- l'association " Gardez les caps " et les autres associations requérantes justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre l'arrêté portant régularisation de l'arrêté initial d'approbation du 18 avril 2017 ; les personnes physiques requérantes exercent la profession de pêcheurs en mer et justifient d'un intérêt pour agir, compte tenu des inconvénients pour la pêche en mer du projet de parc éolien ;
- il n'est pas établi que l'avis du commandant de la zone maritime atlantique du 14 mars 2018 aurait été émis au vu d'un dossier complet et actualisé correspondant à celui présenté par la société Ailes marines ;
- si l'illégalité ayant entraîné l'annulation de l'arrêté d'approbation du 18 avril 2017 est susceptible de régularisation, celle-ci ne peut être rétroactive ; l'arrêté attaqué du 21 juin 2018 qui prévoit son entrée en vigueur au 18 avril 2017, revêt un caractère rétroactif et est donc entaché d'illégalité ;
- en prévoyant que l'arrêté du 18 avril 2017 " demeure en vigueur ", l'arrêté attaqué entend faire revivre l'arrêté du 18 avril 2017 et méconnaît ce faisant l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la Cour du 3 avril 2018.
Par un mémoire, enregistré le 21 décembre 2018, la société Ailes marines SAS, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de chacun des requérants une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les autres moyens soulevés par l'association Gardez les caps et autres ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 janvier 2019, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- MM.M..., E..., D..., K..., P..., L...etO... ne justifient pas en leur qualité de pêcheurs en mer être lésés de manière directe et certaine dans leurs intérêts par la passation ou l'exécution de la convention de concession ; ils ne sont donc pas recevables à demander l'annulation de l'arrêté litigieux contesté ;
- les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Degommier,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de MeI..., représentant l'association Gardez les caps, et de MeF..., représentant la SAS Ailes marines.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 18 avril 2017, le préfet des Côtes d'Armor a approuvé la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime conclue entre l'État et la société Ailes marines en vue de l'exploitation d'un parc éolien de 62 éoliennes, d'une capacité de production de 500 MW, localisé sur le domaine public maritime, au large de la commune de Saint-Brieuc. L'association " Gardez les caps " et divers autres requérants ont demandé à la cour administrative d'appel de Nantes l'annulation de la convention de concession et de l'arrêté préfectoral du 18 avril 2017. Par arrêt n° 17NT01851 du 3 avril 2018, la cour a annulé l'arrêté préfectoral du 18 avril 2017, au motif de l'incompétence du signataire de l'avis conforme émis le 8 avril 2016, sur le fondement des dispositions de l'article R. 2124-6 du code général de la propriété des personnes publiques, au nom du commandant de la zone maritime Atlantique. A la suite de cet arrêt, le préfet des Côtes d'Armor a pris, le 21 Juin 2018, un arrêté portant régularisation de l'arrêté du 18 avril 2017 précité, au vu de l'avis conforme émis le 14 mars 2018 par le commandant de la zone maritime Atlantique. L'association Gardez les caps et autres demandent à la cour d'annuler cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté du 21 juin 2018 :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense ;
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les avis conformes du préfet maritime ou du délégué du Gouvernement pour l'action de l'Etat en mer et de l'autorité militaire compétente doivent être demandés pour les autorisations relatives à la formation d'établissement de quelque nature que ce soit sur la mer ou sur ses rivages/ L'autorité militaire compétente est, en métropole, le commandant de zone maritime et, outre-mer, l'officier général commandant supérieur des forces armées ". L'arrêté du 21 juin 2018 du préfet des Côtes d'Armor a été pris au vu, notamment, de l'avis conforme du commandant de zone maritime Atlantique émis le 14 mars 2018 en application des dispositions précitées. Cet avis comporte en objet la mention " parc éolien off-shore Baie de Saint-Brieuc " et mentionne que l'avis du commandant de zone maritime est requis " pour l'implantation et le raccordement d'un parc éolien en mer de 62 éoliennes, présenté par la société Ailes marines ". Cet avis a ainsi bien été rendu sur le projet litigieux de parc éolien en mer présenté par la société Ailes marines. Il ne ressort nullement des pièces du dossier que cet avis aurait été émis au vu d'un dossier incomplet. Par ailleurs, cet avis a été rendu afin de régulariser le vice d'incompétence entachant l'avis précédent du 8 avril 2016. Si les requérantes soutiennent que le nouvel avis n'a pas été émis au vu d'un dossier actualisé, notamment dans sa version actualisée du 10 février 2016, ils n'apportent aucune précision utile de nature à établir que le commandant de zone se serait prononcé sur la base d'un dossier incomplet, alors qu'il ressort des termes de son avis du 14 mars 2018 qu'il s'est prononcé notamment au vu d'une note établie le 29 février 2016, et que le ministre a indiqué en défense que le commandant de zone a eu à sa disposition un dossier lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause. Il est certes soutenu que le pétitionnaire a modifié sa demande de convention afin que la durée du contrat soit portée à quarante ans, toutefois il est constant que cette modification a été demandée le 10 février 2016, soit avant la note précitée du 29 février 2016 et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le commandant de zone maritime n'aurait pas été informé de cette modification. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 2124-56 du code général de la propriété des personnes publiques doit être écarté.
