Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 mai 2017, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mars 2017 ;
2°) d'annuler les décisions implicites par lesquelles le directeur régional de Pôle Emploi a rejeté ses demandes de réintégration formées les 28 mars 2014, 5 juillet 2014 et 31 mars 2015 ;
3°) d'annuler les décisions rejetant ses candidatures aux trois emplois sollicités sur les offres publiées le 30 septembre 2014 ;
4°) de condamner Pôle emploi à lui verser la somme de 54 870,95 euros en réparation des préjudices subis ;
5°) de mettre à la charge de Pôle Emploi la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal est irrégulier :
elle a déposé un mémoire le 2 février 2015, dans lequel elle fait état d'éléments nouveaux, sur lesquels le tribunal a omis de statuer ;
c'est à tort que le tribunal a estimé que ses demandes d'annulation des décisions implicites de rejet des demandes de réintégration formées les 28 mars et 5 juillet 2014, ainsi que ses demandes d'annulation des décisions implicites rejetant ses candidatures à trois emplois vacants, publiés le 30 septembre 2014, étaient irrecevables :
la formule utilisée " je ne comprends pas ", permet d'interpréter la demande en une requête à fin d'annulation des décisions contestées ;
elle a contesté des décisions qui lui avaient été opposées ;
en matière de contentieux d'excès de pouvoir, dans la mesure où la demande concernait une décision qui doit être prise après avis d'une assemblée locale ou d'un organisme collégial, la forclusion n'intervient qu'après une décision expresse de rejet, en vertu de l'article R. 421-3 du code de justice administrative ;
elle a également produit devant le tribunal une lettre adressée le 31 mars 2015 au directeur général de Pôle Emploi, sollicitant sa réintégration ainsi que l'acceptation de ses postulations sur les postes vacants et elle pouvait valablement contester la décision implicite de rejet intervenue sur cette demande le 31 mai 2015 ;
- les décisions de refus de réintégration, suite à ses demandes des 28 mars 2014, 5 juillet 2014 et 31 mars 2015 sont entachées d'illégalités fautives :
elles ne sont pas motivées
elles n'ont été précédées d'aucune consultation de la commission paritaire ;
elle bénéficiait du droit à réintégration dès la première vacance sur le fondement de l'article 32 du décret du 17 janvier 1986 ;
le tribunal n'a pas pris en compte les conditions dans lesquelles une publicité réelle pouvait être effectuée sur les postes vacants susceptibles de lui être proposé ;
Pôle Emploi a dépassé le délai raisonnable pour la réintégrer ;
- les décisions de rejet de ses candidatures aux postes de conseiller référent filière-emploi, conseiller en insertion filière-conseil à l'emploi, et chargé de développement de compétences filière appui-gestion sont entachées d'illégalités fautives :
des personnes non-prioritaires ont été nommées à sa place par mutation sur des postes de conseiller-référent à Brest et dans la filière conseil en agence ;
les décisions ne sont pas justifiées par des raisons tirées d'une nécessité de service ;
il existe une équivalence entre les filières et le rejet de ses candidatures n'est pas justifié ;
* elles ne spécifient pas en temps utile qu'elle devait formuler une demande de mutation de filière pour pouvoir être réintégrée ;
- ses conclusions indemnitaires sont recevables ;
- les fautes susmentionnées lui ont causé directement un préjudice qui peut être évalué à la somme de 54 870,95 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2017, Pôle emploi conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de MmeB... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
L'instruction a été close au 16 mars 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire a été présenté pour MmeB..., enregistré le 16 mars 2018, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2008-126 du 13 février 2008 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le décret n° 2003-1370 du 31 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de Me C... pour MmeB....
