Par un jugement n° 1703123, 1711097 du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 10 février 2017 de la ministre chargée du travail refusant le licenciement pour motif économique de Mme A..., a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre chargée du travail de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de l'intéressée et a rejeté le surplus des conclusions des deux demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 janvier 2019 et 10 janvier 2020, Mme A..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 31 décembre 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 25 octobre 2017 ;
3°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Nantes par la société Castelbriantaise tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2017 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la légalité de la décision du 25 octobre 2017 autorisant son licenciement pour inaptitude physique :
- le tribunal administratif a omis de répondre à plusieurs irrégularités de procédure qu'elle avait soulevées ;
- l'inspecteur du travail n'a pas assuré un contrôle de la régularité de la procédure suivie et notamment des recherches de reclassement de la société ;
- le libellé de l'avis émis le 18 juillet 2017 par le médecin du travail ne répond pas aux exigences des articles L. 1226-2-1 et R. 4624-42 du code du travail ;
- certains documents fournis à l'inspecteur du travail ne lui ont pas été communiqués ;
- les délégués du personnel n'ont pas disposé d'une information suffisante pour se prononcer sur la loyauté de la recherche de reclassement ;
- le procès-verbal soumis à l'examen de l'inspecteur du travail est privé de toute validité dès lors qu'il est signé par un seul des quatre délégués du personnel et est signé par une déléguée du personnel suppléante ; cet avis est contraire aux dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail dès lors qu'il est daté du 22 août 2017 et que des postes de reclassement lui ont été proposés le 21 août 2017 dans l'après-midi ;
- la note de présentation communiquée aux membres du comité d'entreprise était insuffisante ;
- contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article L. 1226-2-1 du code du travail, la société ne lui a jamais notifié, avant l'engagement de la procédure de licenciement, les motifs qui s'opposaient à son reclassement ;
- son licenciement présente un lien avec son mandat syndical ;
- la dégradation de son état de santé du fait de son employeur fait obstacle à son licenciement ;
S'agissant de l'annulation de la décision du 10 février 2017 refusant d'autoriser son licenciement pour motif économique :
- la société était tardive à contester cette décision le 25 juillet 2017 ; elle n'a jamais justifié de l'envoi de ses courriers ;
- cette décision a été signée par une autorité compétente ;
- cette décision était justifiée dès lors que la société ne lui a pas proposé l'ensemble des postes disponibles dans le cadre de la procédure de recherche de reclassement ;
Par des mémoires, enregistrés les 11 décembre 2019 et 24 janvier 2020, la société Castelbriantaise de plastiques, exploitant sous l'enseigne Castelbriantaise, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par un mémoire, enregistré le 13 janvier 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle soutient s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la décision du 10 février 2017 et s'associe aux écritures de la société Castelbriantaise en ce que concerne la décision du 25 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de Me Lijour, avocat de Mme A...,
- et les observations de Me B..., avocat de la société Castelbriantaise.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a été recrutée le 21 mars 1987 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée par la société Castelbriantaise de plastiques, spécialisée notamment dans la fabrication de sacs plastiques pour les commerces de proximité commercialisés sous l'enseigne Promoplast. Elle occupait les fonctions d'ouvrière au sein de l'atelier repiquage-façonnage lequel était chargé du découpage des sacs au format souhaité et employait 15 personnes. Elle était membre suppléante de la délégation unique du personnel (DUP). En janvier 2016, à la suite des mesures gouvernementales tendant à la suppression des sacs plastiques à usage unique destinés à l'emballage des marchandises, la société a engagé une réorganisation de son activité afin de se consacrer à l'impression de papiers alimentaires. Cette restructuration a conduit à la suppression de neuf postes, dont celui de Mme A.... Après l'avoir convoquée à un entretien préalable, la société Castelbriantaise de plastiques a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de procéder à son licenciement pour motif économique. Aucune décision n'est intervenue dans un délai de deux mois de sorte qu'une décision implicite de rejet est née le 1er juin 2016. Par une décision du 10 février 2017, la ministre du travail a rejeté le recours hiérarchique présenté par la société au motif qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement. Cette société a alors saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande, enregistrée sous le n° 1703123, tendant à l'annulation de cette décision confirmant le refus implicite de l'inspecteur du travail. Après des recherches de reclassement infructueuses en relation avec le médecin du travail notamment, la société Castelbriantaise de plastiques a saisi l'inspecteur du travail d'une demande de licenciement de Mme A... pour inaptitude physique, laquelle a été accordée par une décision du 25 octobre 2017. L'intéressée a, quant à elle, également contesté cette dernière décision devant le tribunal administratif de Nantes par une demande enregistrée sous le n° 17311097. Par un jugement commun du 31 décembre 2018, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du 10 février 2017 de la ministre du travail refusant le licenciement pour motif économique de Mme A..., a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la ministre du travail de réexaminer la demande d'autorisation de licenciement pour motif économique de l'intéressée et a rejeté le surplus des conclusions la demande de la société ainsi que la demande présentée par Mme A.... Celle-ci relève appel de ce jugement dans son intégralité.
