Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet 2018 et 21 décembre 2018, M. et Mme C...et JacquelineE..., représentés par MeB..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 juin 2018 ;
2°) d'annuler la délibération du 15 septembre 2015 ;
3°) à titre subsidiaire, d'annuler la délibération du 15 septembre 2015 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Binic en ce qu'elle a créé l'emplacement réservé n° 13 sur la parcelle cadastrée section AL n° 278 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Binic une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- il n'y a pas eu de débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme ;
- il n'y a pas eu de nouvelle enquête publique à la suite de la modification du projet de PLU ;
- l'institution de l'emplacement réservé n° 13 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et sa destination n'a pas été suffisamment précisée ;
- le classement d'une partie de leur parcelle en espace boisé classé est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en observation enregistré le 26 septembre 2018, la commune de Binic-Etables-sur-Mer, représentée par MeA..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge des requérants la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 décembre 2018, la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération, représentée par MeA..., demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge des requérants la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de Me D...substituant MeB..., représentant M. et MmeE..., et de MeA..., représentant la commune de Binic-Etables-sur-Mer et la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 15 septembre 2015, le conseil municipal de la commune de Binic, devenue Binic-Etables-sur-Mer, a approuvé le plan local d'urbanisme communal. M. et Mme E...ont demandé l'annulation de cette délibération ou, à titre subsidiaire, l'annulation de cette délibération en tant que le plan local d'urbanisme classe en zone naturelle N la parcelle cadastrée section AL n° 247, classe en espace boisé classé la parcelle cadastrée section AL n° 278 et instaure l'emplacement réservé n° 13. Par un jugement du 15 juin 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. Ils font appel de ce jugement.
Sur le bien fondé du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les plans locaux d'urbanisme (...) comportent un projet d'aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d'aménagement et d'urbanisme retenues pour l'ensemble de la commune. (...) ". Aux termes de l'article L. 123-9 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Un débat a lieu au sein du conseil municipal sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement mentionné à l'article L. 123-1, au plus tard deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme. (...) ". Il résulte de ces dispositions que les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable doivent faire l'objet d'une inscription à l'ordre du jour d'une séance du conseil municipal se tenant au moins deux mois avant l'examen du projet de plan local d'urbanisme et que les membres du conseil municipal doivent être mis à même de discuter utilement, à cette occasion, des orientations générales envisagées.
3. Il ressort du compte rendu de la séance du conseil municipal du 23 juillet 2013 que le projet d'aménagement et de développement durable (PADD) a été adressé aux conseillers municipaux par courriel le 29 novembre 2011. Lors de la séance publique du 23 juillet 2013, le compte-rendu fait état de la lecture des grandes lignes du PADD, puis de l'intervention de l'adjoint au maire en charge de l'urbanisme ainsi que d'un conseiller municipal et de la réponse qui y a été apportée par le maire. Ainsi, le conseil municipal peut être regardé comme ayant débattu sur les orientations générales du PADD lors de sa séance du 23 juillet 2013, alors même qu'un précédent débat avait eu lieu lors d'une commission non publique réunissant des conseillers municipaux le 6 décembre 2011.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " (...) Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par délibération du conseil municipal. (...) ". Les modifications des plans d'urbanisme apportées après l'enquête publique doivent, à peine d'irrégularité, tenir compte des résultats de cette enquête et ne pas porter atteinte à l'économie générale du plan.
5. D'une part, il est constant que le projet soumis à enquête publique prévoyait la création d'un emplacement réservé n° 13 sur les parcelles cadastrées section AL n° 806 et 278 d'une emprise de 93 m², pour permettre la réalisation d'une liaison douce, alors que le projet finalement approuvé prévoit une emprise de 275 m² " à titre indicatif " pour ce même emplacement. Toutefois, la commune fait valoir sans être utilement contredite qu'il ne s'agissait que de la correction d'une simple erreur matérielle, la mention de 93 mètres correspondant non pas à l'emprise de l'emplacement réservé mais à sa longueur, sur une largeur de 3 mètres, soit 275 m2. En outre, il ressort des pièces du dossier que la matérialisation de l'emplacement réservé par le document graphique n'a pas été modifiée. La circonstance que cette mention ait été effectuée à titre indicatif ne saurait révéler une manoeuvre de la commune, dès lors que, si les dimensions étaient connues, l'emprise retenue ne correspond pas à une ligne droite.
