Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 décembre 2017, M.C..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2017 du préfet du Morbihan ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et, dans cette attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours, le tout sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivée ;
- l'arrêté contesté est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, faute d'entretien individuel personnel, conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté contesté méconnaît les dispositions des articles 9 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'expose à un risque de violation des stipulations des articles 3, 5, 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il encourt des risques en cas de retour en Erythrée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 avril 2018, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Francfort a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant afghan né le 5 janvier 1990, a présenté une demande d'asile à la préfecture de police de Paris le 30 mai 2017. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes avaient été enregistrées les 18 septembre 2015 et 24 mars 2016 par les autorités allemandes, celles-ci, saisies d'une demande de reprise en charge, ont donné leur accord le 2 juin 2017. Par un arrêté du 29 septembre 2017, le préfet du Morbihan a prononcé la remise de M. C...aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile. L'intéressé relève appel du jugement du 4 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il y a lieu pour la cour d'écarter le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. ".
5. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Membres de la famille bénéficiaires d'une protection internationale - Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un Etat membre, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".
6. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 5 de la même convention : " Droit à la liberté et à la sûreté - 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales (...) f) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours ". Aux termes de l'article 6 de la même convention : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (...) ". Aux termes de l'article 13 de la même convention : " Droit à un recours effectif - Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. ".
7. Tout d'abord, M. C...ne soutient ni même n'allègue qu'un membre de sa famille aurait été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un Etat membre. Quant au bénéfice de la clause humanitaire prévue par l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, celui-ci ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. L'arrêté en litige ayant pour seul objet de le transférer en Allemagne, le requérant ne peut utilement invoquer les risques encourus du fait du contexte d'insécurité générale que connaît son pays d'origine. Le requérant n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité et le caractère personnel des risques allégués qui feraient obstacle à sa remise aux autorités allemandes. Par suite, il ne fait valoir aucune circonstance particulière justifiant que sa demande d'asile aurait dû être examinée par la France. En conséquence, le moyen tiré de ce que le préfet du Morbihan aurait méconnu les dispositions citées aux points 5 et 6 du présent arrêt doit être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
9. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. C...et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17NT037492