Une note en délibéré, présentée pour MmeB..., a été enregistrée le 21 septembre 2018.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., agent contractuel de droit public de Pôle emploi, occupait depuis le 10 mars 2010 un emploi de cadre adjoint d'appui et de gestion, classé au niveau 3, au sein de la direction régionale de Pôle emploi Pays de la Loire. Elle a été placée, à sa demande, en position de congé pour convenances personnelles du 1er février 2012 au 31 janvier 2015. Les 28 mars 2014 et 5 juillet 2014, la requérante a demandé à réintégrer Pôle emploi. Elle a également demandé, au mois d'octobre 2014, à réintégrer cet établissement sur trois emplois de conseiller référent filière-emploi, de conseiller en insertion filière-conseil à l'emploi et de chargée de développement de compétences, dont les offres avaient été publiées le 30 septembre 2014 et qui correspondaient à son niveau. Par un courrier du 8 janvier 2015, le directeur général de Pôle emploi a rejeté sa demande de réintégration sur le poste de chargée de développement de compétences. Puis, par une décision du 18 mars 2015, le directeur régional de Pôle emploi Pays de la Loire a maintenu Mme B...en congé sans traitement en attente de réemploi à compter du 1er février 2015. Par sa présente requête, Mme B...demande à la cour l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mars 2017 ayant rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions implicites du directeur régional de Pôle Emploi rejetant ses demandes de réintégration ainsi que celles rejetant ses candidatures aux trois emplois sollicités sur les offres publiées le 30 septembre 2014 et, d'autre part, à la condamnation de Pôle emploi à lui verser la somme de 54 870,95 euros en réparation des préjudices subis.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-3 du même code : " Toutefois, l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux ; 2° Dans le contentieux de l'excès de pouvoir, si la mesure sollicitée ne peut être prise que par décision ou sur avis des assemblées locales ou de tous autres organismes collégiaux ; 3° Dans le cas où la réclamation tend à obtenir l'exécution d'une décision de la juridiction administrative. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives. / A l'exception de celles de l'article 21, les dispositions des articles 19 à 24 ne s'appliquent pas aux relations entre les autorités administratives et leur agents ". Aux termes de l'article 19 de la même loi : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa. (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires y dérogeant, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'administration sur une demande ou une réclamation de l'un de ses agents vaut décision de rejet. Sauf dans les cas énumérés à l'article R. 421-3 du code de justice administrative ou lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce même délai de deux mois, l'agent dispose d'un délai de deux mois francs, à compter de la naissance de cette décision implicite, pour former un recours administratif ou contentieux à l'encontre de cette dernière.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation des décisions implicites rejetant ses demandes de réintégration formées les 28 mars 2014 et 5 juillet 2014 et d'annulation des décisions implicites rejetant ses candidatures, formulées en octobre 2014, aux trois emplois dont la vacance a été publiée le 30 septembre 2014 ont été présentées pour la première fois dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 17 septembre 2015, après l'expiration du délai de recours contentieux. En outre, la requérante ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 421-3-2° du code de justice administrative pour contester les décisions attaquées, ces dispositions n'étant applicables qu'aux décisions expresses de rejet. Enfin, si Mme B... formule de nouvelles conclusions en annulation dirigées contre une décision implicite de rejet qui serait née suite à une demande de réintégration formulée le 31 mars 2015, ces conclusions, nouvelles en appel, sont, en tout état de cause, irrecevables. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les conclusions de la requérante tendant à l'annulation des décisions implicites rejetant ses demandes de réintégration formées les 28 mars 2014 et 5 juillet 2014 et d'annulation des décisions implicites rejetant ses candidatures, formulées en octobre 2014, aux trois emplois dont la vacance a été publiée le 30 septembre 2014 comme irrecevables car présentées après l'expiration du délai de recours contentieux prévu par les dispositions citées.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le mémoire du 19 janvier 2015 a été enregistré le 20 janvier 2015 au greffe du tribunal administratif de Nantes et a été visé par le jugement contesté. En relevant l'irrecevabilité des conclusions en annulation des décisions implicites rejetant les candidatures de Mme B... aux trois emplois dont la vacance a été publiée le 30 septembre 2014, les premiers juges ont expressément écarté les moyens dirigés contre ces décisions. En outre, les correspondances du 2 février 2015 et du 31 mars 2015 adressées au directeur régional de pôle emploi, et transmises en copie au tribunal administratif, ne sauraient être regardées comme des mémoires contentieux. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
En ce qui concerne les illégalités fautives alléguées des décisions implicites de refus de réintégration, suite aux demandes des 28 mars 2014 et 5 juillet 2014 :
7. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir. ". Aux termes de l'article 5 de la même loi : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande (...) ". Il ne résulte pas de l'instruction que Mme B...ait demandé la communication des motifs des décisions implicites rejetant ses demandes de réintégration. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait commis une illégalité fautive en ne motivant pas ses refus de réintégration.
8. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, la requérante ne saurait utilement se prévaloir d'une illégalité fautive en invoquant une méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-3 2° du code de justice administrative.
