Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2020, M. B... D..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er septembre 2020 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté de transfert ;
2°) d'annuler cet arrêté du 30 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le magistrat désigné a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur de droit soulevé à l'audience, aucun élément du dossier ne permettant de s'assurer de la responsabilité de l'Italie concernant le traitement de sa demande d'asile ;
- les stipulations de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016 ont été méconnues ; ses empreintes ont été prises sans que lui soit délivré les informations sur la collecte de ses données personnelles ;
- il n'a reçu les informations prévues à l'article 4 du règlement du 26 juin 2013 qu'à l'issue de son entretien ;
- l'absence de production des relevés du fichier Eurodac ne permet pas de vérifier l'Etat responsable de sa demande d'asile, de sorte que la décision contestée est entachée d'une erreur de droit ;
- la décision contestée est entachée d'une erreur de fait dès lors que l'Italie a demandé la suspension des transferts " Dublin " ;
- cette décision est contraire aux stipulations de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013 ; il n'a bénéficié d'aucune prise en charge en Italie ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 17 du même règlement ; il craint que sa demande d'asile ne soit pas examinée et qu'il soit éloigné vers le Soudan dès lors que l'Italie a signé un accord de coopération policière avec ce pays afin de faciliter le retour des personnes de nationalité soudanaise ; l'existence d'un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par ricochet est à craindre en cas de renvoi dans son pays d'origine où règne une violence généralisée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il indique que M. B... D... doit être regardé comme étant en fuite, de sorte que la durée de validité de son transfert est prolongée jusqu'au 1er mars 2022.
Il soutient que les moyens soulevés par l'intéressé ne sont pas fondés.
M. B... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les observations de Me Dahani, substituant Me Neraudau, représentant M. B... D....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., ressortissant soudanais, relève appel du jugement du 1er septembre 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2020 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 776-26 du code de justice administrative, applicable, en vertu de l'article L. 777-3 du même code, au contentieux des décisions de transfert visées à l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'instruction est close soit après que les parties ont formulé leurs observations orales, soit, si ces parties sont absentes ou ne sont pas représentées, après appel de leur affaire à l'audience ". Aux termes de l'article R. 776-27 du code de justice administrative : " / (...) / A moins qu'un procès-verbal d'audience signé par le juge et par l'agent chargé du greffe de l'audience ait été établi, le jugement mentionne les moyens nouveaux soulevés par les parties lors de l'audience. / (...) / ".
3. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'aucun procès-verbal n'a été établi à l'occasion de l'examen de la requête introduite devant le tribunal administratif de Nantes par M. B... D.... Si l'intéressé soutient que son avocat, qui le représentait devant le tribunal administratif, a soulevé à l'audience un moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de droit en raison de l'absence d'élément au dossier permettant de s'assurer de la responsabilité de l'Italie pour le traitement de sa demande d'asile, il n'établit pas l'existence d'un tel moyen, à défaut de procès-verbal d'audience et de mention du moyen dans les visas du jugement. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le premier juge, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 13 du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du conseil du 27 avril 2016, de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur de fait en raison de la suspension des transferts " Dublin " vers l'Italie, de la violation des articles 3.2 du règlement du 26 juin 2013 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que l'intéressé réitère en appel, sans apporter de précisions nouvelles.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
6. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'informations prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... D... s'est vu remettre le 11 juin 2020, à l'occasion de l'entretien individuel dont il a bénéficié à la préfecture de la Loire-Atlantique, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue arabe soudanaise. L'intéressé a attesté, sur le compte-rendu de l'entretien, que le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires lui ont été remis dans une langue qu'il comprenait. S'il soutient que ces informations lui ont été remises à l'issue de l'entretien, non en temps utile, et ne lui auraient pas permis de faire valoir ses observations, il ressort du contenu du compte-rendu d'entretien du 11 juin 2020 qu'il a pu faire valoir en particulier les étapes de son parcours migratoire entre son pays d'origine, l'Italie et la France, et a déclaré comprendre la procédure engagée. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit être écarté.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions de l'arrêté contesté confirmées par le relevé des constatations effectuées sur le fichier Eurodac, que les empreintes de M. B... D... ont été relevées par les autorités italiennes le 29 mai 2018. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir, qu'en l'absence de la production de ces données, il ne serait pas établi que l'Italie serait le pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut dès lors qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. M. B... D... se prévaut des conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, de sa crainte d'être renvoyé au Soudan et du fait qu'il a été transféré à deux reprises vers l'Italie qui ne lui a accordé aucune assistance, ni enregistré sa demande d'asile. Toutefois, eu égard à l'absence de défaillances systémiques de l'Italie dans le traitement des demandes d'asiles, et alors que l'intéressé ne précise pas les éléments de sa situation personnelle qui justifieraient la mise en œuvre des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, les pièces au dossier ne permettent pas de démontrer que l'arrêté contesté le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Dans ces conditions, l'intéressé, qui en tout état de cause ne justifie d'aucune mesure d'éloignement qui aurait été prise à son encontre par les autorités italiennes, n'a pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement précité.
11. En dernier lieu, la circonstance que la crise épidémique du coronavirus serait susceptible de faire obstacle au transfert de M. B... D... vers l'Italie n'a d'incidence que sur les conditions d'exécution de la décision. Le moyen ne peut, par conséquent, qu'être écarté comme inopérant.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
13. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... D... et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 3 septembre 2021 à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme A..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2021
La rapporteure,
V. GELARDLe président,
O. GASPON
La greffière,
P. CHAVEROUX
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03576