Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 20 août 2020, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2008655 du 7 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a estimé qu'il n'avait pas procédé à un examen sérieux de la situation de M. B... et qu'il avait entaché son arrêté d'une erreur de fait ;
- les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est un ressortissant ivoirien, né le 23 janvier 1988, entré en France, selon ses déclarations, en février 2017. Il a fait l'objet, le 9 février 2019, d'un arrêté portant obligation de quitter sans délai le territoire français et fixant le pays de renvoi, puis, le 10 juillet 2019, il a lui été interdit de retourner sur le territoire français pendant une période de trente-six mois. Le 16 juin 2020 M. B... a été placé en rétention aux fins d'exécution d'office de l'arrêté portant interdiction de retour et, le 20 juin 2020, alors qu'il se trouvait toujours en rétention administrative, il a présenté une demande d'asile. Le 20 juin 2020, le préfet de police a décidé de le maintenir en rétention pendant le temps nécessaire à l'instruction de sa demande de protection internationale par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Le préfet de police fait appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette décision.
Sur le moyen d'annulation retenu par le premier juge :
2. Pour annuler l'arrêté du 20 juin 2020 par lequel le préfet de police a maintenu M. B... en rétention administrative, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a estimé que le préfet de police avait entaché sa décision d'un défaut d'examen sérieux et approfondi de la situation de l'intéressé en relevant que celui-ci ne faisait pas été de risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine alors qu'il avait précédemment déposé des demandes d'asile en Italie, le 22 septembre 2016, puis en Suisse et en Allemagne avant d'effectuer trois demandes auprès des autorités françaises.
3. Il ressort toutefois des pièces du dossier que lors de son audition par les services de police le 9 février 2019, M. B... a indiqué avoir quitté son pays d'origine " pour pouvoir trouver une vie meilleure " et vouloir " repartir chez [lui] en Côte d'Ivoire car ici c'est trop compliqué, à chaque fois j'ai des problèmes et j'en ai marre de fuir ". De même, lors de son audition par les services de police le 20 juin 2019, il a indiqué avoir annulé sa demande d'asile en Suisse et être venu en France pour " chercher du travail ". Dans ces conditions, la seule circonstance que le préfet de police a mentionné de manière inexacte que M. B... n'avait " jamais fait état de risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine préalablement à la prise de la mesure d'éloignement " n'est pas suffisante pour révéler un défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé, alors que l'arrêté du 20 juin 2020 expose par ailleurs sa situation individuelle. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge, estimant que la décision de maintien en rétention contestée était entachée d'un défaut d'examen sérieux de la situation de M. B..., a annulé l'arrêté en litige pour ce motif.
4. Il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. B....
Sur les autres moyens invoqués par M. B... en première instance :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente, de placement en rétention, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien, de placement ou de transfert, ou dans le procès-verbal prévu au quatorzième alinéa du I de l'article L. 611-1-1. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. ".
6. Il ressort des mentions figurant sur l'arrêté du 20 juin 2020 que M. B..., francophone, a pris connaissance du contenu de l'arrêté après en avoir fait lui-même la lecture et qu'il a été informé de la possibilité de demander l'assistance d'un interprète. Il ne ressort ni de ces mentions ni des procès-verbaux d'audition de l'intéressé qu'il aurait indiqué à l'agent qui lui a notifié l'arrêté litigieux et aux officiers de police judiciaire qu'il ne lisait pas suffisamment bien le français. Il suit de là que M. B... n'a été privé d'aucune garantie. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et en particulier l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable à la situation de M. B.... Il expose en outre les circonstances de fait particulières relatives à la situation de l'intéressé. Il précise notamment que M. B... a fait l'objet d'un placement en rétention administrative sur le fondement d'un arrêté du 10 juillet 2019 portant interdiction de retour sur le territoire français qu'il s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il a été " incarcéré à la maison d'arrêt de Paris la Santé pour des faits de violence par une personne agissant sous l'emprise manifeste de stupéfiants sans incapacité, violation de domicile, introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, menace de mort matérialisée par un écrit, une image ou un autre objet, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, exhibition sexuelle et agression sexuelle ". Contrairement à ce que soutient M. B..., la circonstance que cet arrêté comporterait des éléments préremplis ne permet pas de le regarder comme un arrêté stéréotypé de nature à révéler une insuffisance de motivation. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement. Le moyen tiré de son insuffisante motivation doit, par suite, être écarté.
