premier conseiller,
Lu en audience publique le 21 mai 2019
Le rapporteur,
A. MONY
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun
contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT02532