9. D'une part, aux termes de l'article 32 du décret du 17 janvier 1986 : " A l'issue des congés prévus au titre IV, aux articles 20, 20 bis, 21, 22 et 23 du titre V et à l'article 26 du titre VI, les agents physiquement aptes et qui remplissent toujours les conditions requises sont réemployés sur leur emploi ou occupation précédente dans la mesure permise par le service. Dans le cas contraire, ils disposent d'une priorité pour être réemployés sur un emploi ou occupation similaire assorti d'une rémunération équivalente. ". D'autre part, aux termes du second alinéa de l'article 26 du décret du 31 décembre 2003 : " Les agents qui en font la demande par lettre recommandée dans un délai de deux mois avant l'expiration du congé en cours, sont, à l'issue de celui-ci et après avis de la commission paritaire compétente, réintégrés dans leur emploi ou, à défaut, dans un autre emploi vacant de même niveau, dans la mesure permise par les nécessités du service. A défaut de demande présentée dans le délai susmentionné, les agents sont considérés comme démissionnaires. L'agent qui refuse trois propositions de réemploi est licencié. ".
10. En troisième lieu, il résulte de ces dispositions que l'agent contractuel de droit public de Pôle emploi placé en congé sans rémunération pour convenances personnelles ne bénéficie d'aucun droit à réintégration dès la première vacance. Il a droit, toutefois, à ce que des mesures soient prises dans un délai raisonnable à compter du jour où il a demandé sa réintégration pour que trois postes lui soient proposés, comme le prévoient les dispositions citées, dans la mesure permise par les nécessités du service.
11. En quatrième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à Pôle emploi, dans le cadre de l'instruction d'une demande de réintégration, d'informer les personnes concernées des modalités selon lesquelles elles peuvent formuler une demande et notamment d'assurer une publicité des postes vacants susceptibles d'être proposés aux agents.
12. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que Mme B...a demandé sa réintégration au sein des effectifs de Pôle emploi le 28 mars 2014 et a été réintégrée le 1er octobre 2015 sur un emploi de comptable au sein de la direction administration, finances et budget de l'établissement Pays de la Loire. Compte tenu de l'importance de l'établissement, de la nature des emplois qui pouvaient être proposés à cet agent et du fait que l'intéressée a fait sa demande de réintégration dix mois environ avant le terme prévu de son congé pour convenances personnelles, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle n'aurait pas bénéficié de son droit à une réintégration, dans un délai raisonnable, sur un emploi vacant correspondant à son niveau.
En ce qui concerne les illégalités fautives alléguées des décisions de rejet des candidatures aux postes de conseiller référent filière-emploi, conseiller en insertion filière-conseil à l'emploi, et chargé de développement de compétences filière appui-gestion :
13. En sixième et dernier lieu, Pôle emploi justifie des nécessités du service en faisant valoir, sans être valablement contredit, que le refus de réintégrer Mme B...sur les trois postes publiés le 30 septembre 2014 pour lesquels elle avait candidaté, est fondé sur la circonstance qu'un de ces emplois, celui de chargée de développement de compétences - appartenant à la filière appui-gestion dont elle relevait et dans laquelle Mme B...avait sollicité sa réintégration - ne correspondait ni à son précédent emploi, ni à sa formation de psychologue, ni à son expérience en comptabilité. En outre, il résulte de l'instruction que la demande de réintégration de l'intéressée sur les deux emplois, relevant d'une autre filière que la sienne, de conseiller réfèrent filière-emploi et de conseiller en insertion filière-conseil à l'emploi, relevait d'une procédure distincte de mutation, prévue par l'article 24 du décret du 31 décembre 2003. Les allégations de la requérante selon lesquelles il existerait une équivalence entre les filières pour les postes relevant de son niveau de responsabilité ou que la fusion des enseignes filières de l'ANPE et de l'ASSEDIC aurait eu pour effet d'unifier le régime administratif de l'établissement, ne sont corroborées par aucun élément probant. Enfin, Pôle emploi n'était pas tenu d'informer son agent qu'elle devait formuler une demande de mutation de filière pour pouvoir être réintégrée sur un poste relevant d'une filière autre que sa filière d'appartenance.
14. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions indemnitaires de la requête que Mme B...n'est pas fondée, dès lors que Pôle emploi n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Pôle emploi, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par MmeB... au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MmeB... la somme réclamée par Pôle emploi au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de MmeB... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de Pôle emploi sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et à Pôle emploi.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01594