Par une requête, enregistrée le 12 février 2020, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 février 2020 du tribunal administratif de Nantes ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que la décision du 16 août 2017 n'est entachée ni d'erreur manifeste d'appréciation ni d'erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2020, M. A..., représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de faire droit à sa demande de naturalisation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 6 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A..., sa décision du 16 août 2017 ajournant à deux ans la demande de naturalisation présentée par l'intéressé.
Sur la légalité de la décision du 16 août 2017 du ministre de l'intérieur :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ". L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, l'intégration de l'intéressé dans la société française, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu'il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France.
3. Pour ajourner, par la décision du 16 août 2017 litigieuse, à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. A..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur le caractère non encore pleinement réalisé de son insertion professionnelle.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu, au cours de l'année universitaire 2013-2014, un magistère en communication interculturelle de l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) puis a été recruté, au cours de l'année suivante 2014-2015, en qualité de chargé d'enseignement vacataire au sein de cet établissement. Il a, ensuite, exercé à compter du mois de décembre 2016, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, une activité de technicien commercial qu'il a cessée en mars 2017 après avoir conclu un nouveau contrat à durée indéterminée avec une autre entreprise où il occupait, à la date de la décision litigieuse, après l'expiration du délai de deux mois de la période d'essai, un emploi de chargé de communication et de marketing. Dans ces conditions, et quand bien même cet emploi stable faisait suite à une période au cours de laquelle l'intéressé n'a occupé jusqu'en 2014, au cours de ses études, que des emplois précaires, en ajournant à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. A..., pour le motif mentionné au point 3, le ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction présentée par M. A... :
6. Eu égard à l'ancienneté de la décision contestée et à la nécessité de vérifier les conditions actuelles d'insertion dans la société française de l'intéressé, le présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de naturalisation présentée par M. A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A... de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de naturalisation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A....
Délibéré après l'audience du 12 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme B..., président-assesseur,
- M. Frank, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mars 2021.
Le rapporteur,
C. B...Le président,
T. Célérier
La greffière,
C. Popsé
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00526