Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 avril 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes du 12 avril 2018 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration est inopérant compte-tenu de la nature de la décision en litige ;
- il manque au surplus en fait car contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, M. A...a reçu notification d'une procédure contradictoire.
Par un mémoire enregistré le 6 novembre 2018 M.A..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Francfort, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité tunisienne, a été condamné par un jugement du tribunal correctionnel de Troyes du 15 septembre 2015 à trois ans d'emprisonnement et à une interdiction judiciaire du territoire français d'une durée de trois ans. Après avoir fait l'objet d'une mesure d'éloignement en février 2017, M. A... est irrégulièrement revenu en France en novembre 2017. Le 9 mars 2018, il a été condamné par le tribunal correctionnel de Saint-Malo à une peine de trois mois d'emprisonnement pour l'infraction de pénétration non autorisée sur le territoire national après interdiction de retour ainsi qu'à une interdiction judiciaire du territoire français d'une durée de cinq ans. Par un arrêté du 3 avril 2018, le préfet d'Ille-et-Vilaine a fixé la Tunisie comme pays de renvoi pour l'exécution de cette interdiction. Le préfet relève appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision du 3 avril 2018.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 211-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; / 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; / 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; (...) ", et aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-1 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...). ".
3. D'une part la décision fixant le pays de renvoi, prise par le préfet en exécution d'une décision judiciaire d'interdiction du territoire français, a le caractère d'une mesure de police, soumise notamment aux dispositions précitées des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. D'autre part le préfet d'Ille-et-Vilaine n'invoque ni un cas d'urgence ni un risque pour l'ordre public de nature à permettre d'écarter cette procédure contradictoire, qui était ainsi applicable à la décision d'éloignement en litige.
4. Il résulte des pièces du dossier que l'arrêté du 3 avril 2018 fixant la Tunisie comme pays de renvoi pour l'exécution de l'interdiction du territoire prise à l'encontre de M. A...a été notifié à ce dernier le 10 avril 2018 de 14h50 à 15h10 à la maison d'arrêt de Saint-Malo. Si le préfet d'Ille-et-Vilaine fait valoir que M. A...a pu présenter des observations orales, cette possibilité ne lui a été laissée que de manière concomitante à la notification de la décision litigieuse, une fois celle-ci prise, et ne pouvait donc tenir lieu de la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui doit permettre à la personne visée par la mesure de présenter des observations, avant l'intervention de la décision.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Rennes a annulé sa décision du 3 avril 2018 fixant la Tunisie comme pays de renvoi au motif de la méconnaissance de la procédure contradictoire organisée par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration
Sur les frais de l'instance :
6. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Toutefois il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que le requérant demande au profit de son avocat, MeB..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... A.... Une copie sera transmise à la préfète d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
Le rapporteur,
J. FRANCFORTLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01601