Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 février 2018 M.C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Caen du 31 janvier 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés portant transfert et assignation à résidence du 26 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de reconnaître la France comme l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et de lui attribuer une autorisation provisoire de séjour à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet du Calvados de transmettre sa demande d'asile à l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) pour examen de sa situation ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif de Caen n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence d'examen complet de la situation de M. C...au regard des dispositions des articles 16 et 17 du règlement 604/2013 ;
- la décision de transfert n'est pas motivée ; elle est entachée d'un défaut d'examen complet et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 16 et 17 du règlement n°604/2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, ainsi que de la méconnaissance des articles 4 et 5 du même règlement ;
- la décision d'assignation à résidence sera annulée par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2018, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens allégués par M. C...n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution de la République française et notamment son article 53-1 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Francfort, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
Les faits, la procédure
1. M.C..., né le 15 juillet 1998 à Goryoley (Somalie), a déclaré être entré en France irrégulièrement le 11 juillet 2017 en vue de solliciter admission au séjour au titre de l'asile. La consultation du système d'information Eurodac a révélé que les autorités italiennes avaient déjà relevé les empreintes digitales de M.C.... Le 9 août 2017, les autorités italiennes ont été saisies d'une demande de prise en charge de la demande d'asile de l'intéressé. Une décision implicite d'acceptation de reprise en charge de M. C...est intervenue le 10 octobre 2017. Par un premier arrêté, daté du 26 janvier 2018, le préfet du Calvados a décidé de remettre M. C... aux autorités italiennes. Par un second arrêté du même jour, le préfet du Calvados a décidé d'assigner l'intéressé à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.
2. M.C... relève appel du jugement du 31 janvier 2018 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés du 26 janvier 2018.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
En ce qui concerne la décision de transfert
3. En premier lieu le préfet du Calvados a visé la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, la convention de Genève du 28 juillet 1951, le règlement communautaire n° 604/2013, le règlement 1560/2003 portant modalités d'application du règlement CE n° 343/2003 ainsi que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicables à la demande dont il était saisi ; puis il a retracé le parcours de M. C...en indiquant en quoi les faits de l'espèce impliquaient la mise en oeuvre du mécanisme de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile ; enfin il a rappelé les conditions dans lesquelles les autorités italiennes avaient été saisies pour la bonne application de ce mécanisme. La décision de transfert aux autorités italiennes est dès lors suffisamment motivée en fait comme en droit.
4. En deuxième lieu, selon l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. C...s'est vu remettre les brochures " A " et " B ", contenant les informations sur la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile prévues par l'article 4 du règlement précité. Il n'est pas contesté que ces brochures, qui informent l'étranger sur les modalités d'instruction de sa demande d'asile selon la procédure " Dublin " conduisant à la détermination de l'Etat responsable de sa demande, sur ses droits dans cette attente et sur les obligations qu'il doit respecter, lui ont été remises en langue somali, langue que l'intéressé comprend. La circonstance que le guide du demandeur d'asile, qui lui a également été remis, était rédigé en langue française, que ne comprend pas le requérant, ne saurait vicier la procédure, dès lors que cette brochure est destinée aux ressortissants étrangers dont la demande d'asile est instruite en France et non selon la procédure dite " Dublin ". Par conséquent M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'une garantie d'information en méconnaissance de l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 précité.
6. En troisième lieu M. C...se prévaut des dispositions de l'article 16 du règlement (UE) n° 604/2013, aux termes desquelles : " Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou soeurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa soeur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette soeur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la soeur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit ".
7. Il est constant que le préfet du Calvados a entaché sa décision d'erreur de fait en écrivant dans la décision de transfert que le frère du requérant était " en Europe " alors que M. C... avait expressément indiqué, lors de l'entretien à la préfecture, que son frère se trouvait à Caen dans l'attente de sa réponse à sa demande d'asile. De même il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un certificat médical produit par le requérant, que ce dernier souffre de séquelles à la cuisse droite, dues à une balle de fort calibre.
8. Toutefois, si M. C...se prévaut de son état de santé, il ne résulte pas des pièces du dossier que cet état l'empêcherait de retourner en Italie ou qu'il nécessiterait un suivi médical qui ne pourrait être dispensé dans ce pays. Par ailleurs, si le requérant se prévaut de la présence en France de son frère, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier aurait fait connaître par écrit son souhait de l'accueillir. M. C...n'est donc pas fondé, en dépit de l'erreur commise par le préfet relevée au point 7, à se prévaloir des dispositions précitées de l'article 16 du règlement n°604/2013. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le requérant entretiendrait avec son frère, dont il est séparé depuis de nombreuses années, des liens tels que la décision de transfert en litige porterait une atteinte excessive à son droit à une vie familiale normale.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence, les conclusions du requérant aux fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera transmise pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 26 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-rapporteur,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2018.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00700 2
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