Par une requête enregistrée le 7 février 2018, M.A..., représenté par MeC..., doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2017 et de renvoyer l'affaire au tribunal administratif ;
2°) à titre subsidiaire :
- de réformer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2017 ;
- d'annuler la décision implicite du président de la société Orange mentionnée ci-dessus ;
- d'enjoindre à la société Orange de réexaminer rétroactivement ses possibilités de promotion interne dans les corps de conducteur de travaux du service des lignes et de chef de secteur des lignes au titre des années 1995 à 2010 et de le nommer dans le corps de conducteur de travaux du service des lignes au 1er février 1995 ;
3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier, en ce qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la société Orange était tenue d'établir rétroactivement des listes d'aptitudes pour l'accès aux corps de conducteur de travaux du service des lignes et de chef de secteur des lignes de France Télécom au titre des années 1995 à 2010 ;
- il est fondé à obtenir à obtenir l'établissement rétroactif de listes d'aptitudes et de tableaux d'avancement de 1995 à 2004, puis de 2005 à 2010 et, enfin, à être rétroactivement nommé dans le corps de conducteur de travaux du service des lignes, dès le 1er février 1995.
L'instruction a été close au 8 novembre 2018, date d'émission d'une ordonnance prise en application des dispositions combinées des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Des mémoires ont été présentés pour la société Orange, enregistrés le 9 janvier et le 19 avril 2019, après la clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le décret n° 90-1225 du 31 décembre 1990 modifié ;
- le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;
- le décret n° 2011-1675 du 29 novembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pons,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., fonctionnaire employé par France Télécom devenue la société Orange, a été recruté au grade d'auxiliaire à compter du 10 décembre 1973 puis promu en tant qu'agent d'exploitation du service des lignes le 20 décembre 1976. Il a ensuite été promu dans le corps de conducteur de travaux du service des lignes le 1er décembre 2005, avant d'être nommé dans le corps de chef de secteur des lignes le 10 juin 2010. Le requérant a été placé à la retraite à compter du 16 décembre 2010. Il a, le 27 octobre 2015, demandé au président de la société Orange de le nommer rétroactivement dans le corps de conducteur de travaux du service des lignes à compter du 1er février 1995, après établissement de listes d'aptitude et de tableaux d'avancement pour les années 1995 à 2010. Par une décision implicite, le président de la société Orange a rejeté sa demande. Par sa présente requête, M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 7 décembre 2017 ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. A...avait soulevé, devant le premier juge, le moyen tiré de tiré de ce que la société Orange était tenue d'établir rétroactivement des listes d'aptitudes pour son accès aux corps de conducteur de travaux du service des lignes et de chef de secteur des lignes de France Télécom au titre des années 1995 à 2010. Le tribunal administratif n'a répondu à ce moyen qu'au titre de la période 1995 à 2008 pour l'accès au corps de conducteur de travaux du service des lignes. En omettant de répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant, le tribunal a entaché d'irrégularité son jugement, lequel ne peut dès lors qu'être annulé.
3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rennes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de la société Orange d'établir à titre rétroactif des tableaux annuels d'avancement :
4. La demande de reconstitution de carrière présentée par M. A...tend à sa nomination dans un corps d'un niveau supérieur et non à une promotion de grade. Une telle demande ne pouvait en tout état de cause être satisfaite par le biais de l'établissement d'un tableau d'avancement, qui ne régit que les promotions au grade supérieur, et non les promotions dans un autre corps. Par suite, le requérant ne peut utilement invoquer, pour contester le refus de reconstitution de carrière qui lui a été opposé, l'illégalité du refus de la société Orange d'établir à titre rétroactif un tableau d'avancement, ce refus n'ayant aucune incidence sur sa situation.