Sur les conclusions relatives à la décision du 25 octobre 2017 autorisant le licenciement pour inaptitude physique de Mme A... :
2. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale.
3. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. En revanche, dans l'exercice de ce contrôle, il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de cette inaptitude.
4. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué au point 2, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale.
5. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
6. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges ont répondu aux moyens de légalité externe soulevés par Mme A... aux points 7 à 10. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier à raison de ce motif.
En ce qui concerne la régularité de la procédure menée par la société :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1226-2-1 du code du travail : " (...)L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (...) ". Aux termes de l'article R. 4624-42 du même code : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que : 1° S'il a réalisé au moins un examen médical de l'intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d'aménagement, d'adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ; 2° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ; 3° S'il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l'établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d'entreprise a été actualisée ; 4° S'il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l'employeur. (...) Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. ". Il ressort des pièces du dossier que dans son avis du 18 juillet 2017, le médecin du travail a estimé que Mme A... présentait une " inaptitude à tous postes dans l'entreprise ainsi que dans le groupe " ajoutant que " L'état de santé [de l'intéressée] ne permet pas de faire des propositions de reclassement. ". Ainsi qu'il le confirme dans son avis du 25 juillet 2017, il n'a pas considéré qu'elle était inapte à tout emploi. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'avis du médecin du travail serait irrégulier en ce que ce médecin ne se serait pas prononcé conformément aux obligations découlant pour lui des dispositions précitées de l'article R. 4624 -42 du code du travail
8. En deuxième lieu, si Mme A... soutient que certains documents fournis par la société à l'inspecteur du travail ne lui ont pas été communiqués, elle n'assortit pas ce moyen de précisions suffisantes afin de permettre au juge d'y répondre. Par suite, il ne peut qu'être écarté.
9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que les délégués du personnel de la société Castelbriantaise de plastiques ont été consultés le 21 août 2017. Dans sa décision du 25 octobre 2017, l'inspecteur du travail a estimé que l'employeur leur avait fourni, préalablement à cette réunion, les informations nécessaires à leur consultation sur l'emploi précédemment occupé par Mme A..., son inaptitude physique constatée par le médecin du travail et les postes de reclassement correspondant à ses compétences et ses aptitudes tant professionnelles que médicales. La société soutient, ce qu'aucun élément versé aux débats ne permet de remettre en cause, que le questionnaire de reclassement complété par Mme A... leur a été remis. Par suite, et alors même que les délégués du personnel n'auraient pas disposé du registre des entrées et sorties du personnel ou de " la fiche entreprise actualisée ", ils ont ainsi pu se prononcer en toute connaissance de cause sur le projet de son licenciement et la loyauté des recherches de reclassement entreprises par son employeur. Le moyen tiré du défaut d'information suffisante des délégués du personnel ne peut ainsi qu'être écarté.
10. En quatrième lieu, le procès-verbal de la réunion du 21 août 2017 indique que quatre délégués du personnel étaient présents lors de cette séance. La circonstance que ce procès-verbal a été signé le 22 août 2017 " pour les délégués du personnel " par la suppléante du secrétaire de la délégation unique du personnel en l'absence du titulaire reste sans incidence sur la régularité de cette consultation. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque le salarié (...) est déclaré inapte par le médecin du travail (...) l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe (...)/ Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel lorsqu'ils existent, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise (...) ". Il ressort tant des mentions du procès-verbal de la réunion du 21 août 2017, que de la lettre adressée par la société à Mme A... le 22 août 2017 et de la note de présentation jointe à la convocation des membres du comité d'entreprise, que cette séance s'est tenue le matin et que l'intéressée a été consultée dans l'après-midi du 21 août 2017 sur les postes de reclassement auxquels elle pouvait prétendre. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que l'avis des délégués du personnel serait irrégulier et que les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail auraient été méconnues.
