Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 octobre 2017 et le 12 mars 2018, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 septembre 2017 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2017 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile ;
4°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides afin que sa demande d'asile soit examinée, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a omis de répondre au moyen tiré des irrégularités de forme de la notification de l'arrêté de transfert ;
- l'arrêté de transfert en cause ne lui a pas été régulièrement notifié, en méconnaissance des dispositions des articles L. 742-3 et L. 111-8 et 9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce que les coordonnées de l'interprète ne figurent pas sur l'acte de notification, que la nécessité de recourir à la société " ISM " pour une traduction téléphonique de la notification et la qualité d'interprète assermenté de la personne physique ayant procédé à la traduction de cette notification ne sont pas justifiés ;
- le préfet ne justifie pas que la société " ISM " était agréé par l'administration ;
- l'arrêté méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 compte tenu de la scolarisation de son enfant et de sa situation médicale.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant de nationalité géorgienne, est entré irrégulièrement sur le territoire français, accompagné de son épouse Mme D...E...et de leur enfant mineur, le 12 avril 2017. Le requérant a sollicité le 29 mai 2017 son admission au séjour au titre de l'asile auprès de la préfecture d'Ille et Vilaine. En application du règlement UE n°603-2013 du 26 juin 2013, les empreintes digitales de M. C...ont été relevées et transmises à l'unité centrale " Eurodac ". Il est alors apparu qu'elles avaient été enregistrées le 9 février 2016 par les autorités allemandes. Ces mêmes autorités, saisies le 27 juin 2017 par les autorités françaises d'une demande de reprise en charge de l'intéressé en application de l'article 18.1 b) du règlement (UE) n°604/2013 cité, ont fait connaître leur accord le 30 juin 2017. Par un arrêté du 24 août 2017, le préfet d'Ille et Vilaine a ordonné le transfert de M. C... aux autorités allemandes, responsables de l'examen de sa demande d'asile. Saisi par M. C... d'une demande d'annulation de cette décision, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Il est constant que M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 18 janvier 2018. Par suite, les conclusions du requérant tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Les conditions de notification d'une décision administrative n'affectent pas sa légalité et n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours contentieux. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en omettant de répondre au moyen, qui était inopérant, tiré des irrégularités de forme de la notification de l'arrêté de transfert en cause, le jugement attaqué serait irrégulier.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, les circonstances que l'arrêté de transfert en cause n'aurait pas été régulièrement notifié à l'intéressé, en méconnaissance des dispositions de l'article L.742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les coordonnées de l'interprète ne figurent pas sur l'acte de notification, que la traduction de la notification ait été réalisée par téléphone ou que la personne physique ayant procédé à cette traduction n'aurait pas été assermentée, sont sans incidence sur la légalité de la décision de transfert. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que le requérant a signé sans réserves le formulaire de notification de l'arrêté de transfert qui lui a été remis et aucun élément ne permet d'affirmer que M. C...n'aurait pas compris les informations traduites à son intention.
5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que par décision du ministre de l'intérieur en date du 7 mars 2017, l'agrément en qualité d'organisme d'interprétariat et de traduction au titre des dispositions des articles L. 111-8 et R. 111-12-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été renouvelé à l'association " ISM " pour une durée d'un an à compter du 10 avril 2017.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Garanties en faveur des mineurs - 1. L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les Etats membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement. (...). ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".
7. M. C... soutient, en se prévalant de l'inscription de son enfant en école élémentaire et d'un protocole de soins, que le préfet en ne faisant pas usage de la possibilité ouverte par les dispositions citées a méconnu l'intérêt supérieur de son enfant et son droit au respect de sa vie privée et familiale. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'enfant du couple est inscrit en école élémentaire seulement depuis septembre 2017, alors que M. C... a séjourné plus d'une année en Allemagne, pays dans lequel le requérant n'établit ni que son enfant n'a pas été scolarisé ni qu'il ne pourrait de nouveau l'être.
8. Si l'intéressé se prévaut de sa situation médicale et d'une prise en charge pour une co-infection par le VIH et l'hépatite C depuis le 2 mai 2017, aucun élément ne permet d'établir que son état de santé s'opposerait à son transfert vers Allemagne ni qu'il ne pourrait bénéficier de soins appropriés à son état de santé en Allemagne, justifiant alors que les autorités françaises fassent application de la faculté discrétionnaire dont elles disposent, en vertu des dispositions citées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, d'examiner une demande d'asile alors même que cet examen ne leur incombe pas en vertu des critères fixés par ce règlement.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M.C....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03225