Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mai 2019, Mme A..., représentée par Me Hans, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2017 ;
2°) de mettre à la charge de la communauté de communes des Pays de l'Aigle une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 28 décembre 2017 a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle a été convoquée successivement à un entretien préalable dont l'objet était la fin par anticipation de son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services pour le motif de perte de confiance puis à un entretien préalable dont l'objet était le non-renouvellement de son détachement sur ce même emploi pour le motif de perte de confiance ;
- elle n'a pas pu, en méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense, avoir accès à son dossier personnel complet dès lors que, lors de la première consultation, les procès-verbaux des entretiens professionnels obligatoires avaient été retirés, et que, lors de la seconde consultation, alors que ces mêmes éléments faisaient défaut, des documents dactylographiés de salariés critiquant son management avaient été insérés ;
- l'arrêté est, en méconnaissance de l'article L. 211-5 de l'ordonnance n°2015-1341 du 23 octobre 2015, insuffisamment motivé en droit et en fait ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'aucun texte ne prévoit la possibilité de recourir à la fin par anticipation de détachement ou au non-renouvellement de détachement sur un emploi fonctionnel à titre de sanction et/ou de mesure individuelle défavorable et que la décision qui ne vise ni la faute grave du fonctionnaire ni l'intérêt du service est entachée d'illégalité ;
- les faits mentionnés dans l'arrêté sont entachés d'inexactitude matérielle ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir dès lors que la motivation de son auteur repose sur des considérations exclusivement personnelles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 décembre 2019, la communauté de communes des Pays de l'Aigle, représentée par Me Carrere, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 10 février 2020 par une ordonnance du même jour.
Le mémoire, enregistré le 24 février 2020, présenté pour Mme A..., n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°87-1101 du 30 décembre 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me Abbal, substituant Me Carrere, représentant la communauté de communes des Pays de l'Aigle.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 28 décembre 2017, le président de la communauté de communes des Pays de l'Aigle a décidé de ne pas renouveler le détachement de Mme A..., attaché territorial principal, sur l'emploi fonctionnel de directrice générale des services qu'elle occupait depuis le 1er février 2013 au motif d'une perte de confiance consécutive à un manque d'efficacité et de rigueur dans le traitement de certains dossiers, dont ceux de la Manufacture Bohin et du Pôle de Santé Libéral et Ambulatoire, à un autoritarisme envers les équipes, à un refus de mise en place d'un management participatif et à la prise de décision sans concertation préalable avec les élus intéressés ou le service des ressources humaines. L'intéressée a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen l'annulation pour excès de pouvoir de cet arrêté ainsi que la condamnation de la communauté de communes des Pays de l'Aigle à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime. Elle relève appel du jugement n°1800336 du 15 mars 2019 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2017 :
2. Aux termes de l'article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, applicable y compris dans l'hypothèse d'un non-renouvellement du détachement au terme normal de celui-ci, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté en litige : " Lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire occupant un emploi fonctionnel mentionné aux alinéas ci-dessous et que la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, celui-ci peut demander à la collectivité ou l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel soit à être reclassé dans les conditions prévues aux articles 97 et 97 bis, soit à bénéficier, de droit, du congé spécial mentionné à l'article 99, soit à percevoir une indemnité de licenciement dans les conditions prévues à l'article 98. / Ces dispositions s'appliquent aux emplois : (...) - de directeur général des services techniques des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants ; (...) Il ne peut être mis fin aux fonctions des agents occupant les emplois mentionnés ci-dessus, sauf s'ils ont été recrutés directement en application de l'article 47, qu'après un délai de six mois suivant soit leur nomination dans l'emploi, soit la désignation de l'autorité territoriale. La fin des fonctions des agents mentionnés aux troisième à huitième alinéas du présent article est précédée d'un entretien de l'autorité territoriale avec les intéressés et fait l'objet d'une information de l'assemblée délibérante et du Centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion ; la fin des fonctions de ces agents prend effet le premier jour du troisième mois suivant l'information de l'assemblée délibérante. (...) ".
En ce qui concerne la légalité externe :
3. En premier lieu, en l'absence de texte contraire, un agent dont le détachement arrive à échéance n'a aucun droit au renouvellement de celui-ci. Il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas renouveler ce détachement serait fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur la manière de servir de l'agent et se trouverait prise en considération de sa personne, elle n'est, sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire, ni au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier ni au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. Si le refus de renouvellement de détachement de Mme A... est fondé sur l'appréciation de sa manière de servir et a été pris en considération de sa personne, il ne l'a pas été au regard de motifs disciplinaires et ne constitue pas une sanction. Par suite, les moyens tirés de son insuffisante motivation au regard de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et de la méconnaissance du respect des droits de la défense en l'absence de communication de son entier dossier ne peuvent être utilement invoqués et doivent être écartés.