11. En cinquième lieu, la société Castelbriantaise de plastiques a produit la convocation adressée aux membres du comité d'entreprise pour la séance du 31 août 2017 avec en annexe une note de présentation retraçant la carrière de Mme A..., ses mandats et le motif de son licenciement " pour inaptitude et impossibilité de reclassement ". Le procès-verbal de cette réunion indique que l'intéressée a demandé qu'un courrier soit lu en son absence, ce qui a été fait. Le procès-verbal mentionne que le vote a eu lieu après " débat et discussion ". L'inspecteur du travail a estimé que le comité avait disposé des éléments d'information précis et écrits lui permettant de se prononcer en toute connaissance de cause. Par suite, et alors que le comité s'est prononcé à l'unanimité en faveur d'une abstention, la requérante n'est pas fondée à soutenir que cet avis aurait été rendu irrégulièrement.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 1226-2-1 du code du travail : " Lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement (...) ". Cette formalité doit être accomplie avant l'entretien préalable à son licenciement, afin que le salarié concerné puisse présenter utilement ses observations lors de cet entretien. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 22 août 2017, Mme A... a été invitée à participer à son entretien préalable de licenciement. Dans ce même courrier, il lui a été indiqué notamment qu'eu égard aux restrictions du médecin du travail il était impossible de trouver un poste de reclassement et qu'en conséquence la rupture de son contrat de travail était envisagée. Les dispositions précitées de l'article L. 1226-2-1 du code du travail n'ont ainsi, contrairement à ce que soutient Mme A... pas été méconnues.
En ce qui concerne la mission de l'inspecteur du travail :
13. Il ressort tant de ce qui vient d'être dit aux points 7 à 12 que des pièces du dossier, et notamment de la teneur de la décision contestée, que contrairement à ce que soutient la requérante, l'inspecteur du travail a suivi et vérifié régulièrement tant la procédure engagée par la société Castelbriantaise de plastiques que la réalité des recherches de reclassement qu'elle a effectuées au profit de Mme A.... Par suite, le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail n'aurait pas pleinement assuré sa mission de contrôle ne peut qu'être écarté.
En ce qui concerne le lien entre la décision contestée et les mandats de Mme A... au sein de la société Castelbriantaise de plastiques :
14. En premier lieu, Mme A... reproche à la société Castelbriantaise de plastiques d'avoir affiché dans ses locaux une note datée du 16 février 2017 portant refus d'autorisation de licenciement des salariées protégées. La société indique qu'elle a entendu répondre aux interrogations qui lui étaient parvenues à ce sujet. Dans ce document il est précisé que la ministre du travail a confirmé la réalité du motif économique et la suppression de neuf postes dans l'entreprise mais qu'elle a estimé que celle-ci n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement en ne proposant pas à Mmes A... et D... les postes de conducteurs de ligne. La société a pris acte de cette analyse et indiqué alors qu'à compter du 20 février ces deux salariées, après plus de dix mois de dispense d'activité, seront réintégrées aux postes de conducteur de ligne façonnage. Compte tenu de sa teneur et de son objectif, la requérante n'établit pas le caractère vexatoire de cette note. Si Mme A... soutient ensuite qu'il ne lui a pas été proposé de réintégrer son ancien poste, elle ne conteste pas le fait qu'il devait être supprimé dans la cadre de la réorganisation de la société. Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle soutient, le 15 février 2017 le médecin du travail a émis un avis sur le poste de conducteur de ligne en cause en estimant qu'elle était apte à l'exercice de ces fonctions. De même, la circonstance, qu'un poste d'agent d'entretien lui a été proposé ne suffit pas à établir une quelconque volonté de " la rabaisser " dès lors qu'il n'est pas établi qu'il ne correspondait ni à son grade, ni à ses compétences professionnelles en dépit de son ancienneté. En outre, si Mme A... reproche à la société de ne pas avoir engagé une nouvelle procédure de licenciement pour motif économique à son encontre à la suite de la décision de la ministre du travail du 10 février 2017 estimant que si le motif économique était réel elle n'avait pas respecté son obligation de reclassement, il est constant qu'elle ne pouvait ignorer l'avis émis le 18 juillet 2017 par le médecin du travail. