Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2018, la sociétés Elres, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 juillet 2018 en tant qu'il concerne Mme G... ;
2°) d'annuler la décision de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 29 mars 2016 la concernant ;
3°) d'enjoindre à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social de réexaminer le dossier de Mme G... dans un délai d'un mois ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal administratif a omis de répondre à certains de ses arguments tirés de ce que Mme C..., qui avait refusé d'assister à son propre entretien, était disponible pour assister à celui de Mme G..., de ce que cette dernière n'a jamais sollicité le report de la date de son entretien et de ce que sa faculté d'assistance n'était nullement théorique au regard du nombre de représentants du personnel dont elle pouvait demander l'assistance ;
- la décision de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui ne précise pas la prétendue atteinte à la faculté de se faire assister à un entretien, est insuffisamment motivée ;
- Mme G... n'a pas été privée de la possibilité de se faire assister par une personne de son choix ainsi que le prévoit l'article L. 1232-4 du code du travail ; elle n'a pas souhaité assister à l'entretien, ni sollicité le report de son entretien et sa collègue, Mme C..., a fait savoir qu'elle n'assisterait pas à son propre entretien préalable, de sorte, qu'elle pouvait assister Mme G... ; c'est à l'intéressée qu'il appartenait d'accomplir les diligences nécessaires pour se faire assister par l'un des 277 représentants du personnel ou des 10 000 salariés ; ce n'est, en tout état de cause, pas le courrier du 12 mai 2015, postérieur à l'entretien préalable, qui a restreint la liberté de choix de l'intéressée.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée à Mme G... et à la ministre du travail, pour lesquelles il n'a pas été produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., substituant Me A..., représentant la société Elres.
Considérant ce qui suit :
1. Mme G... a été engagée par la société Générale de Restauration devenue la société Elior Restauration (Elres), spécialisée dans la restauration collective, à compter du 10 novembre 1997, en qualité d'employée technique sur le site Promeo d'Amiens. Elle était membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et représentante du syndicat CGT au comité d'entreprise. Lors de l'examen de ses notes de frais professionnels, concernant la période du 15 février au 14 mars 2015, la société a estimé qu'elles étaient entachées de nombreuses incohérences laissant suspecter des agissements frauduleux. Le 13 avril 2015, l'intéressée a été convoquée à un entretien préalable fixé au 23 avril 2015, auquel elle a refusé de participer. Le 28 mai 2015, les membres du comité d'établissement Elior Restauration nord-ouest, au cours d'une réunion extraordinaire, se prononçaient à la majorité de ses membres contre le licenciement de Mme G... pour faute grave. Le 9 juin 2015, la société a saisi la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'une demande de licenciement de Mme G.... Après avoir diligenté une enquête contradictoire, l'inspecteur du travail a, par une décision du 31 juillet 2015, autorisé le licenciement de cette salariée. Le 7 août 2015, la société notifiait son licenciement pour faute grave à Mme G..., qui, le 29 septembre 2015, a saisi la ministre en charge du travail d'un recours hiérarchique. Par une décision du 29 mars 2016, la ministre a procédé au retrait de sa décision implicite de rejet, à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 31 juillet 2015 et a rejeté la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Elres. Mme G... a été réintégrée dans les effectifs de la société le 18 avril 2016. Le 27 avril 2016, cette dernière a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre du travail. Elle relève appel du jugement du 6 juillet 2018 du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande concernant Mme G....
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. La société Elres soutient que les premiers juges ont omis de répondre à certains de ses arguments tirés de ce que Mme C..., qui avait refusé d'assister à son propre entretien, était disponible pour assister à celui de Mme G..., de ce que cette dernière n'avait jamais sollicité le report de la date de son entretien et de ce que sa faculté d'assistance n'était nullement théorique au regard du nombre de représentants du personnel dont elle pouvait demander l'assistance. Cependant, le tribunal n'étant pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués au soutien d'un moyen, cette omission ne saurait révéler une insuffisance de motivation.
Sur la légalité de la décision du 29 mars 2016 de la ministre du travail :
3. En premier lieu, la décision de la ministre en charge du travail contestée vise les dispositions du code du travail, la décision de l'inspecteur du travail du 31 juillet 2015, en rappelant les faits reprochés à Mme G... ainsi que ses différents mandats au sein de la société Elres. Elle mentionne en outre, les échanges de courriers entre cette salariée et la société Elres se rapportant à l'entretien préalable auquel Mme G... était convoquée. Si la ministre en conclut que " l'employeur a porté à la liberté de choix reconnue par la loi aux salariés convoqués à un entretien préalable une atteinte qui a entaché d'irrégularité la procédure de licenciement ", elle a nécessairement entendu se référer au droit de tout salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise prévu à l'article
L. 1232-4 du code du travail dès lors qu'elle a expressément cité les mentions figurant dans la convocation à l'entretien préalable adressée à Mme G..., reprenant ces dispositions. Par suite, la société Elres n'est pas fondée à soutenir que la décision de la ministre serait insuffisamment motivée.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 1232-4 du code du travail : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. (...). La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que la convocation à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement a été adressée à Mme G... le 13 avril 2015. Elle indique que la salariée a la possibilité, lors de cet entretien, de se faire assister par une personne de son choix appartenant obligatoirement au personnel de l'entreprise. Par un mail adressé le 15 avril 2015 à 20h22 à M. E... B..., directeur régional de la société et signataire de la convocation, avec copie à Mme C... notamment, Mme G... a informé son employeur qu'elle ne serait pas présente à cet entretien et qu'elle n'en souhaitait pas le report, sans en donner les raisons. Dans son courrier du 21 avril 2015, faisant suite à un mail de la société, elle précise cependant qu'elle a été convoquée le même jour et à la même heure que sa collègue, Mme C..., du même syndicat qu'elle, et que, de ce fait, elle ne pouvait être représentée par cette dernière. Par suite, en la privant de cette possibilité, et alors même que Mme G... et Mme C... avaient chacune fait savoir dès le 15 avril 2015 qu'elles n'assisteraient pas à leurs propres entretiens sans en solliciter le report, et que, par ailleurs, il existait au sein de la société d'autres personnes susceptibles de les assister, l'employeur a porté à la liberté de choix reconnue par la loi aux salariés convoqués à un entretien préalable, une atteinte qui a entaché d'irrégularité la procédure de licenciement engagée. Dès lors, c'est à juste titre que la ministre en charge du travail a annulé la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de Mme G... et a, par cette même décision, refusé l'autorisation de procéder au licenciement de cette salariée.
6. Il résulte de ce qui précède, que la société Elres n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société Elres de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la sociétés Elres est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Elres, à Mme H... G... et à la ministre du travail.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03372