Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 avril 2018, Mme A..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif du 22 février 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 12 février 2018 ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour au titre de l'asile dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande d'admission au séjour en France ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté portant transfert en Italie, qui ne mentionne aucun élément sur sa situation personnelle, ni l'origine de ses craintes de persécutions en Côte d'Ivoire, est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- il appartient au préfet d'établir qu'elle n'aurait déposé aucune demande d'asile en Italie ;
- sa fille présente des difficultés médicales sérieuses ne pouvant faire l'objet de soins en Italie de sorte que l'arrêté contesté est contraire aux dispositions du 3 de l'article 20 du règlement du 26 juin 2013 ; durant les mois où elle séjournait en Italie sa fille n'a bénéficié d'aucune prise en charge médicale alors que depuis qu'elle est en France, elle est soignée ;
- l'arrêté contesté est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ; un retour en Italie aurait pour conséquence un arrêt de soins prodigués à sa fille ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2019, la préfète d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.
Elle se réfère à ses écritures de première instance.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier et notamment la lettre du préfet d'Ille-et-Vilaine du 21 septembre 2018 indiquant que le délai de transfert de Mme A...a été prolongé jusqu'au 12 juillet 2019.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Gélard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante ivoirienne, relève appel du jugement du 22 février 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé sa remise aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les dispositions applicables à la situation de MmeA.... Il rappelle en outre que l'intéressée est entrée irrégulièrement sur le territoire français le 24 octobre 2017, accompagnée de sa fille mineure, qu'elle se déclare célibataire et mère de deux enfants, Naomie et Nesmonde nées respectivement en 2007 et 2013 en Côte d'Ivoire, et qu'elle a produit un certificat de scolarité pour sa fille Nesmonde. Il ajoute que, selon l'entretien qui s'est déroulé le 18 décembre 2017, aucun élément relatif à la situation personnelle, familiale ou médicale de l'intéressée n'est de nature à remettre en cause son transfert. L'arrêté précise enfin que Mme A...n'est pas retournée dans son pays d'origine depuis le 27 juin 2016. Si la requérante soutient que le préfet ne fait pas état de ses craintes de persécutions en Côte d'Ivoire, la décision contestée n'a pour effet que d'ordonner son transfert en Italie et non en Côte d'Ivoire. Par ailleurs, devant le tribunal administratif, le préfet d'Ille-et-Vilaine a indiqué, sans être contredit, que Mme A...ne lui avait fait part d'aucun problème de santé concernant sa fille. Par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté contesté serait insuffisamment motivé et révèlerait un défaut d'examen de sa situation personnelle manquent en fait et ne peuvent qu'être écartés.
3. En deuxième lieu, si Mme A...soutient n'avoir jamais présenté de demande d'asile en Italie, il ressort des recherches effectuées dans le fichier Eurodac qu'elle est identifiée comme ayant présenté une demande d'asile dans ce pays. Aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause l'exactitude de ces données. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait fait une inexacte application du règlement communautaire du 26 juin 2013 doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 3. Aux fins du présent règlement, la situation du mineur qui accompagne le demandeur et répond à la définition de membre de la famille est indissociable de celle du membre de sa famille et relève de la responsabilité de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale dudit membre de la famille, même si le mineur n'est pas à titre individuel un demandeur, à condition que ce soit dans l'intérêt supérieur du mineur (...) ". Si devant le tribunal administratif de Rennes, Mme A...a produit plusieurs certificats médicaux indiquant qu'une échographie hépatique et abdominale lui avait été prescrite en janvier 2018 en raison de douleurs de l'hypochondre gauche et que sa fille Nesmonde souffre depuis sa naissance d'un déficit moteur du membre supérieur gauche et des luxations chroniques de l'épaule gauche, ces documents ne permettent pas d'établir que ces pathologies feraient obstacle à leur transfert en Italie, ni qu'elles ne pourraient être soignées dans ce pays. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait contraire aux dispositions du paragraphe 3 de l'article 20 du règlement du 26 juin 2013.
5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".
6. Mme A...soutient que l'Italie rencontre actuellement des défaillances systémiques dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile ainsi que dans la procédure d'asile. Toutefois, elle n'établit pas que ces circonstances exposeraient sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Elle ne démontre pas davantage qu'elle et sa fille mineure seraient personnellement exposées à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet d'Ille-et-Vilaine, qui a visé les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, a indiqué que la situation de Mme A...ne relevait pas des dérogations prévues par cet article du règlement et qu'elle n'établissait pas de risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, la requérante ne fait valoir aucune circonstance particulière suffisante pour justifier que sa demande d'asile soit examinée par la France. Dans ces conditions, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
7. En dernier lieu, eu égard à ce qu'il a été dit au point 4, la requérante qui se prévaut par ailleurs de la seule circonstance que sa fille mineure est scolarisée en France, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990. Il n'est pas davantage établi que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
8. Il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que Mme A...n'est pas fondée à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur le surplus des conclusions :
10. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A...et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise à la préfète d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2019 à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- M. Francfort, président-assesseur,
- Mme Gélard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 avril 2019.
Le rapporteur,
V. GELARDLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01775