5. En second lieu, si ni les dispositions citées au point 2 ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne précisent les conditions dans lesquelles doit avoir lieu l'entretien qui doit être accordé à un fonctionnaire détaché pour occuper un emploi fonctionnel d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public en dépendant avant qu'il puisse être mis fin à son détachement et si aucune disposition ne fixe, notamment, les formes et délais de la convocation de l'intéressé à cet entretien, il incombe, en principe, à l'autorité compétente de cette collectivité ou de cet établissement, dans le cas où la mesure est prise en considération de la personne, de veiller à ce qu'il n'existe aucun risque d'ambiguïté quant à l'objet de l'entretien auquel est convoqué l'intéressé.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a été convoquée, par écrit, successivement à un entretien préalable dont l'objet était la fin par anticipation de son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services au motif d'une perte de confiance puis à un entretien préalable dont l'objet était le non-renouvellement de son détachement sur ce même emploi pour le même motif. Alors que la première procédure de fin de détachement par anticipation a été abandonnée, compte tenu du temps qui s'était écoulé, au profit d'une seconde procédure de non-renouvellement de détachement, Mme A... a été informée, sans ambiguïté, de l'objet de l'entretien du 20 décembre 2017, qui était d'organiser un échange autour de la perte de confiance du président de la communauté de communes des Pays de l'Aigle à son égard. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la convocation successive, dans ces conditions, à deux entretiens, entache la procédure d'irrégularité.
En ce qui concerne la légalité interne :
7. En premier lieu, la perte de confiance constitue un motif tiré de l'intérêt du service, qui est de nature à justifier qu'il soit mis fin à un détachement sur un emploi fonctionnel mentionné à l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 ou que celui-ci ne soit pas renouvelé. Par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que le président de la communauté de communes des pays de l'Aigle a pu motiver par la perte de confiance à l'égard de la directrice générale des services l'arrêté refusant le renouvellement de son détachement.
8. En deuxième lieu, les témoignages émanant d'élus, d'agents de la collectivité et de personnes ayant travaillé avec Mme A..., produits par la communauté de communes des Pays de l'Aigle, sont insuffisants pour établir le manque d'efficacité ou de rigueur de l'intéressée dans la gestion de ses dossiers, en l'absence d'éléments précis de description des objectifs qui lui étaient assignés, des moyens mis à sa disposition et de constats objectifs ou partagés, entre Mme A... et son supérieur hiérarchique, de l'état d'avancement ou du retard accumulé dans la gestion des dossiers, notamment des projets Bohin et Pôle de Santé Libéral et Ambulatoire. En revanche, compte tenu de leurs caractères circonstanciés et récurrents, ces témoignages permettent d'établir les carences managériales et relationnelles mentionnées dans la décision en litige et rappelées au point 1. Par conséquent, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'ensemble des faits mentionnés dans l'arrêté est entaché d'inexactitude matérielle.
9. En troisième lieu, il ressort des témoignages et attestations produits que le comportement brutal et autoritaire de Mme A... générait un contexte de travail dégradé, ce qui a notamment conduit à la mise à l'écart de l'ancienne directrice générale des services d'une communauté de communes fusionnée en 2017 avec celle des Pays de l'Aigle et du responsable du service des ressources humaines. Le président de la communauté de communes des Pays de l'Aigle a d'ailleurs été destinataire d'un signalement effectué le 17 octobre 2017 par le médecin de prévention, l'alertant sur un mal-être grandissant au sein des services de la direction générale et des directions adjointes. Cette carence managériale justifiait à elle-seule que le président de la communauté de communes des Pays de l'Aigle ne renouvelle pas le détachement de Mme A... sur le poste fonctionnel de directeur général des services. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le non-renouvellement de détachement de Mme A... reposerait sur un autre motif que celui tiré de la perte de confiance évoqué dans l'arrêté en litige. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2017.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes des Pays de l'Aigle, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais engagés par Mme A... au titre de l'instance.
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... une somme de 1 500 euros à verser à la communauté de communes des Pays de l'Aigle sur ce fondement.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à la communauté de communes des Pays de l'Aigle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au président de la communauté de communes des Pays de l'Aigle.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2021.
Le rapporteur,
F. B...Le président,
O. GASPON
Le greffier,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01764 4
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