3. En deuxième lieu, à la suite de l'annulation, par le juge de l'excès de pouvoir, de l'acte détachable de la passation d'un contrat, il appartient à la personne publique de déterminer, sous le contrôle du juge, les conséquences à tirer de cette annulation, compte tenu de la nature de l'illégalité affectant cet acte. S'il s'agit notamment d'un vice de forme ou de procédure propre à l'acte détachable et affectant seulement les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, celle-ci peut procéder à sa régularisation, indépendamment des conséquences de l'annulation sur le contrat lui-même. Elle peut ainsi adopter, eu égard au motif d'annulation, un nouvel acte d'approbation avec effet rétroactif, dépourvu du vice ayant entaché l'acte annulé.
4. Il ressort des pièces du dossier que, dans son arrêt n° 17NT01851 du 3 avril 2018, la Cour a annulé l'arrêté préfectoral du 18 avril 2017 approuvant la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime conclue entre l'État et la société Ailes marines, au motif de l'incompétence du signataire de l'avis conforme émis le 8 avril 2016 au nom du commandant de la zone maritime Atlantique, en raison de l'insuffisante publicité de la délégation de signature. Dans son arrêt, la cour a prononcé cette annulation " sans préjudice des possibilités de régularisation ouvertes à l'administration sous le contrôle du juge ". C'est afin de régulariser l'irrégularité relevée par cet arrêt que le préfet des Côtes d'Armor a pris un nouvel arrêté, le 21 juin 2018, approuvant la convention de concession d'utilisation du domaine public maritime, au vu du nouvel avis émis le 14 mars 2018 par le commandant de zone maritime atlantique. Ce nouvel avis, dont l'irrégularité, ainsi qu'il a été dit au point 2, n'est pas établie, a pour effet de corriger l'irrégularité relevée par la cour dans son arrêt précité. En décidant par son arrêté du 21 juin 2018 que " les dispositions de l'arrêté du 18 avril 2017 (...) demeurent.en vigueur ", le préfet des Côtes d'Armor a entendu donner à cette régularisation un effet rétroactif à la date du 18 avril 2017 Ce faisant, compte tenu du principe rappelé au point 3, le préfet n'a pas entaché son arrêté d'une rétroactivité illégale.
5. En dernier lieu, en décidant par l'arrêté attaqué que " les dispositions de l'arrêté du 18 avril 2017 (...) demeurent.en vigueur ", le préfet des Côtes d'Armor a entendu donner à cette régularisation un effet rétroactif à la date du 18 avril 2017 L'arrêté attaqué n'a eu, ni pour objet, ni pour effet, de méconnaître l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt n° 17NT01851 du 3 avril 2018 de la Cour ; bien au contraire, cet arrêt a expressément réservé la possibilité d'une régularisation.
6. Il résulte de ce qui précède que l'association Gardez les caps et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 juin 2018.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Ailes marines, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que l'association Gardez les caps et autres demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association Gardez les caps et autres une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Ailes marines et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de l'association Gardez les caps et autres est rejetée.
Article 2 : L'association Gardez les caps et autres verseront à la SAS Ailes marines une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Gardez les caps, à l'association Robin des bois, à l'association de défense de l'environnement et de promotion de la pêche artisanale dans le golfe normand-breton (ADEPPA-GNB), à l'association Fédération environnement durable, à la Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France, à M. A... M..., à M. C... E..., à M. J... D..., à M. B... K..., à M. G... P..., à M. N... L..., à M. H... O..., au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à la société Ailes marines SAS.
Une copie sera adressée au préfet des Côtes d'Armor.
Délibéré après l'audience du 8 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 26 mars 2019.
Le rapporteur,
S. DEGOMMIER
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03267