Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 octobre 2017, Mme B...A..., représentée par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans du 25 septembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 1er septembre 2017 par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a décidé sa remise aux autorités polonaises ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 dudit règlement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 novembre 2017 et 9 avril 2018, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Par lettre du 29 juin 2018, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen d'appel fondé sur la légalité externe de la décision contestée en tant que demande nouvelle en appel.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 18 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeA..., ressortissante angolaise entrée irrégulièrement en France le 22 mars 2017, relève appel du jugement du 25 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er septembre 2017 par laquelle le préfet d'Indre-et-Loire a décidé sa remise aux autorités polonaises, en tant que responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Devant le tribunal administratif d'Orléans, Mme A...n'a soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne de la décision attaquée. Si, devant la cour, elle soutient en outre que la décision qu'elle conteste serait entachée d'un vice de procédure, tiré de la méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel.
3. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Par ailleurs, selon le paragraphe 2 de l'article 3 du même règlement : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre par l'article 17 de ce règlement est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
4. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet d'Indre-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de Mme A...et des conséquences de sa réadmission et de celle de ses enfants mineurs en Pologne au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Les éléments versés au dossier par la requérante qui font état de ce qu'elle souffre d'une " tuberculose latente " nécessitant une simple surveillance, ne suffisent pas à établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier en Pologne des soins appropriés à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris sans examen personnalisé et violerait les stipulations précitées doit être écarté.
5. D'autre part, si la Pologne est un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Les documents d'ordre général produits par la requérante ne suffisent pas à établir que la réadmission d'un demandeur d'asile vers la Pologne est, par elle-même, constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile du fait de l'existence de défaillances systémiques dans l'accueil des demandeurs d'asile. Dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que la décision litigieuse ferait obstacle à ce que sa demande d'asile soit traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Ainsi, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
7. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction sous astreinte présentées par la requérante, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise pour information au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 14 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIRLa greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03209