Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2017, M. A...C..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler les arrêtés du 7 novembre 2017 du préfet d'Indre-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de l'admettre au séjour au titre de l'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :
- cet arrêté ne lui a pas été notifié dans une langue qu'il comprend ;
- il a été signé par une autorité incompétente ;
- le préfet n'apporte pas la preuve de la saisine des autorités italiennes, de la date de saisine et de l'acceptation de la prise en charge par ces autorités ;
- les informations prévues par les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne lui ont pas été transmises dans une langue qu'il comprend ;
- il n'a pas bénéficié des informations prévues par les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :
- l'arrêté portant assignation à résidence n'a pas été signé par une autorité compétente.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2018, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...C...ne sont pas fondés.
M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Francfort a été entendu au cours de l'audience publique :
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., ressortissant somalien né le 1er mai 1995, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 28 juin 2017 et a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture du Loiret le 2 août 2017. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes avaient été relevées par les autorités italiennes le 27 mai 2017. Saisies d'une demande de prise en charge le 8 août 2017, les autorités italiennes l'ont acceptée par un accord implicite constaté le 9 octobre 2017. Par deux arrêtés du 7 novembre 2017, le préfet d'Indre-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise de M. A...C...aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. A...C...relève appel du jugement du 10 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013: " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) " ;
3. Il ressort des pièces du dossier que les brochures " A " et " B ", contenant les informations sur la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile prévues par l'article 4 du règlement précité, ont été remises à M. C...en langue anglaise, sans qu'il résulte des documents versés à l'instance par le préfet d'Indre-et-Loire que le requérant ait à aucun moment déclaré comprendre une autre langue que le somali, langue dans laquelle il existe une version de ces brochures.
4. Dans ces conditions le requérant est fondé à soutenir qu'il n'a pas reçu les informations visées au 1 de l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 dans une langue qu'il comprend. Cette omission entache d'irrégularité l'arrêté de remise aux autorités italiennes pris à son encontre. Cette décision ne peut dès lors qu'être annulée ainsi que, par voie de conséquence, l'arrêté d'assignation à résidence pris pour son application.
5. Il résulte de ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fins d'injonction :
6. Compte-tenu des motifs d'annulation retenus par le présent arrêt, ce dernier implique seulement que le préfet d'Indre-et-Loire statue à nouveau, dans le délai de deux mois, sur la demande de séjour présentée par M. C...au titre de l'asile.
Sur les frais liés au litige :
7. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me D...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du 10 novembre 2017 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif d'Orléans et les arrêtés du 7 novembre 2017 du préfet d'Indre-et-Loire sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire de statuer à nouveau dans le délai de deux mois sur le droit de M. C...à se voir délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'instruction en France de sa demande d'asile.
Article 3 : Le versement de la somme de 1 000 euros à Me D...est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...C...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 28 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 octobre 2018.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIRLa greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17NT036922