Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 avril et le 21 novembre 2018, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 22 février 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 24 novembre 2016 par laquelle le recteur de l'académie de Caen a implicitement rejeté sa demande préalable d'indemnisation ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi pour des faits constitutifs de harcèlement moral, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable indemnitaire avec capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part du proviseur de son lycée dès septembre 2014, caractérisé notamment par un acharnement répété de la part du proviseur sur sa personne, avec une différence de traitement par rapport à ses collègues, l'absence volontaire de transmission d'information ou encore l'absence de décision dans les plus brefs délais et le rectorat aurait dû, en conséquence, lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, son refus étant constitutif d'une faute qui lui a occasionné un préjudice de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2018, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons ;
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public ;
- et les observations de Me A...pour Mme B...;
Une note en délibéré, présentée pour MmeB..., a été enregistrée le 26 mars 2019.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., professeure de biotechnologies au lycée professionnel Edmond Doucet à Equeurdreville-Hainneville (Manche), a, par lettre du 10 mai 2016, demandé au recteur de l'académie de Caen de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral. Par une décision du 22 juillet 2016, le recteur de l'académie de Caen a rejeté sa demande. L'intéressée a alors formé, le 22 septembre 2016, une demande préalable indemnitaire qui a été implicitement rejetée le 24 novembre 2016 par le recteur de l'académie de Caen. Elle a ensuite demandé au tribunal administratif de Caen l'annulation de cette décision implicite de rejet ainsi que la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi pour des faits constitutifs de harcèlement moral. Par sa présente requête, Mme B...relève appel du jugement du 22 juin 2017 par lequel le tribunal a rejeté cette demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. La décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Caen a rejeté la demande préalable indemnitaire de Mme B...n'a eu pour seul effet que de lier le contentieux à l'égard de l'objet de la demande de la requérante qui, en formulant les conclusions à fin de condamnation analysées ci-dessus, leur a donné le caractère de conclusions de plein contentieux. Au regard de l'objet d'une telle demande, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de la décision rejetant la demande préalable indemnitaire de Mme B...ne peuvent qu'être rejetées comme inopérantes.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
3. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction alors applicable : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions, d'une protection organisée par la collectivité publique dont ils dépendent, conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales. / (...) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (...) ".
4. D'autre part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral et a demandé en vain le bénéfice de la protection fonctionnelle, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
5. Les faits dénoncés par Mme B...à l'appui de sa demande d'indemnisation ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence du harcèlement moral allégué et traduisent davantage des relations dégradées entre l'intéressée et la cheffe d'établissement du lycée professionnel Edmond Doucet. Si Mme B...soutient que la proviseure aurait manifesté de manière répétée à son endroit un comportement discriminatoire par rapport à ses collègues, cette affirmation ne repose sur aucun élément. De même, à la supposer avérée, l'insuffisance de communication de la part de la direction de l'établissement qui ne l'aurait pas prévenue de la présence d'un élève supplémentaire dans sa classe ou d'un changement d'emploi du temps et de salle de classe ne saurait constituer des faits constitutifs de harcèlement moral, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ce manque de communication soit délibéré. Ces faits procèdent davantage d'une défaillance ponctuelle dans l'organisation du service et ne traduisent aucunement une volonté de nuire à l'intéressée. En ce qui concerne le courriel adressé le 18 septembre 2014 à Mme B... par la cheffe d'établissement, il traduit seulement l'inquiétude de cette dernière en raison de l'absence depuis le 15 septembre précédent de l'intéressée et n'outrepassent pas l'exercice normal du pouvoir d'organisation du service. Il en est de même du courriel du 12 novembre 2014 informant Mme B...et l'une de ses collègues qu'elles feraient chacune l'objet d'une inspection pédagogique le 17 novembre 2014. Par ailleurs, les affirmations de la requérante selon lesquelles la cheffe d'établissement l'aurait volontairement surchargée de travail en janvier 2015 en lui imposant des déplacements à Saint-Lô ne reposent sur aucun fondement. Si Mme B...soutient que la proviseure du lycée ne l'aurait pas soutenue face aux difficultés qu'elle rencontrait avec un élève perturbateur, il résulte de l'instruction que les signalements effectués par la requérante ont été pris en compte par la direction et ont conduit, au terme d'une procédure disciplinaire, à l'infliction d'une sanction à cet élève. La circonstance que des correspondances relatives à l'état de santé de la requérante aient été déposées dans son casier personnel sans être cachetées, si elle traduit une autre défaillance dans l'organisation du service, ne saurait, par elle-même, démontrer une volonté de nuire à l'intéressée. En outre, les signalements inscrits par Mme B... au registre de santé et de sécurité au travail ont donné lieu à des réponses appropriées de la part de sa hiérarchie. Dans ces conditions, en l'absence de situation de harcèlement moral avérée, le recteur de l'académie de Caen a pu légalement refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle à l'intéressée et refuser de lui accorder l'indemnisation qu'elle sollicitait.
6. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme B...au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera transmise au recteur de l'académie de Caen.
Délibéré après l'audience du 15 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 avril 2019.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
E. HAUBOIS
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N° 18NT01354