Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 novembre 2017 M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 18 juillet 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 5 décembre 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande de statut d'apatride ;
3°) d'enjoindre à l'OFPRA de lui octroyer le statut d'apatride ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, et ce, dans le délai d'un mois maximum ;
4°) de mettre à la charge de l'OFPRA le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de ce conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- il démontre l'impossibilité de se revendiquer tant de la nationalité nigériane que de la nationalité libérienne. A ce dernier titre il justifie de difficultés pratiques dans la mesure où ne dispose d'aucun document ; il fait valoir les incohérences et contradictions qui entachent la législation du Libéria en matière d'octroi de la nationalité libérienne ;
- il a effectué des démarches en vue de voir attribuer une nationalité et peut aussi se prévaloir du refus de l'ambassade du Libéria et du Nigéria, saisies par le service de l'immigration britannique en 2012, de reconnaître sa nationalité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2018 l'OFPRA conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides, publiée par le décret n° 60-1066 du 4 octobre 1960 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
Les faits, la procédure
1. M. C...B...a déposé une demande d'asile en tant que ressortissant nigérian et libérien. Cette demande a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 30 septembre 2015, confirmée par une ordonnance de la Cour nationale du droit d'asile. Le 10 mai 2016, M. B... a déposé une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride. Par une décision du 5 décembre 2016, le directeur général de l'Office a rejeté cette demande. M. B...relève appel du jugement en date du 18 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision de rejet.
Sur les conclusions à fins d'annulation
2. Aux termes de l'article R. 721-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité de réfugié ou d'apatride et accorde le bénéfice de la protection subsidiaire. " Et aux termes de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " (...) Le terme apatride désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) " ;
3. Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'Etat de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches.
4. M. B...réitère en appel le récit, déjà fait à l'OFPRA et aux premiers juges, selon lequel il serait né au Libéria le 18 juin 1979, d'une mère née au Libéria de parents libériens, et d'un père libérien qui ne l'aurait jamais reconnu. Il affirme qu'il aurait quitté le Libéria avec sa mère en 1983 pour se rendre en Côte d'Ivoire puis au Ghana et se serait installé, en 1988, au Nigéria, où il aurait résidé jusqu'en 2002, date à laquelle il se serait rendu en Italie avant de rejoindre, en 2010, l'Angleterre où il aurait été, en 2012, placé en rétention puis renvoyé vers l'Italie.
5. M. B...soutient que l'ensemble de ces circonstances l'empêchent de procéder utilement aux démarches nécessaires auprès des autorités des pays susceptibles de le reconnaître comme un de ses ressortissants. Selon ses déclarations, il lui serait impossible de revendiquer la nationalité nigériane dès lors qu'il n'est ni né au Nigéria, ni issu de parents nigérians et n'a pas vécu au moins quinze années dans ce pays et il ne pourrait davantage revendiquer la nationalité libérienne dès lors que sa naissance n'y a jamais été déclarée et qu'il ne dispose d'aucun acte de naissance pour lui-même ou ses parents non plus que de documents justifiant la nationalité de ses grands-parents.
6. A supposer avéré le récit de M.B..., qui n'est corroboré par aucune pièce écrite et que l'OFPRA a estimé à plusieurs reprises peu convaincant, il demeure que le requérant ne justifie ni de demandes concernant sa nationalité auprès des autorités libériennes ou nigérianes, ni même, s'agissant de ces dernières, de démarches effectuées dans le but de suppléer aux lacunes de son état civil, lesquelles conditionnent le succès d'une éventuelle demande. Par ailleurs les refus de le reconnaître comme un de leurs ressortissants que les autorités nigérianes ou libériennes auraient opposés en 2012 au service de l'immigration britannique ne peuvent être tenus pour établis à défaut du moindre début de démonstration en ce sens.
7. De plus, M. B...ne justifie pas, en excipant de l'incohérence et du caractère discriminatoire du droit de la nationalité au Libéria, de ce que la réglementation de cet Etat dans ce domaine ferait par elle-même obstacle à une revendication de sa part de la nationalité libérienne.
8. En conséquence M.B..., qui n'établit pas entrer dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954, n'est pas fondé à soutenir que la décision du 5 décembre 2016 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de lui reconnaître le statut d'apatride serait entachée d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFPRA, qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande M. B...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré après l'audience du 16 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 décembre 2018.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03377