I, par une requête enregistrée sous le n° 18NT01174, le 15 mars 2018, M. F..., représenté par MeE..., demande à la cour :
1°) de désigner un interprète en langue kosovare ou albanaise maîtrisant le dialecte " gegë " du nord de l'Albanie ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 février 2018 ;
3°) d'annuler les arrêtés du 12 février 2018 ;
4°) de lui permettre de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la preuve de l'accord explicite de l'Allemagne à leur reprise en charge n'est pas claire et ce document n'est pas signé ;
- la décision portant remise aux autorités allemandes est entachée d'illégalité dès lors qu'elle ne tient pas compte de son état sa santé physique et mental et de celui de son épouse résultant des conditions de leur fuite du Kosovo ;
- la décision portant assignation à résidence et obligation de se présenter deux fois par semaine à la direction zonale de la police aux frontières est illégale dans la mesure où elle les contraint à effectuer un trajet en bus de cinquante minutes avec un enfant en bas âge et des moyens financiers très limités.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.
II, par une requête enregistrée sous le n° 18NT01175, le 15 mars 2018, Mme F..., représentée par MeE..., demande à la cour :
1°) de désigner un interprète en langue kosovare ou albanaise maîtrisant le dialecte " gegë " du nord de l'Albanie ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 15 février 2018 ;
3°) d'annuler les arrêtés du 12 février 2018 ;
4°) de lui permettre de saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient les mêmes moyens que son mari dans l'instance 18NT01174.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.
Vu les autres pièces des dossiers et notamment le courrier du 20 septembre 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine indique que le délai de transfert des intéressés a été prolongé jusqu'au 12 juin 2019.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par deux requêtes distinctes, M. et MmeF..., ressortissants kosovars, relèvent appel du jugement du 15 février 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 12 février 2018 par lesquels le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé leur remise aux autorités allemandes, responsables de l'examen de leurs demandes d'asile, ainsi que des arrêtés du même jour les assignant à résidence. Ces deux requêtes présentant des questions identiques à juger et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.
Sur la désignation d'un interprète :
2. Aux termes de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. (...) L'étranger peut demander au président du tribunal ou au magistrat désigné par lui le concours d'un interprète. ".
3. Aucune disposition n'oblige le juge administratif à désigner un interprète en dehors de la procédure introduite devant le tribunal administratif. Les conclusions présentées devant la cour par M. et Mme F...tendant à la désignation d'un interprète en langue kosovare ou albanaise maîtrisant le dialecte " gegë " du nord de l'Albanie, ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne les arrêtés de remise aux autorités allemandes :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".
5. Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication Dublinet permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.
6. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a produit en première instance le document daté du 12 décembre 2017 par lequel les autorités allemandes ont fait connaître leur acceptation explicite de la reprise en charge de M. et MmeF.... Ce document, qui a été transmis aux services de la préfecture par un courrier électronique via Dublinet, qui comporte le nom de l'autorité qui a pris cette décision même s'il n'est pas revêtu de sa signature, suffit à établir la réalité de la décision des autorités allemandes. Par suite, les requérants, qui n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations, ne sont pas fondés à remettre en cause l'existence de l'accord donné par ces autorités.
7. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604-2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) / 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue pas un droit pour les demandeurs d'asile.
8. M. et Mme F...soutiennent que leur père et beau-père a été torturé après avoir été accusé à tort par le service militaire de l'UCK d'avoir collaboré avec les Serbes et qu'en voulant rechercher l'auteur de ces faits, ils ont eux-mêmes été victimes d'intimidations avant de fuir le Kosovo le 9 mai 2017. Les documents qu'ils produisent et notamment des photos, des témoignages et un jugement du tribunal de grande instance de Gjilan du 16 janvier 2016 condamnant M. A...B...pour des faits de harcèlement commis le 25 septembre 2015 à l'encontre de Mme F...ne permettent toutefois pas de connaître la motivation de son agresseur et donc d'établir la réalité des faits allégués par les requérants. Par ailleurs, le compte-rendu psychologique du 10 janvier 2017 établi au centre hospitalier universitaire de Gjilan indiquant que Mme F...présente des symptômes et des signes chroniques d'une angoisse désordonnée et qu'elle suit des séances de psychothérapie cognitive et comportementale ne suffisent pas établir que l'intéressée ne pourrait bénéficier des mêmes soins en Allemagne et que leurs demandes d'asile ne pourraient être correctement traitées dans ce pays. Par suite, les requérants, qui n'établissent pas avoir d'attaches familiales en France, ne sont pas fondés à soutenir qu'en refusant de mettre en oeuvre la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne les décisions d'assignation à résidence :
9. Les décisions portant assignation à résidence de M. et MmeF..., les obligent à se présenter deux fois par semaine à la direction zonale de la police aux frontières. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que ces mesures présenteraient un caractère disproportionné au regard des buts en vue desquels elles ont été prises en dépit de la circonstance qu'elles contraignent les intéressés à effectuer un trajet en bus de cinquante minutes avec un enfant en bas âge et des moyens financiers très limités.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes.
Sur le surplus des conclusions :
11. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. et Mme F...et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de leurs conclusions principales.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes nos 18NT01174 et 18NT01175 présentées par M. et Mme F... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...F..., à Mme D... G...épouse F...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 juin 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR La greffière,
E. HAUBOIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 18NT01174, 18NT01175