Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 18NT01303 le 27 mars 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er mars 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rennes.
Il fait valoir que :
- le magistrat délégué du tribunal administratif de Rennes a, non seulement, commis une erreur de fait quant aux circonstances du séjour en Italie de M. A...et considéré à tort qu'il n'avait pas contesté les allégations de l'intéressé, ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il a conclu aux défaillances systémiques de l'Italie dans ses conditions d'accueil et de traitement des demandes d'asile, mais également une irrégularité en ce qu'il se contredit sur la situation des demandeurs d'asile en Italie ;
- dans le cadre de l'effet dévolutif, les moyens de défense developpés en première instance sont repris.
Par un courrier, enregistré le 16 novembre 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a informé la cour de ce qu'il entendait maintenir ses conclusions, estimant infondées au vu des motifs d'annulation de la décision objet de l'instance en cause, les sommes auxquelles il a été condamné dans le cadre de l'application combinée des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
II. Par une requête, enregistrée le 27 mars 2018, sous le n° 18NT01304, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Rennes du 1er mars 2018.
Il fait valoir que :
- l'exécution du jugement attaqué entrainera des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens soulevés dans le cadre de sa requête enregistrée sous le n° 18NT01303 sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de première instance.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité guinéenne, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er octobre 2017. Il a sollicité l'asile auprès de la préfecture d'Ille-et-Vilaine le 13 novembre suivant. La consultation du fichier " Eurodac ", faite sur la base de son relevé d'empreintes digitales, a révélé que celles-ci avaient été enregistrées en Italie à deux reprises les 8 octobre et 17 novembre 2016, rendant cet Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile en application des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont été saisies, le 24 novembre 2017, d'une demande de prise en charge de l'intéressé sur le fondement des dispositions du b) du paragraphe 1 de l'article 18 de ce règlement. Ces autorités ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 9 décembre 2017, en application de du point 2 de l'article 25 du même règlement. Par un arrêté du 21 février 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé que M. A... ferait l'objet d'un transfert aux autorités italiennes. Par sa présente requête, le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel et demande le sursis à exécution du jugement du 1er mars 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision et lui a enjoint de d'autoriser M. A...à solliciter l'asile en France et de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile dans le délai de trois jours francs à compter de la notification du jugement.
2. Ces requêtes sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour se prononcer par un seul arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a annulé l'arrêté de transfert :
3. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
4. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
5. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet d'Ille-et-Vilaine pour procéder à l'exécution de sa décision de transférer M. A...vers l'Italie a été interrompu par la saisine du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes. Ce délai a recommencé à courir à compter du jugement du 1er mars 2018 rendu par ce dernier et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai ait fait l'objet d'une prolongation. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressé sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n°604-2013 rappelées. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation du jugement du 1er mars 2018 en tant qu'il a annulé l'arrêté de transfert du 21 février 2018.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement :
6. La cour statuant au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé l'arrêté de transfert du 21 février 2018, les conclusions de la requête n°18NT01304 par lesquelles le préfet d'Ille-et-Vilaine a sollicité qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué, sont également dénuées d'objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fins d'annulation du jugement en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais engagés pour l'instance :
7. Par l'article 4 du jugement attaqué le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement des articles 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative une somme de 1 000 euros.
8. Dans les circonstances de l'espèce et dès lors que le premier juge n'a pas fait une appréciation manifestement exagérée des frais liés au litige, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à demander l'annulation de cette disposition du jugement attaqué.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18NT01303 du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant à l'annulation du jugement du 1er mars 2018 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé l'arrêté de transfert de M. A...du 21 février 2018, ni sur les conclusions de la requête n° 18NT01304 du préfet d'Ille-et-Vilaine tendant au sursis à exécution du jugement du 1er mars 2018.
Article 2 : Le surplus des conclusions du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.
Le rapporteur,
F. PONS Le président,
J. FRANCFORT
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 18NT001303 et 18NT01304