8. En troisième lieu, M. B... invoque l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et allègue que, en l'absence d'audition portant spécifiquement sur ses craintes en cas de retour dans son pays d'origine, la décision de maintien en rétention a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière et en violation du respect du principe du contradictoire dans la procédure préalable. Si les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée. Ce principe n'implique toutefois pas que l'administration mette l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision de le maintenir en rétention administrative pendant le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet de celle-ci, dans l'attente de son départ, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou sur la perspective de l'éloignement. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, il aurait été empêché, depuis son placement en rétention le 16 juin 2020, ou depuis l'expression, le 20 juin 2020, de son intention de demander l'asile, d'émettre toutes observations utiles relatives à son maintien en rétention durant l'examen de sa demande d'asile. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance du principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'il est énoncé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger maintenu en centre ou local de rétention administrative qui souhaite demander l'asile est informé, sans délai, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, de la procédure de demande d'asile, de ses droits et de ses obligations au cours de cette procédure, des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ces obligations ou le refus de coopérer avec les autorités et des moyens dont il dispose pour l'aider à présenter sa demande. ". Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013, " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. (...) ". Aux termes de l'article 12 de la directive n°2013/32/UE, " Les Etats membres veillent à ce que tous les demandeurs d'asile bénéficient des garanties suivantes : a) ils sont informés, dans une langue qu'ils comprennent ou dont il est raisonnable de supposer qu'ils la comprennent, de la procédure à suivre et de leurs droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de leurs obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. ".
10. M. B... soutient qu'il ne s'est pas vu remettre d'informations relatives à la procédure de demande d'asile. Toutefois, la méconnaissance, à la supposer établie, de la procédure relative à la demande d'asile d'un étranger placé en rétention administrative est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée portant maintien en rétention, qui s'apprécie à la date de son édiction. Dès lors le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas reçu l'information prévue par les dispositions mentionnées ci-dessus ne peut qu'être écarté.
11. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger placé en rétention en application de l'article L. 551-1 présente une demande d'asile, l'autorité administrative peut procéder pendant la rétention à la détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande conformément à l'article L. 742-1 et, le cas échéant, à l'exécution d'office du transfert dans les conditions prévues à l'article L. 742-5. Si la France est l'Etat membre responsable de l'examen de cette demande et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ. (...). La décision de maintien en rétention est écrite et motivée ".
12. Il ressort de ces dispositions que, hors le cas particulier où il a été placé en rétention en vue de l'exécution d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, prise en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit en principe être mis fin à la rétention administrative d'un étranger qui formule une demande d'asile. Toutefois, l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre.
13. M. B... fait valoir qu'il n'a pas présenté sa demande d'asile dès son arrivée sur le territoire français car, ne disposant d'aucun accompagnement, il ne savait pas quelles démarches entreprendre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des résultats de la consultation du fichier Eurodac et des propres déclarations de l'intéressé devant les services de police, que M. B... a présenté des demandes d'asile en France le 3 avril 2017 et les 3 et 19 septembre 2018. Le préfet de police affirme également, sans être contredit, que M. B... s'est vu délivrer une attestation de demande d'asile valable jusqu'au 4 septembre 2017, dont il n'a pas sollicité le renouvellement et qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 9 février 2019, prise par le préfet des Bouches-du-Rhône. Compte tenu en outre de ce qui a été exposé ci-dessus au point 3, la nouvelle demande d'asile présentée par M. B... le 20 juin 2020, alors qu'il était en rétention, a pu légalement être regardée par le préfet de police comme ayant été formée dans le seul but de faire échec à l'exécution d'une nouvelle mesure d'éloignement.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 20 juin 2020 par lequel le préfet de police a ordonné son maintien en rétention administrative pendant le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile. Les conclusions de M. B... devant le tribunal administratif de Paris ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 2008655 du 7 juillet 2020 tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C... B....
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er avril 2021.
Le président,
J. LAPOUZADE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20PA02357 2