Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2019, la CCPH, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 6 décembre 2018 ;
2°) de rejeter la demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- la minute du jugement contesté ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier ;
Sur le bien-fondé du jugement :
- le tribunal a commis une erreur d'appréciation, Mme C... ne démontre ni l'existence d'un accident, ni la preuve du lien de causalité entre un accident et l'exécution du service ;
- la déclaration d'accident de service a été faite tardivement, plus de six mois après l'intervention du prétendu accident, et cette demande figure parmi une dizaine de demandes énoncées dans son courrier en date du 16 mars 2015 ;
- il n'existe aucune preuve que l'état de santé de Mme C... soit en lien direct avec le service.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 aout 2019, Mme C... conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la CCPH pour faute du fait de l'illégalité de la décision contestée, et à ce que soit mis à la charge de la CCPH la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par la CCPH ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- et les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
1. Mme C..., agent de la fonction publique territoriale titulaire du grade d'éducateur principal de jeunes enfants depuis le 13 juin 2013, a été nommée chef du service " enfance et jeunesse " de la communauté de communes du Pays de Hanau (CCPH) en 2008. Elle a bénéficié d'un congé de longue maladie du 12 mai 2011 au 13 janvier 2013, à l'issue duquel elle a repris ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique puis à temps complet à compter du 14 janvier 2014. Lors de la reprise de ses fonctions à temps complet, Mme C... s'est également vu confier la direction d'une structure de " multi-accueil " de jeunes enfants, baptisée " La souris verte ", ayant ouvert ses portes à Ingwiller, l'une des communes membres de la CCPH. L'intéressée a alors a bénéficié d'un premier congé de maladie de quinze jours à compter du 27 juin 2014 pour " anxiété majeure ", prolongé jusqu'au 22 juillet 2014. Par une décision du 15 juillet 2014, le président de la CCPH a modifié l'affectation de Mme C..., qui s'est vu retirer ses fonctions de directrice de " La souris verte " et a été affectée sur un poste de " coordinatrice enfance jeunesse ". Par une décision du 16 juillet 2014, le président de la CCPH lui a retiré le bénéfice de sa nouvelle bonification indiciaire. A compter du 27 septembre 2014 et jusqu'au 26 décembre 2015, Mme C... a été placée en congé de longue maladie. Elle a par la suite été mutée au sein de la communauté de communes du pays de La Roche aux Fées en Bretagne à compter du 1er janvier 2016. Par un courrier du 16 mars 2015, Mme C... a demandé que soit reconnue l'imputabilité au service d'un accident survenu le 27 septembre 2014 ayant justifié l'octroi d'un congé de longue maladie du 27 septembre 2014 au 26 décembre 2015 évoqué ci-dessus. Par un arrêté du 16 février 2016, le président de la communauté de communes du Pays de Hanau, devenue depuis la communauté de communes de Hanau-La Petite Pierre, a refusé de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de l'intéressée à compter du 27 septembre 2014. La communauté de communes de Hanau-La Petite Pierre relève appel du jugement du 6 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 16 février 2016 et a enjoint au président de cette communauté de communes de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail de Mme C... du 27 septembre 2014 au 26 décembre 2015.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement contesté comporte les signatures prévues par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Par suite, la Communauté de communes du Pays de Hanau n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne l'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée :
3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
5. En l'espèce, la communauté de communes du Pays de Hanau a saisi la commission de réforme le 7 mai 2015 en vue de se prononcer sur l'imputabilité au service d'un accident constitué par un " burn-out " qui serait survenu le 27 septembre 2014. La commission de réforme a rendu le 29 janvier 2016 un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident de service du 27 septembre 2014. A la suite de cet avis, pour rejeter la demande de Mme C..., qui tendait en réalité à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie ayant justifié l'octroi d'un congé de longue maladie du 27 septembre 2014 au 26 décembre 2015, le président de la CCPH a estimé : " qu'il ressortait des différents éléments médicaux relatifs à la situation de Mme C... que ses arrêts de travail postérieurs au 27 septembre 2014 ne résultaient pas d'un accident qui serait imputable au service en l'absence de l'existence de la pathologie invoquée par l'agent et du caractère non avéré des conditions d'exercice de son service telles que dénoncées ".
