Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 février 2018, M.C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 16 janvier 2018 ;
3°) d'annuler les arrêtés du 18 décembre 2017 par lesquels le préfet de la Manche a décidé sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Manche de se reconnaître responsable de l'examen de sa demande d'asile, de transmettre sa demande d'asile à l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
Sur l'arrêté portant décision de transfert :
- il est entaché d'incompétence ;
- il est insuffisamment motivé, faute de préciser la nature de sa pathologie ;
- il méconnait l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013, en ce que l'arrêté de transfert ne pouvait intervenir avant le 13 février 2018, deux mois après la réception de la demande de prise en charge par les autorités italiennes réceptionnée le 13 décembre 2017 ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement européen n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il souffre d'épilepsie depuis l'âge de 7 ans, ce qui occasionne deux à trois crises convulsives par mois, et qu'il est actuellement pris en charge pour un traitement par Dépakine au centre hospitalier d'Avranches-Granville, qui serait interrompu en cas de retour en Italie où il établit que son traitement avait été suspendu en avril 2017.
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
- il est illégal en conséquence de l'illégalité de la décision de transfert.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2018, le préfet de la Manche conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu le procès verbal du ministre de l'intérieur en date du 15 mars 2018 attestant que l'arrêté du 18 décembre 2017 par lequel le préfet de la Manche a décidé la remise de M. C...aux autorités italiennes a été exécuté.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pons a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., ressortissant soudanais, entré irrégulièrement en France, y a demandé l'asile en octobre 2017. L'examen de sa situation a révélé qu'il était entré en France en provenance de l'Italie, où ses empreintes avaient été relevées le 26 juillet 2017 lors de son entrée irrégulière dans ce pays. Les autorités italiennes, saisies le 11 octobre 2017 d'une demande de prise en charge en application du 1 de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 12 décembre 2017. Par deux arrêtés du 18 décembre 2017, le préfet de la Manche a décidé de transférer M. C...aux autorités italiennes et de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. M. C...relève appel du jugement du 16 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 18 décembre 2017.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Il est constant que M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 février 2018. Par suite, les conclusions du requérant tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont sans objet. Il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant remise aux autorités italiennes :
3. En premier lieu M. Rosay, secrétaire général de la préfecture de la Manche, a reçu délégation de signature, par arrêté du 29 mai 2017 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, à l'effet de signer notamment " tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents, relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Manche ", à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions de la nature de l'arrêté contesté. Il résulte des termes mêmes de cette délégation que l'arrêté du 29 mai 2017 comportait la possibilité pour M. Rosay de signer l'arrêté en litige et ne présentait pas le caractère général qui, selon M.C..., l'entacherait d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté visé aurait été signé par une autorité incompétente manque en fait.
4. En second lieu, l'arrêté en litige portant remise de M. C...aux autorités italiennes vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment son article L. 742-3. Il mentionne que l'état de santé de l'intéressé n'est pas incompatible avec son transfert vers l'Italie, pays où il pourra recevoir les soins appropriés à son état. Dans ces conditions, l'arrêté portant remise de M. C...aux autorités italiennes comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde. Il est, par suite, suffisamment motivé.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " Réponse à une requête aux fins de prise en charge - (...) 1. L'Etat membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête ( ...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée. ".
6. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la copie de la réponse automatique " Dublinet " accusant réception de la demande de transfert de M. C...aux autorités italiennes produit par le préfet, que cette demande a été faite le 11 octobre 2017. Un accord implicite de l'Italie est né deux mois après cette requête, conduisant au constat de l'accord implicite des autorités italiennes, le 12 décembre 2017. Ces mêmes autorités en ont été informées via " Dublinet " le 13 décembre 2017. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté en cause méconnait les dispositions du 1 de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013, en ce qu'il serait intervenu avant le délai de deux mois prévu par ces dispositions.
7. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 visé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) ".
8. M. C...soutient qu'il souffre de problèmes de santé, liés à une épilepsie dont il serait atteint depuis l'âge de 7 ans. Toutefois, l'Italie bénéficie d'équipements médicaux et d'infrastructures sanitaires similaires à ceux de la France et aucune des pièces produites par le requérant ne permet d'établir qu'il ne pourrait pas bénéficier en Italie de soins appropriés à son état de santé et d'un suivi médical adapté, eu égard notamment à sa situation de demandeur d'asile. En outre, les affirmations de l'intéressé selon lesquelles il aurait été privé de soins lors de son passage en Italie ne sont corroborées par aucun élément. Il ressort également des pièces du dossier que le problème de l'interruption du traitement ne se pose pas, dans la mesure où la posologie et l'administration du médicament pris par M. C... ne nécessite aucune précaution ou manipulations particulières, le Dépakine étant auto-administré par voie orale et l'ordonnance du requérant ayant été renouvelée pour une durée d'un an. Le requérant ne présente à l'appui de ses allégations selon lesquelles l'arrêté en litige méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aucun élément relatif à sa situation personnelle et familiale. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté portant décision de transfert serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement européen n° 604/2013 du 26 juin 2013 ou de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence :
10. Les moyens dirigés contre la décision portant remise aux autorités italiennes ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. C...à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant assignation à résidence ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire de M. C....
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- Mme Gélard, premier conseiller.
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 janvier 2019.
Le rapporteur,
F. PONSLe président,
J. FRANCFORT
Le greffier,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00616