Par une requête enregistrée le 14 décembre 2018, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 novembre 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 14 novembre 2018 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à la préfète d'Indre-et-Loire de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la préfète n'a pas procédé à un examen complet de sa situation ;
- les dispositions des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues dès lors notamment, qu'il n'est pas établi qu'il a bénéficié d'un entretien individuel ;
- l'arrêté portant transfert vers l'Italie est contraire aux stipulations des article 3 et 17 du règlement du 26 juin 2013 et à celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la politique ouvertement anti-immigration menée par le gouvernement italien et des risques qu'il encourt au Gabon ;
- l'illégalité de l'arrêté de transfert prive de base légale l'arrêté portant assignation à résidence.
Les parties ont été informées le 23 mai 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office suivant : non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert en raison de l'expiration du délai de 6 mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que ce délai aurait été prolongé dans les conditions prévues au 2 du même article, ni que cet arrêté aurait reçu exécution pendant sa période de validité.
Le 27 mai 2018, la préfète d'Indre-et Loire a indiqué que M. D... était regardé comme ayant pris la fuite, de sorte que le délai d'exécution de la décision de réadmission en Italie était prolongé jusqu'au 19 mai 2020.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant gabonais, relève appel du jugement du 19 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2018 par lequel la préfète d'Indre-et-Loire a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète d'Indre-et-Loire, qui a suffisamment motivé son arrêté portant transfert de M. D... vers l'Italie, n'aurait pas procédé à un examen complet de sa situation personnelle. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) ". Aux termes de l'article 5 du même règlement : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
4. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions figurant sur le formulaire qu'il a signé à l'issue de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 9 mai 2018 à la préfecture du Loiret, que M. D... a reçu une copie du guide du demandeur d'asile, de la brochure d'information pour les demandeurs d'asile dans le cadre de la procédure " Dublin " (guide B) et de la brochure d'information sur le règlement Dublin contenant une information générale sur la demande d'asile et le relevé d'empreintes (guide A), rédigés en langue française qu'il a déclaré lire et parler. Ces documents comprennent l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. En outre, l'intéressé a pu faire valoir ses observations lors de cet entretien. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013 doivent être écartés.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. (...) 2. Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales selon lequel : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
6. M. D..., enseignant au Gabon, se prévaut des accusations portées " à tort contre lui " en ce qui concerne sa supposée homosexualité ainsi que de son rôle lors des dernières élections présidentielles dans son pays origine. Ces éléments ne se rapportent toutefois pas à la façon dont il aurait été traité en Italie, pays à destination duquel son transfert est prononcé. Par ailleurs, si l'intéressé fait état de défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 3 du règlement du 26 juin 2013 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
8. En se bornant à faire valoir les éléments mentionnés au point 6, le requérant n'établit pas qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant sa remise aux autorités italiennes, la préfète d'Indre-et-Loire aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
9. Compte-tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 8 du présent arrêt, le moyen tiré, de ce que l'arrêté portant assignation à résidence serait dépourvu de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert de M. D... vers l'Italie doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
11. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. D... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 25 octobre 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 novembre 2019
Le rapporteur,
V. GELARD
Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT04416