Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mars 2017, M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 octobre 2016 ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, d'enregistrer son dossier d'asile et de lui délivrer un titre de séjour provisoire au titre de l'asile dans un délai de trois jours et, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente ;
4°) de mettre à la charge de L'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les dispositions de l'article 12-4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013, ont été méconnues ; il a rejoint la Turquie le 6 décembre 2015 après la délivrance de son visa pour l'Allemagne ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la clause discrétionnaire issue des articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n°604/2013 et de la clause de souveraineté consacrée par l'article 53-1 de la constitution du 4 octobre 1958 ; il justifie de la présence en France de ses deux oncles et de ses cousins ;
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 1er février 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution de la République française et notamment son article 53-1 ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n°118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Francfort, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C...ressortissant turc, est entré irrégulièrement en France le 1er juin 2016 et a formé une demande d'asile en préfecture d'Ille-et-Vilaine le 1er juillet 2016 ; qu'ayant constaté qu'il était titulaire d'un visa valable du 24 novembre 2015 au 23 novembre 2016, pour une durée de séjour limitée à quatre vingt dix jours, délivré par les autorités allemandes, le préfet d'Ille-et-Vilaine a saisi ces dernières le 13 septembre 2016 d'une demande de prise en charge de M. C...sur le fondement de l'article 12.2 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; que les autorités allemandes ont explicitement accepté le 12 octobre 2016 de prendre en charge la demande d'asile de M. C...; que par un arrêté du 13 octobre 2016, le préfet d'Ille-et-Vilaine a ordonné la remise de M. C...aux autorités allemandes responsables de sa demande d'asile ; que M. C...relève appel du jugement du 18 octobre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 13 octobre 2016 ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 du règlement européen n°604/2013 du 26 juin 2013 : " 2- Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'Etat membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) 4. Si le demandeur est seulement titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres" ; qu'il est constant que M. C...était titulaire d'un visa de court séjour délivré par les autorités allemandes en cours de validité à la date de sa demande d'asile le 1er juillet 2016 ; que si le requérant établit sa présence en Turquie entre février et avril 2016, il ne justifie par aucune pièce qu'il aurait effectivement pénétré, soit sur le territoire de l'Union européenne à destination de l'Allemagne, soit en Allemagne, sous couvert de son visa délivré le 23 novembre 2015 et qu'il aurait effectivement quitté ce pays à compter du 6 décembre 2015 à destination de la Turquie ; qu'ainsi et alors en outre que les autorités allemandes ont accepté de prendre en charge l'intéressé, le préfet a pu, sans commettre d'erreur de droit, fonder la décision de réadmission de M. C...vers l'Allemagne sur les dispositions citées ci-dessus du 2 de l'article 12 du règlement du 26 juin 2013 ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013: " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. (....) " ; qu'aux termes de l'article 2 du même règlement : " Définitions. Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) g) " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présente sur le territoire des Etats-membres : / le conjoint du demandeur (...) / les enfants mineurs des couples (...) h) " proche ", la tante ou l'oncle adulte ou un des grands-parents du demandeur (...) " ; que la mise en oeuvre, par les autorités françaises, des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, selon lequel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif " ; qu'il en résulte que la faculté laissée à chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile ;
4. Considérant que si M.C..., entré récemment en France, majeur, célibataire et sans enfants à charge et de surcroit n'établissant pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, se prévaut de la présence en France de deux oncles et de ses cousins, il n'établit pas l'intensité et l'ancienneté de ses liens avec eux et n'invoque aucune circonstance particulière qui rendrait indispensable sa présence à leurs côtés ; qu'ainsi M. C...n'est pas fondé à soutenir que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation en s'abstenant de mettre en oeuvre les clauses dérogatoires prévues par les dispositions précitées des articles 3.2 et de l'article 17 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; que pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 53-1 de la Constitution ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées par voie de conséquence, les conclusions du requérant aux fin d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- M. Pons, premier conseiller,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 avril 2018.
Le président-rapporteur,
J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,
F. PONS
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT00988 2
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