Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2022, le ministre de l'intérieur demande à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, en application des dispositions des articles R. 811-15 et suivants du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation s'agissant de l'établissement du lien de filiation ; ses déclarations quant à sa situation familiale ont varié, la fiche familiale de référence comporte des ratures ; il est peu vraisemblable que l'enfant ait pu être conçu avant le mariage sans que cette grossesse ait été découverte ; à la supposer cela n'explique pas les omissions auprès de l'OFPRA ; le certificat de naissance du demandeur ne peut être considéré comme un acte de naissance ; le maire signataire du certificat de naissance n'est pas celui en titre au jour de l'établissement de ce certificat ;
- le dossier ne comporte pas d'éléments en faveur d'une possession d'état ;
- ni l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'ont été méconnus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2022, M. F... B... et Mme C... E..., représentés par Me Régent, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans les quinze jours de l'ordonnance à intervenir et à ce que soit mise à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à leur avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Ils soutiennent qu'aucun des moyens soutenus par le ministre de l'intérieur n'est fondé.
Par décision du 19 janvier 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Nantes (section administrative) a admis M. F... B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- la requête n° 22NT00040, enregistrée au greffe de la cour le 6 janvier 2022, par laquelle le ministre de l'intérieur a demandé l'annulation du même jugement.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2022 :
- le rapport de M. Francfort ;
- et les observations de Me Régent, pour M. F... B... et Mme C... E....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". Aux termes de l'article R. 222-25 du même code : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17. ".
2. M. F... B..., ressortissant somalien né le 5 mai 1984, s'est vu admettre en France au bénéfice de la protection subsidiaire en 2010. Mme C... E..., son épouse, ressortissante somalienne née le 7 juin 1984, s'est vu reconnaître en France la qualité de réfugiée. La délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour en vue de les rejoindre a été sollicitée en faveur d'Abdirahman Mohamed Mahmoud, présenté comme leur fils. A... refus lui a été opposé par les autorités consulaires françaises de Djibouti. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, saisie du recours administratif préalable obligatoire prévu à l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, repris à l'article D. 312-3 du même code, a rejeté le recours dirigé contre ce refus par décision du 24 février 2021. Par jugement du 27 décembre 2021 le tribunal administratif de Nantes a annulé le refus de visa du 24 février 2021 et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de deux mois. Par la présente requête le ministre de l'intérieur demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
3. Pour annuler le refus de visa opposé à la demande présentée pour la jeune D..., les premiers juges ont considéré que, contrairement à ce qu'avait apprécié la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, le lien de filiation entre le jeune d'Abdirahman Mohamed Mahmoud et M. F... B... et Mme C... E... devait être regardé comme établi.
4. En l'état de l'instruction aucun des moyens de la présente requête, tels qu'ils sont analysés ci-dessus, n'est susceptible d'entraîner l'annulation de ce jugement.
5. Par voie de conséquence le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du 27 décembre 2021 du tribunal administratif de Nantes.
6. Par ailleurs les conclusions de M. F... B... et Mme C... E... tendant à voir ordonner au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables, dès lors qu'elles ne correspondent pas à l'office du président de chambre statuant sur les demandes de sursis à exécution mentionnées à l'article R. 811-15 du code de justice administrative.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme au titre des frais engagés pour l'instance, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. F... B... et Mme C... E... sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. F... B... et Mme C... E... en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... B... et Mme C... E....
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.
Le président-rapporteur,
J. FRANCFORTLe greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 22NT00041