Par une requête, enregistrée le 9 mars 2020, le ministre de l'intérieur demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 3 mars 2020 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé sa décision du 21 juillet 2017 et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de M. C... ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. C....
Il soutient que :
- sa décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; les faits opposés à M. C... pour qualifier son comportement défavorable, eu égard à leur gravité et à leur caractère récent, peuvent justifier une décision d'ajournement à deux ans ;
- les moyens invoqués par M. C... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2020, M. C... conclut au rejet de la requête, et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 3 mars 2020 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a annulé sa décision du 21 juillet 2017 et lui a enjoint de réexaminer la demande de naturalisation de M. C....
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger. ". D'autre part, aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre chargé des naturalisations de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la naturalisation à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.
3. Il ressort des pièces du dossier que pour ajourner à deux ans la demande de naturalisation présentée par M. C..., le ministre de l'intérieur s'est fondé sur la circonstance d'une part, que l'intéressé a été l'auteur de violences le 26 août 2007 et qu'il a fait l'objet d'une procédure pour acquisition, port, détention et transport d'armes le 10 janvier 2006 à Paris, d'autre part, que l'épouse de M. C... réside à l'étranger.
4. Il ressort des écritures du ministre que le second motif a été abandonné dès lors que M. C... a justifié que son épouse résidait en France, en vertu d'une carte de séjour d'une validité de 10 ans depuis le 27 février 2017. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a reconnu avoir transporté, le 10 janvier 2006, à Paris, sans motif légitime, une ou plusieurs armes de la 6ème catégorie, en l'espèce une bombe lacrymogène et une matraque téléscopique, les faits ayant donné lieu à une composition pénale. M. C... a également été l'auteur de violences le 26 août 2007 sans ou avec ITT inférieure ou égale à 8 jours, pour lesquelles il a été condamné par un jugement du tribunal de grande instance de Paris le 10 décembre 2008. Dans ces conditions, le ministre, qui dispose d'un large pouvoir pour apprécier l'opportunité d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite, et eu égard à la relative ancienneté, à la gravité et au caractère réitéré des faits commis par le postulant, ainsi qu'à la nature de la décision d'ajournement contestée, a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, ajourner pour le motif précité la demande de naturalisation de M. C.... Il résulte de l'instruction que le ministre de l'intérieur aurait pris la même décision s'il avait entendu se fonder initialement sur ce seul motif.
5. Ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler la décision contestée, sur ce que le ministre de l'intérieur aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif.
7. En premier lieu, il ressort des pièces figurant au dossier que, par délégation de signature du 27 mai 2016, la directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité, qui bénéficie d'une délégation du ministre chargé des naturalisations en application de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005, a donné délégation à M. A... à l'effet de signer tous actes, arrêtés et décisions relevant de ses attributions au sein du bureau des naturalisations. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée a été signée par une autorité incompétente.
8. En second lieu, les circonstances selon lesquelles M. C... est titulaire d'une carte de résident valable pour une durée de dix ans, est bien intégré professionnellement et est le père d'un enfant français, sont sans incidence sur la légalité de la décision contestée, eu égard au motif qui la fonde.
9. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 21 juillet 2017 et lui a enjoint de réexaminer la demande de M. C....
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 3 mars 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Célérier, président de chambre,
- Mme Buffet, présidente-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2021.
Le rapporteur,
A. B...Le président,
T. CELERIER
La greffière,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00888