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a refusé les propositions de réintégration qui lui ont été faites et que son contrat de travail a été suspendu pour cause de maladie sans que le lien entre cet arrêt de travail et ses fonctions ne soit établi. De même, la requérante ne démontre pas que la société Castelbriantaise de plastiques, qui l'a maintenue en dispense d'activité rémunérée pendant plus de dix mois, aurait refusé de lui payer des heures de délégation ne correspondant pas au temps passé en réunion mensuelle. Enfin, Mme A... ne conteste pas le fait que la société a reconnu dès le 4 septembre 2017, son erreur quant à la reprise du paiement de son salaire à l'issue du délai d'un mois suivant son inaptitude définitive et a donné un ordre de virement à son profit. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le lien entre la décision contestée et les mandats exercés par Mme A... au sein de la société Castelbriantaise de plastiques n'est pas établi et le moyen soulevé par l'intéressée ne pourra qu'être écarté.
15. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 14, que la seule circonstance que la société Castelbriantaise de plastiques ait initialement envisagé le licenciement pour motif économique de Mme A..., puis a sollicité dans un second temps son licenciement pour inaptitude physique ne suffit pas à établir que la dégradation de son état de santé trouverait son origine dans ses relations de travail. Par suite, l'intéressée n'est pas fondée à invoquer ce moyen.
16. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 25 octobre 2017 autorisant son licenciement pour inaptitude physique.
Sur les conclusions relatives à la décision du 10 février 2017 refusant d'autoriser le licenciement pour motif économique de Mme A... :
En ce qui concerne la tardiveté de la saisine du tribunal administratif par la société Castelbriantaise de plastiques :
17. Aux termes de l'article R. 2422-1 du code du travail : " Le ministre chargé du travail peut annuler ou réformer la décision de l'inspecteur du travail sur le recours de l'employeur, du salarié ou du syndicat que ce salarié représente ou auquel il a donné mandat à cet effet. Ce recours est introduit dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'inspecteur. Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur ce recours vaut décision de rejet. ".
18. Il ressort des pièces du dossier que le 21 mars 2016 la société Castelbriantaise de plastiques a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement de Mme A... pour motif économique. Dans son courrier du 1er avril 2016, corrigé par un courriel du 19 mai 2016, l'inspecteur du travail lui a indiqué qu'il disposait d'un délai de deux mois à compter du 31 mars 2016, date de la réception de cette demande, pour statuer et qu'à défaut de décision expresse à la date du 1er juin 2016, sa demande serait réputée avoir été rejetée. Il a ajouté que la société pouvait contester cette décision devant la ministre du travail ou le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision de rejet serait née. Une décision implicite de rejet est intervenue le 1er juin 2016. La société a produit son recours hiérarchique présenté devant la ministre du travail le 22 juillet 2016. Par un courrier du 8 août 2016, reçu par la société Castelbriantaise de plastiques le 22 août 2016, la ministre du travail indique que cette lettre a été reçue " le 25 août 2016 ", qu'elle dispose de quatre mois à compter de sa réception pour statuer, que le silence gardé à l'expiration de ce délai vaut décision de rejet implicite de la demande et ajoute " au 26 novembre 2016, à défaut de décision expresse, votre demande sera donc réputée avoir été rejetée ". Elle précise également que sa décision pourra être contestée devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter soit de la date à laquelle la décision implicite de rejet est née, soit de la date à laquelle la décision expresse a été notifiée. Il résulte de ces éléments, que le recours hiérarchique de la société Castelbriantaise de plastiques doit être regardé comme ayant été reçu le 26 juillet 2016 et non le 26 août 2016. Il a donc été régulièrement introduit dans le délai de deux mois. Enfin, si une décision implicite de rejet est née le 26 novembre 2016, il est constant que par une décision expresse du 10 février 2017 la ministre du travail a confirmé sa décision implicite de rejet. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la demande de la société tendant à l'annulation de cette décision, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nantes le 9 avril 2017, était tardive.