6. D'autre part, si les requérants soutiennent que la parcelle cadastrée section AL n° 247 était classée, dans le projet soumis à enquête publique, en zone 1AU alors que, dans le projet de plan finalement approuvé, elle est classée en zone N, ils ne produisent à l'appui de leurs allégations que des photographies non probantes. La circonstance que la parcelle AL n° 966 apparaissait déjà comme présentée en zone 1 AU dans le règlement graphique qu'ils ont produit, alors qu'elle a finalement été classée en zone UB, ne suffit pas à établir l'authenticité de leurs éléments de preuve s'agissant de la parcelle cadastrée section AL n° 247, alors que la commune fait valoir, en se prévalant notamment d'une attestation du maire établie le 8 janvier 2019 et d'un document de zonage élaboré en juin 2014 et correspondant au projet de PLU arrêté le 16 juillet 2014 et soumis à enquête publique, que la parcelle en cause était classée en zone N avant l'enquête publique. Dès lors, il résulte de ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que des modifications qui ne ressortaient pas de l'enquête publique et bouleversaient l'économie générale du projet de PLU auraient été apportées après cette enquête.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 123-1-5 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable " (...) V.-Le règlement peut également fixer les emplacements réservés aux voies et ouvrages publics, aux installations d'intérêt général, aux espaces verts ainsi qu'aux espaces nécessaires aux continuités écologiques. ".
8. Il est constant que l'emplacement réservé n° 13 est destiné à la création d'une liaison douce assurant la liaison entre la côte Saint-Julien et un belvédère. Contrairement à ce qui est soutenu, cette destination est suffisamment précise et comme il a été dit au point 5, la modification effectuée sur son emprise ne résulte pas d'une imprécision mais d'une erreur matérielle.
9. S'il ressort des documents produits que la parcelle AL n° 247 destinée à accueillir un belvédère est concernée par un risque de chute de blocs, il n'est pas établi que l'emprise de l'emplacement réservé n° 13 destiné à relier un sentier à ce belvédère serait concernée par un tel risque et il n'est pas soutenu ni même allégué que la parcelle AL n° 247 ne pourrait pas faire l'objet d'aménagements de nature à réduire ces risques.
10. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une voie présentant des caractéristiques comparables existerait, l'emplacement réservé en cause n'ayant pas pour seul objet de desservir la parcelle 247 mais de relier la côte Saint-Julien au belvédère. La défense fait valoir sans être utilement contredite que le tracé plus rectiligne proposé par les requérants n'est pas adapté à la forte déclivité du terrain. S'il existe d'autres belvédères à proximité, il n'est pas établi que le point de vue serait identique. L'emplacement réservé répond aux objectifs du PADD de développer les liaisons douces.
11. Il ressort des pièces du dossier que le tracé de l'emplacement réservé est à plusieurs dizaines de mètres de l'habitation de M. et MmeE.... L'emplacement réservé n° 13 est situé sur un côté de leur terrain et n'empiète que sur l'extrémité de celui-ci. La difficulté d'accès à l'angle Est du terrain n'est liée qu'à sa configuration particulière.
12. Les photographies produites, datées de 2018, ne suffisent pas à établir l'existence de l'anacamptis palustris (orchidée des marais), espèce végétale protégée en Bretagne, sur l'emprise de l'emplacement réservé à la date de la délibération litigieuse. L'existence de lézards n'est pas davantage démontrée.
13. Dans ces conditions, et malgré le caractère très pentu de certaines parties du terrain affectées à cet emplacement réservé, dont rien ne permet de dire qu'il ferait obstacle à la réalisation du chemin ainsi prévu, l'institution de l'emplacement réservé n° 13 ne procède d'aucune appréciation manifestement erronée. Enfin, les requérants ne sauraient utilement se plaindre de ce que le profil de la pente du terrain faisant l'objet de l'emplacement réservé litigieux ne répondrait pas aux dispositions relatives à l'accessibilité aux personnes handicapées des installations ouvertes au public.
14. En quatrième et dernier lieu, la seule circonstance que d'autres parcelles boisées n'aient pas été classées en espace boisé classé (EBC) ne saurait démontrer une erreur manifeste d'appréciation dans le classement en EBC de leur terrain n° 278.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
16. La commune de Binic-Etables-sur-Mer n'étant pas, dans la présente instance, la partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle au versement de la somme demandée par M. et Mme E...au titre de ces dispositions. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ces derniers la somme demandée par la commune et la somme demandée par la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération à ce titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Binic-Etables-sur-Mer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les conclusions présentées par la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération au même titre sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...et JacquelineE..., à la communauté d'agglomération Saint-Brieuc Armor Agglomération et à la commune de Binic-Etables-sur-Mer.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 21 mai 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT02960