6. En premier lieu, si le docteur Brunner, qui a examiné Mme C... plus d'un an après le début de son congé de longue durée, le 25 novembre 2015, conclut dans son expertise sur laquelle s'est fondée l'administration, à l'absence de pathologie invoquée, il est constant que tous les autres médecins ayant examiné l'intéressée n'ont jamais mis en doute la réalité de la dépression alléguée. Ainsi, le certificat du 30 octobre 2014 du docteur Michel, médecin généraliste de Mme C..., fait état d'une angoisse majeure, de troubles du sommeil, de pleurs constants, de ruminations constantes sur sa situation professionnelle et d'idées suicidaires. Le certificat du 7 décembre 2014 du docteur Kapfer, psychiatre qui assurait le suivi de Mme C... pendant son congé, mentionne un " état d'angoisse majeure ", des " troubles sévères du sommeil ", " un repli sur soi ", un " état de souffrance aiguë dont la symptologie évoque une dépression sévère ". Le certificat du 5 janvier 2015 du docteur Fonmartin, praticien hospitalier du service de pathologie professionnelle et de médecine du travail du centre hospitalier universitaire de Strasbourg et du professeur Gonzalez, chef de service, fait état de troubles dépressifs majeurs avec angoisses, idées suicidaires, isolement, et rappelle qu'elle est suivie par le docteur Kapfer tous les trois jours compte tenu de la gravité de ses symptômes. Les certificats des 9 février et 2 avril 2015 du docteur Diener, psychiatre agréé qui a examiné l'interessée à la suite de sa demande de congé de longue durée, concluent à une " décompensation majeure sur un mode dépressif, anxieux voire délirant ", et donnent un avis favorable au congé de longue durée. Enfin, le certificat du docteur Louys, psychiatre agréé ayant examiné Mme C... à la demande de la CCPH, évoque une angoisse, un état de stress post-traumatique et un " état dépressif réactionnel ". Dans ces conditions, et contrairement à ce que soutient de nouveau en appel la communauté de communes du Pays de Hanau, la réalité des troubles psychiques de Mme C... doit être regardée comme établie.
7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que les conditions de travail de Mme C... au sein de la structure de " multi-accueil " se sont rapidement dégradées après qu'elle en a pris la direction en janvier 2014, dans un contexte de surcharge de travail et de climat conflictuel. L'intéressée a fait l'objet d'accusations de harcèlement moral de la part de l'un des agents de la structure de " multi-accueil " au mois de juin 2014, ayant conduit le président de la CCPH à diligenter une enquête interne et à procéder à la mutation d'office de Mme C... en lui retirant ses fonctions de directrice de la micro-crèche et de chef du service enfance et jeunesse. Il n'est pas contesté que ces accusations ont, par la suite, fait l'objet d'un classement sans suite par le procureur de la République et n'ont donné lieu à aucune procédure disciplinaire. Elles n'ont pas été confortées par l'audit interne qui, s'il a conclu à l'existence d'une situation conflictuelle généralisée au sein de la structure multi-accueil et de pratiques managériales prenant insuffisamment en compte les aspects psychologiques des agents, n'a pas relevé de faits de nature à caractériser un harcèlement moral. Il ressort également des pièces du dossier que le premier arrêt de travail de l'intéressée du 27 juin 2014 au 27 juillet pour " anxiété majeure " fait suite aux accusations portées contre elle le 18 juin 2014 et dont elle a eu connaissance le 27 juin 2014 lors d'une entrevue avec le président de la communauté de communes. Le congé de longue maladie a débuté deux jours après l'audition de Mme C... par les agents du centre de gestion de la fonction publique en charge de l'enquête interne, au cours de laquelle ont été évoquées les accusations portées à son encontre. En outre, l'ensemble des certificats produits établissent un lien entre la dépression de Mme C... et l'exercice de ses fonctions professionnelles, sans mentionner d'autres causes potentielles. Ainsi, le certificat du docteur Michel du 30 octobre 2014, médecin généraliste traitant de Mme C..., fait état de " ruminations constantes sur cette situation professionnelle " et d'un " isolement professionnel ". Le docteur Kapfer mentionne quant à lui l'existence de " cauchemars professionnels ", de " conduites d'évitement des lieux et des personnes liées de près ou de loin à sa profession " et d'une " incompréhension complète devant sa situation professionnelle ". Le docteur Fonmartin relève une dégradation de la situation de travail de Mme C... à la suite à des accusations de harcèlement moral de la part d'une collaboratrice. La circonstance que la demande d'imputabilité au service de la pathologie de l'intéressée ait été faite tardivement et que cette demande figure parmi d'autres demandes énoncées dans son courrier du 16 mars 2015, reste sans incidence sur l'existence du lien de causalité entre la pathologie de Mme C... et les conditions d'exercice de son activité. Dans ces conditions, la pathologie de l'intéressée doit être regardée comme imputable au service, aucun fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière ne conduisant à détacher cette dernière du service.
En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que la CCPH soit condamnée pour faute :
8. Si Mme C... conclut à la condamnation de la CCPH pour faute du fait de l'illégalité de l'arrêté du 16 février 2016 par lequel le président de la CCPH a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de ses arrêts de travail à compter du 27 septembre 2014, elle n'invoque aucun préjudice. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ces conclusions présentées au demeurant pour la première fois en appel, elles ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il résulte de ce qui précède que La CCPH n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 16 février 2016 par laquelle le vice-président délégué aux ressources humaines de La CCPH a rejeté la demande de Mme C... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie et lui a enjoint de prendre une décision en ce sens.
Sur les frais de procédure :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la CCPH à verser à Mme C... la somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la communauté de communes de Hanau-La Petite Pierre est rejetée.
Article 2 : La communauté de communes de Hanau-La Petite Pierre versera à Mme C... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à communauté de communes de Hanau-La Petite Pierre et à Mme D... C....
Délibéré après l'audience du 27 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président,
- Mme Gélard, premier conseiller.
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 octobre 2020.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
O. COIFFET
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT00560