Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 août 2020 et 18 septembre 2020, M. C... E... A... I..., M. F... A... E..., Mme H... A... E... et M. D... A... E..., représentés par Me G..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision du 20 avril 2017 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision par laquelle les autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo) ont refusé de délivrer un visa de long séjour à M. F... A... E..., Mme H... A... E... et M. D... A... E... en qualité de membres de la famille d'un réfugié ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités, à défaut, de procéder au réexamen des demandes de visa, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il a retenu la demande de substitution de motifs formulée par le ministre, laquelle l'a privée d'une garantie procédurale ;
- la substitution de motifs sollicitée par le ministre ne peut être accueillie, dès lors que M. E... A... I... conteste avoir déclaré à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides l'existence de l'enfant J... E... A..., née le 24 décembre 2006 ;
- la décision contestée porte une atteinte disproportionnée à leur droit de mener une vie familiale normale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
M. E... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 15 juin 2020 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Nantes (section administrative).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E... A... I... est un ressortissant de la République démocratique du Congo né le 15 mai 1978. Il s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 6 avril 2005. Le 10 novembre 2015, M. F... A... E..., Mme H... A... E... et M. D... A... E..., ses enfants allégués nés respectivement le 9 juin 1998, le 7 avril 2001, et le 7 avril 2001, ont sollicité un visa de long séjour en qualité de membres de famille de réfugié auprès des autorités consulaires françaises à Kinshasa. Par une décision du 2 février 2017, les autorités consulaires ont refusé de faire droit à leur demande. Par une décision du 20 avril 2017, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre cette décision. M. C... E... A... I..., M. F... A... E..., Mme H... A... E... et M. D... A... E... relèvent appel du jugement du 31 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation de la décision de la commission de recours.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour rejeter les demandes de visa litigieuses le 20 avril 2017, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'identité, et partant le lien familial des demandeurs avec le réunifiant, ne sont pas établis. Par un mémoire en défense, enregistré au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2019, et communiqué aux requérants le 9 décembre 2019, le ministre a sollicité des premiers juges une substitution de motifs en faisant valoir que la demande de réunification familiale n'a pas été présentée dans un délai raisonnable et que le caractère partiel de la demande de réunification familiale n'est pas justifié par des motifs tenant à l'intérêt des enfants. Le président de la formation de jugement a ordonné la réouverture de la clôture d'instruction, initialement intervenue le 13 décembre 2019. En l'absence de nouvelle ordonnance, la clôture de l'instruction est intervenue automatiquement trois jours francs avant la date d'audience, fixée au 10 janvier 2020. Dans ces conditions, en accueillant la demande de substitution de motifs, à laquelle les requérants ont au demeurant répondu par un mémoire enregistré le 24 décembre 2019, les premiers juges n'ont pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans (...) / II.- Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / La réunification familiale n'est pas soumise à des conditions de durée préalable de séjour régulier, de ressources ou de logement. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. Les documents établis par l'office font foi jusqu'à inscription de faux. (...) ". Aux termes du second alinéa de l'article L. 411-4 du même code : " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 411-1 à L. 411-3. Un regroupement partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. ".
4. A l'appui de sa demande de substitution de motifs formulée dans son mémoire en défense de première instance, le ministre de l'intérieur fait notamment valoir qu'aucune demande de visa n'a été présentée pour la jeune J... E... A..., née le 24 décembre 2006, que M. E... A... I... a déclarée comme étant sa fille devant l'OFPRA en juillet 2011, et que le caractère partiel de la demande de réunification familiale n'est pas justifié par des motifs tenant à l'intérêt des enfants.
5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'une note établie le 18 décembre 2015 par l'adjoint au chef de la division protection de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), que M. E... A... I... a déclaré devant cet organisme, en juillet 2011, être le père d'une enfant dénommée Ketia E... A..., née le 24 décembre 2006. Si M. E... A... I... conteste avoir déclaré cet enfant devant l'OFPRA et fait valoir qu'il était en France au moment de sa naissance, il n'apporte aucun élément susceptible de sérieusement remettre en cause la force probante dudit document. Par un courriel du 24 août 2020, le chef de la division de la protection de l'office a au demeurant confirmé les termes de la note établie le 18 décembre 2015, ainsi que l'existence de la déclaration de l'intéressé devant lui en juillet 2011. Par ailleurs, l'intéressé n'établit pas que cette déclaration n'existe pas au dossier détenu par l'OFPRA, dont il lui appartient de demander lui-même la production auprès de l'OFPRA et de contester éventuellement le refus de communication partielle qui lui aurait été opposé. Dans ces conditions, et alors que les requérants ne font état d'aucun motif tenant à l'intérêt des enfants pouvant seul justifier le recours à une réunification familiale partielle, le motif tiré de ce que cette demande de réunification familiale n'est pas justifiée par des motifs tenant à l'intérêt des enfants est de nature à justifier légalement la décision attaquée. Il résulte de l'instruction que la commission de recours aurait pris la même décision en ne se fondant que sur le motif tiré de ce que la demande de visa conduit à une réunification familiale partielle non justifiée par l'intérêt des enfants.
6. En second lieu, eu égard au nouveau motif fondant la décision attaquée, lequel a pour objet de ne pas séparer la jeune J... E... A... du reste de sa fratrie, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée, que M. C... E... A... I..., M. F... A... E..., Mme H... A... E... et M. D... A... E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. C... E... A... I..., M. F... A... E..., Mme H... A... E... et M. D... A... E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... A... I..., M. F... A... E..., Mme H... A... E... et M. D... A... E... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 avril 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 avril 2021.
Le rapporteur,
A. B...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02481