En ce qui concerne le refus de la société Orange d'établir des listes d'aptitude à titre rétroactif pour la période comprise entre 1995 et 2004 :
5. Les décisions administratives ne peuvent légalement disposer que pour l'avenir. S'agissant des décisions relatives à la carrière des fonctionnaires ou des militaires, l'administration ne peut, en dérogation à cette règle générale, leur conférer une portée rétroactive que dans la mesure nécessaire pour assurer la continuité de la carrière de l'agent intéressé ou procéder à la régularisation de sa situation. En l'espèce, ni la décision n° 266319 du 24 octobre 2005 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé le refus du président de France Télécom de faire droit à une demande tendant à assurer aux fonctionnaires reclassés un avancement propre à leur corps de reclassement, ni l'arrêt du 20 janvier 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a indemnisé M. A...pour le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence subis en raison des illégalités fautives commises par France Télécom et l'Etat mais a rejeté sa demande d'indemnisation d'un préjudice de carrière et financier au motif qu'il n'établissait pas avoir été privé d'une chance sérieuse d'accéder au corps de conducteur de travaux du service des lignes hiérarchiquement supérieur, n'impliquaient que la société Orange procède rétroactivement à la reconstitution de la carrière du requérant pour la période visée en établissant des listes d'aptitude à titre rétroactif.
En ce qui concerne le refus de la société Orange d'établir des listes d'aptitude à titre rétroactif pour la période comprise entre 2005 et 2010 :
6. D'une part, aux termes de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...), non seulement par voie de concours (...), mais aussi par la nomination de fonctionnaires (...) suivant l'une des modalités ci-après : 1°) Examen professionnel 2°) Liste d'aptitude établie après avis de la commission paritaire du corps d'accueil (...) ". En vertu de l'article 10 de la même loi : " En ce qui concerne les membres des corps recrutés par la voie de l'Ecole nationale d'administration, des corps enseignants et des personnels de la recherche, des corps reconnus comme ayant un caractère technique, les statuts particuliers pris en la forme indiquée à l'article 8 ci-dessus peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat prévu à l'article 13 ci-après, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres de ces corps ou aux missions que leurs membres sont destinés à assurer, notamment pour l'accomplissement d'une obligation statutaire de mobilité. Les statuts particuliers de corps interministériels ou communs à plusieurs départements ministériels ou établissements publics de l'Etat peuvent déroger, après avis du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, à certaines des dispositions du statut général qui ne correspondraient pas aux besoins propres à l'organisation de la gestion de ces corps au sein de chacun de ces départements ministériels ou établissements (...) ". Aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de La Poste et à France Télécom : " Les dispositions de l'article 10 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée s'appliquent à l'ensemble des corps de fonctionnaires de La Poste et de France Télécom. ".
7. D'autre part, dans sa rédaction issue du décret n° 90-1225 du 31 décembre 1990, modifiée par le décret n° 92-945 du 7 septembre 1992, jusqu'à son abrogation par le décret n° 2011-1675 du 29 novembre 2011, le statut particulier du corps de chef de secteur des lignes prévoyait l'établissement de listes d'aptitude pour l'accès des fonctionnaires " reclassés " à ce corps. Il n'est pas contesté qu'aucune liste d'aptitude n'a été établie au titre de l'année 2005, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011, pour la promotion au choix dans le corps de chef de secteur des lignes.
8. Même si la société Orange a choisi de privilégier la voie du concours interne, cette circonstance ne la dispensait pas d'appliquer les dispositions du décret du 31 décembre 1990 mentionnées au point qui précède, qui ne comportent aucune dérogation prévue à l'article 10 de la loi du 11 juillet 1984, jusqu'à leur abrogation par le décret du 29 novembre 2011. En s'en abstenant, la société Orange a commis une illégalité fautive. Toutefois, cette illégalité n'impose nullement, par elle-même, de réexaminer rétroactivement les possibilités de promotion interne dans le corps de chef de secteur des lignes de l'intéressé par l'établissement rétroactif de listes d'aptitudes de 2005 jusqu'à l'entrée en vigueur du décret n° 2011-1679 du 29 novembre 2011, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant ait été privé d'une chance sérieuse d'être inscrit sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps de chef de secteur des lignes à partir de 2005 et qu'une telle mesure serait nécessaire pour assurer la continuité de la carrière du requérant ou régulariser sa situation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. A...doit être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Orange, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. A...au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1600492 du 7 décembre 2017 du tribunal administratif de Rennes est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lenoir, président de chambre,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mai 2019.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
H. LENOIR
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT00502