Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2020, M. A... B... et Mme D... B..., représentés par Me Tchiakpe, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 10 avril 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté leur recours contre les décisions de l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) du 28 mars 2019 refusant la délivrance d'un visa de long séjour à M. A... B... et à Mme D... B... en qualité d'enfants étrangers à charge d'un ressortissant français ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 70 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation, le lien de filiation étant établi par les actes de naissance produits ainsi que par les éléments de possession d'état.
La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Frank a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... B... F... épouse C... s'est vu accorder le statut de réfugiée le 6 octobre 2003, et a obtenu la nationalité française par naturalisation le 14 mai 2010. Au cours de l'année 2018, M. A... B... et Mme D... B..., ses enfants allégués, ressortissants de République démocratique du Congo, nés respectivement les 5 mars 2000 et 5 mai 1998, ont sollicité un visa de long séjour en qualité d'enfants étrangers à charge de ressortissant français. Par décisions du 28 mars 2019, l'autorité consulaire française à Kinshasa (République démocratique du Congo) a rejeté leurs demandes. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté les recours dirigés contre ces décisions. M. A... B... et Mme D... B... relèvent appel du jugement du 10 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande d'annulation de la décision de la commission de recours.
2. Il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter les demandes de visa litigieuses, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur les motifs tirés, d'une part, de ce que le lien familial des demandeurs avec Mme E... B... F... n'étaient pas établis par les actes d'état civil produits et, d'autre part, de ce que les demandeurs n'établissaient pas être à la charge de Mme E... B... F..., qui ne participe pas de manière significative et prolongée à leur entretien.
3. En premier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
4. D'autre part, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.
5. A l'appui de la demande de visa de M. A... B... ont été produites une copie intégrale de son acte de naissance n° 1512/2017 dressé le 27 septembre 2017 par l'officier d'état civil de la commune de Bumbu en transcription d'un jugement supplétif rendu le 10 juillet 2017 par le tribunal de paix de Kinshasa/Assossa ainsi qu'une " ordonnance rectificative d'actes de naissance n° 316/2019 " rendue le 20 avril 2017 par le président de ce tribunal. A l'appui de la demande de visa de Mme D... B... ont été produites une copie intégrale de son acte de naissance n° 1509/2017 dressé le 27 septembre 2017 par l'officier d'état civil de la commune de Bumbu en transcription d'un jugement supplétif rendu le 10 juillet 2017 par le tribunal de paix de Kinshasa/Assossa ainsi qu'une " ordonnance rectificative d'actes de naissance n° 317/2019 " rendue le 20 avril 2017 par le président de ce tribunal. La circonstance que les actes de naissance ont été dressés respectivement dix-sept et dix-neuf ans après la naissance des intéressés, et sept ans après la naturalisation de leur mère alléguée, n'est pas de nature à démontrer leur caractère inauthentique. Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient le ministre en première instance, il ressort des pièces du dossier que les passeports de Mme D... B... et de M. A... B... ont été respectivement délivrés le 6 septembre 2017 et le 28 janvier 2018, soit postérieurement aux actes d'état civil produits par les requérants. Dans ces conditions, et en dépit de ce que Mme E... B... F... n'aurait jamais mentionné ses enfants allégués lors de sa demande d'asile, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que le lien de filiation unissant Mme E... B... F... avec Mme D... B... et M. A... B... n'était pas établi.
6. En second lieu, lorsqu'elle est saisie d'un recours dirigé contre une décision diplomatique ou consulaire refusant la délivrance d'un visa de long séjour à un ressortissant étranger qui fait état de sa qualité de descendant à charge d'un ressortissant français, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France peut légalement fonder sa décision de rejet sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son ascendant dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son ascendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
7. A supposer même que les requérants aient entendu contester le deuxième motif de la décision litigieuse, il ne ressort pas des pièces du dossier que les quelques transferts d'argent réalisés par Mme E... B... F... au profit de Mme D... B... et de tiers en 2012, 2013, 2017 et 2018, les transferts d'argent postérieurs à la décision contestée ainsi que les photographies, seraient de nature à établir que les enfants sont la charge de leur parent de nationalité française. Par ailleurs il ressort des pièces du dossier que les revenus de Mme E... B... F..., exclusivement composés de prestations sociales, s'élèvent à environ 800 euros par mois. Par suite, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu à bon droit estimer que les éléments produits par Mme D... B... et M. A... B... ne permettaient pas de les regarder comme étant à la charge d'un ascendant français. Il résulte de l'instruction que la commission aurait pris la même décision si elle s'était fondée sur ce seul motif.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... B... et M. A... B... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... B... et M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseure,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 septembre 2021.
Le rapporteur,
A. FRANKLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02865