9 janvier 2019 et le 8 février 2019, Mme C... et autres, représentés par Me D..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 janvier 2018 ;
2°) d'annuler la décision du 28 mai 2014 par laquelle le président du CDGFPT du Morbihan a suspendu M. K... F... de ses fonctions de directeur du pôle carrière et statut ;
3°) de mettre à la charge du CDGFPT du Morbihan la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la décision attaquée méconnait le principe du contradictoire et les droits de la défense, dès lors que l'administration avait convoqué M. F... à un entretien pour lui permettre de présenter des observations orales et l'avait informé qu'il pouvait se faire assister d'un conseil, et qu'il lui appartenait, en lui accordant un délai suffisant, de le mettre en mesure de préparer sa défense pour satisfaire aux exigences de la procédure contradictoire ;
- en estimant que le président du CDGFPT du Morbihan disposait d'éléments suffisants à la date de la suspension de M. F... pour faire présumer l'existence d'une faute grave à son encontre, le tribunal a commis une erreur d'appréciation ;
- pour justifier la mesure de suspension, le CDGFPT du Morbihan s'est fondé sur plusieurs éléments qui ne permettaient pas de prononcer une telle mesure conservatoire ;
- la mesure de suspension est entachée d'un détournement de pouvoir dès lors que le but principal poursuivi par le CDGFPT du Morbihan était d'évincer M. F... et non de régler le dysfonctionnement au sein du centre de gestion.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 20 avril 2018, 12 décembre 2018, 24 janvier 2019 et 27 février 2019, le CDGFPT du Morbihan, représenté par Me J..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... veuve F... et autres la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... et autres sont infondés.
L'instruction a été close au 18 juillet 2019, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- les observations de Me G..., substituant Me D..., représentant Mme C... et les autres requérants.
Considérant ce qui suit :
1. M. K... F..., fonctionnaire territorial, directeur général des services adjoint, responsable du pôle carrières et statut du CDGFPT du Morbihan, a été mis en cause, le 9 janvier 2014, par l'un des agents de son service, qui s'est plaint, auprès du directeur général des services, de ce qu'il aurait eu un comportement dévalorisant et vexatoire à l'origine de souffrance au travail. A la suite de ces accusations, le président du CDGFPT du Morbihan a mandaté une société privée pour réaliser un audit externe du pôle dirigé par M. F... courant mars 2014. En s'appuyant notamment sur les conclusions de cet audit, remettant en cause l'aptitude de M. F... à diriger le pôle placé sous sa responsabilité et le rendant directement responsable de la souffrance au travail de certains agents placés sous son autorité, le président du CDGFPT du Morbihan a suspendu l'intéressé de ses fonctions à titre conservatoire par décision du 28 mai 2014. Par leur présente requête, Mme C... veuve F... et les autres requérants demandent à la cour l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 janvier 2018 ayant rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 28 mai 2014.
Sur le bien fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 30 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline (...) ".
3. En premier lieu, la mesure de suspension est une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service qui ne présente pas par elle-même un caractère disciplinaire. De ce fait, elle n'a pas à être motivée et n'a pas davantage à être précédée de la communication à l'agent concerné de son dossier et d'une procédure contradictoire. Par suite, Mme C... veuve F... et les autres requérants ne sauraient utilement soutenir que la décision du 28 mai 2014 aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors que le CDGFPT du Morbihan avait convoqué M. F... à un entretien le jour précédent la mesure de suspension en l'informant qu'il pouvait s'y faire assister par le conseil de son choix, cette convocation revêtant un caractère superfétatoire, et ne permettant pas, en tout état de cause, d'établir que le CDGFPT du Morbihan aurait ainsi entendu se soumettre à une règle de procédure qu'il aurait lui-même édictée.
4. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées que la mesure provisoire de suspension est uniquement destinée à écarter temporairement un agent du service, en attendant qu'il soit statué disciplinairement ou pénalement sur sa situation. Elle peut être légalement prise dès lors que l'administration est en mesure d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs qui ont un caractère de vraisemblance suffisant et qui permettent de présumer que celui-ci a commis une faute grave.
5. Pour prendre la décision en cause, le président du CDGFPT du Morbihan s'est fondé sur le compte-rendu des entretiens menés par le directeur général des services en janvier 2014 avec les agents du pôle carrière et statut à la suite de la dénonciation par l'un d'eux de faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral, sur un rapport d'audit externe du service et une note collective signée par douze agents dénonçant le comportement de M. F....
6. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, les faits reprochés à M. F..., tels que dénoncés par Mme H... et corroborés par le rapport d'audit et la note cosignée par douze agents, étaient susceptibles, appréciés dans leur ensemble, de faire présumer un comportement excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et générateur d'une souffrance au travail au sein du service placé sous sa responsabilité. Par suite, le président du CDGFPT du Morbihan était en mesure, à la date de la décision attaquée, d'articuler à l'encontre de l'intéressé des griefs ayant un caractère de vraisemblance suffisant pour présumer que ce dernier avait commis une faute et, par suite, donner un fondement légal à la mesure de suspension contestée justifiée par l'intérêt du service.
7. En troisième et dernier lieu, il n'est pas établi que la mesure de suspension en cause serait entachée d'un détournement de pouvoir et que le but principal poursuivi par le président du CDGFPT du Morbihan aurait été d'évincer M. F... et non de régler les dysfonctionnements internes au sein du centre de gestion.
8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de la requête, que Mme C... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du CDGFPT du Morbihan, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme C... et autres au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... et des autres requérants la somme réclamée par le CDGFPT du Morbihan au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... veuve F... et autres est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du CDGFPT du Morbihan sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Morbihan, à Mme I... C... veuve F... et à Mme B... F....
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 17 décembre 2019.
Le rapporteur,
F. A...Le président,
H. LENOIR
Le greffier,
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT01300