En ce qui concerne le respect de l'obligation de reclassement par la société :
19. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (...) Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure (...) ". Pour apprécier si l'employeur a satisfait à cette obligation, l'autorité administrative doit s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, qu'il a procédé à une recherche sérieuse des possibilités de reclassement du salarié, tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises du groupe auquel elle appartient, ce dernier étant entendu comme les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel.
20. Mme A... soutient tout d'abord qu'elle était compétente pour occuper un poste de conducteur de ligne puisqu'elle réglait seule sa machine. Elle se prévaut du jugement du conseil de Prud'hommes de Nantes du 14 juin 2017 concernant une ouvrière de l'atelier façonnage de la même société, dans lequel il a été jugé que l'entreprise n'avait pas fourni la preuve de l'incompétence de cette salariée pour exercer cette fonction de conducteur de ligne qui ne lui avait pas été proposée et qu'en conséquence, l'entreprise n'avait pas respecté ses obligations en matière de reclassement et d'adaptation à l'emploi. La société produit les fiches de postes de conducteurs de ligne et d'ouvrières N1 de l'atelier façonnage, correspondant aux fonctions et grade de Mme A... à la date de la décision contestée. Il ressort de la comparaison de ces deux documents, que les conducteurs de ligne sont à la différence des ouvrières directement sous les ordres du responsable de l'atelier. Ils sont chargés de régler, conduire et approvisionner les différentes machines alors que les ouvrières doivent seulement conduire les différentes machines. Les conducteurs de ligne doivent en outre alimenter la machine en bobines en vérifiant la conformité de la commande, régler la machine en fonction des dimensions du sac à fabriquer, vérifier la conformité du produit, contrôler régulièrement la qualité des produits qui sortent de la machine, assurer la maintenance de premier niveau et enregistrer les données de production dans le système informatique alors que les ouvrières exécutent les opérations de soudure, contrôlent le travail réalisé, assurent le réglage de premier niveau (modifications légères des longueurs). Enfin, les conducteurs de ligne doivent faire remonter les problèmes au responsable de l'atelier de façonnage, avoir un esprit d'initiative et faire preuve de rigueur. Ils doivent veiller au respect de la planification des " OF " sur les machines et des vitesses de production, exigences non requises pour les ouvrières. Il ressort également de ces documents que les conducteurs de ligne s'occupent de toutes les machines de l'atelier alors que les ouvrières n'utilisent chacune que certaines d'entre elles. Si leur formation exigée est identique en théorie, les conducteurs doivent savoir réaliser des réglages en complète autonomie alors que les ouvrières n'ont en charge que les réglages de premier niveau. Les conducteurs doivent en outre posséder des notions d'impression, savoir analyser et synthétiser des informations techniques pour adapter les machines au produit. Il s'ensuit que les ouvrières assurent un travail d'exécution différent de celui des conducteurs de ligne, qui requiert une plus grande technicité et davantage de responsabilité. Contrairement à ce que soutient la requérante les intérimaires recrutés par la société Castelbriantaise de plastiques justifiaient soit d'une formation technique particulière soit d'une expérience professionnelle en qualité de conducteur de ligne qu'elle ne possédait pas. Enfin, Mme A... n'établit pas que des ouvriers occupant précédemment les mêmes fonctions qu'elle auraient été reclassés en tant que conducteurs de ligne alors que la société indique que ces postes ont été proposés aux deux régleurs dont les postes avaient été supprimés. Dans ces conditions, le tribunal administratif a pu estimer, à bon droit, qu'en reprochant à la société Castelbriantaise de plastiques de ne pas avoir proposé les postes de conducteurs de ligne à Mme A..., la ministre du travail avait entaché sa décision d'illégalité.
21. Il résulte de ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la ministre du travail du 10 février 2017.
Sur les frais liés au litige :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Castelbriantaise de plastiques, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à Mme A... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... le versement à la société Castelbriantaise de plastiques de la somme qu'elle sollicite au titre des mêmes frais.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Castelbriantaise de plastiques tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., à la société Castelbriantaise de plastiques et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 25 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme C..., premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
O. COIFFET
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT00342