Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 mars 2018, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 26 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité du 18 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de l'autoriser à solliciter l'asile en France et de lui délivrer un titre de séjour provisoire sur ce fondement dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en s'abstenant d'exercer un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation au motif que la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ne constituait pas un droit le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a commis une erreur ;
- en dépit de la protection humanitaire qui lui a été accordée, les autorités italiennes ne sont pas en mesure de lui assurer des conditions matérielles d'accueil décentes de sorte que le préfet aurait dû mettre en oeuvre le pouvoir qu'il détient de l'article 17 du règlement précité.
Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au préfet d'Ille-et-Vilaine, pour lequel il n'a pas été produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2018.
Vu les autres pièces du dossier et notamment la lettre du préfet d'Ille-et-Vilaine du 24 mai 2018 indiquant que le transfert de M. A...a été exécuté.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien, relève appel du jugement du 26 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 octobre 2017 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Devant le tribunal administratif de Rennes, après des développements généraux sur l'article 17 du règlement susvisé du 26 juin 2013, M. A...a soutenu qu'il n'était pas établi que l'autorité préfectorale avait bien procédé à un examen particulier de sa situation et avait entendu écarter explicitement la clause de souveraineté dont elle pouvait faire usage. Le magistrat désigné a répondu à ce moyen en se bornant à indiquer " que la faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile ". Ce faisant, il n'a pas expressément répondu au moyen soulevé par le requérant, qui n'était pas inopérant. M. A...est par suite fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une motivation insuffisante.
3. Il suit de là qu'il y a lieu de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de la décision du 18 octobre 2017 portant remise aux autorités italiennes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 / (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que lors de son entretien qui s'est tenu le 27 juillet 2017 à la préfecture d'Ille-et-Vilaine, M. A...a déclaré comprendre la langue française. En outre, il a signé le compte rendu d'entretien sans émettre la moindre observation quant aux difficultés qu'il aurait rencontrées pour comprendre les informations portées à sa connaissance. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 précité auraient été méconnues.
6. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
7. M. A...ne conteste pas être entré en France en mai 2017 alors qu'il détenait un titre de séjour italien délivré pour motifs humanitaires en cours de validité. S'il fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouvent plusieurs Etats membres de l'Union européenne, notamment l'Italie, confrontés à un afflux sans précédent de réfugiés, il n'établit toutefois pas, par les pièces qu'il produit, que cette circonstance l'exposerait à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
8. En dernier lieu, dans le cadre d'une note en délibéré présentée devant le tribunal administratif de Rennes, M. A...a indiqué que " le préfet aurait dû lui appliquer le décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000 portant publication de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière ce qui emporte tant un défaut d'examen complet de sa situation qu'une erreur de droit ". En se bornant toutefois à produire le guide du demandeur d'asile italien en français, sans apporter aucune précision complémentaire, l'intéressé n'a pas mis le juge en mesure d'apprécier le bien fondé de ses allégations. Par suite, ces moyens, qui ne sont pas assortis de précisions suffisantes, ne peuvent qu'être écartés.
9. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. A... doit être rejetée.
Sur le surplus des conclusions :
10. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A...et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1704747 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes du 26 octobre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes par M. A... ainsi que ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 1er mars 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 mars 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00968