- d'une part, l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le maire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni a accordé un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à la société Guyadial, ensemble le rejet de leur recours gracieux formé contre cette décision,
- et, d'autre part, l'arrêté du 25 avril 2018, par lequel le maire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni a accordé un permis de construire modificatif à la société Guyadial,
- ainsi qu'à la charge de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni une somme de 7 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que leur requête est recevable, l'association " En toute franchise département de la Guyane " et Mme A... ayant intérêt à agir contre les décisions attaquées.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 octobre 2020, la commune de Saint-Laurent-du-Maroni, représentée par Me C..., conclut, à titre principal à l'irrecevabilité de la requête, et à titre subsidiaire à son rejet au fond.
Elle fait valoir que :
- les requérants n'ont pas intérêt à agir ;
- les moyens ne sont pas fondés.
Par un courrier du 12 novembre 2020, les parties ont été informées que la Cour était susceptible de faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme eu égard, d'une part, au moyen articulé à l'encontre de l'arrêté attaqué, tiré de l'erreur commise portée par la commission nationale d'aménagement commercial dans l'appréciation qu'elle a portée sur le critère d'évaluation mentionné à l'article L. 752-6 du code de commerce, relatif à l'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone et, d'autre part, à la possibilité de régulariser ce vice.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- les observations de Me Azkoul, avocat de l'assocations en toute franchise département de Guyane et autres,
- et les observations de Me F..., avocat de la SARL Guyadial.
Considérant ce qui suit :
1. Le 5 février 2016, la société Guyadial a présenté une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, en vue de réaliser, dans la commune de Saint-Laurent-du-Maroni, ZAE/ZAC Saint-Maurice, route de Paul Isnard, un ensemble commercial de 7 789 mètres carrés de surface totale de vente, comprenant un hypermarché de 2 939 mètres carrés, deux moyennes surfaces de 2812 m² au total pour l'équipement de la personne, de la maison ou le bricolage, jardinerie-animalerie et d'une galerie marchande de 22 boutiques d'équipement de la personne, de la maison, fournitures scolaires et de bureaux, de 2 038 m². La commission départementale d'aménagement commercial a rendu un avis favorable à ce projet le 2 mai 2016. Saisie par l'association " En toute franchise département de la Guyane ", M. G..., gérant de la société Distrimatik et Mme A..., exploitante de la supérette du Lac, la Commission nationale d'aménagement commercial a également rendu un avis favorable au projet le 24 novembre 2016. Par un arrêté du 18 avril 2017 n° PC 973 311 16 20010, le maire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni a délivré à la société Guyadial le permis de construire sollicité. L'association " En toute franchise département de la Guyane " M. G... et Mme A... ont demandé à la Cour, par une requête enregistrée le 10 octobre 2017, l'annulation, d'une part, de cet arrêté en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, ainsi que, d'autre part, celle de l'arrêté du 25 avril 2018 n° PC 973 311 16 20010 M02, par lequel le maire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni a accordé à la société Guyadial un permis de construire modificatif. Par un arrêt avant dire droit du 19 mai 2020, la cour, a sursis à statuer sur cette requête pour permettre aux parties de produire tout élément relatif à la programmation générale de la ZAC-ZAE Saint-Maurice, en termes de réseaux routiers, d'équipements et de logements, à sa desserte par les transports en commun et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone, et, à l'état d'avancement de ce programme à la date des décisions contestées.
Sur la recevabilité de la requête :
2. Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'État dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. (...) ".
3. Dans l'hypothèse où des conclusions communes sont présentées par des requérants différents dans une même requête, il suffit que l'un des requérants soit recevable à agir devant la juridiction pour qu'il puisse, au vu d'un moyen soulevé par celui-ci, être fait droit à ces conclusions. M. G..., s'est présenté dans la requête introductive d'instance en sa qualité de gérant de la société Distrimatik, qui exploite un commerce à l'enseigne de " Maison du Café ". Ce commerce, spécialisé dans les produits de cafétéria, vente de café au détail et machines à café, est situé avenue Félix Eboué dans la commune considérée. Dès lors, M. G..., en tant que gérant de cette société, justifie d'un intérêt à agir contre les permis de construire contestés valant autorisation d'exploitation commerciale, son commerce étant situé dans la zone de chalandise du projet d'ensemble commercial et son exploitation étant susceptible d'être affectée par la concurrence de l'hypermarché projeté, dont il n'est pas allégué que la vente ne s'étendrait pas à ces mêmes produits. Les autres fins de non-recevoir opposées par la commune de de Saint-Laurent-du-Maroni et par la société Guyadial aux conclusions de la requête, en tant qu'elle est présentée par l'association " En toute franchise département de la Guyane " et Mme A..., sont ainsi et en tout état de cause sans incidence sur la recevabilité de la requête en tant qu'elle est présentée par M. G....
Sur les conclusions à fin d'annulation du permis de construire du 18 avril 2017 valant autorisation d'exploitation commerciale :
4. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...)". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. ". Aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa version en vigueur à la date des décisions de la commission départementale d'aménagement commercial et commission nationale d'aménagement commerciale : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. (...) / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II. - À titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. ".
En ce qui concerne la composition du dossier de demande d'autorisation :
5. Aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : /2° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : / a) Une carte ou un plan indiquant les limites de la zone de chalandise, accompagné : / - des éléments justifiant la délimitation de la zone de chalandise ; (...) ". Aux termes de l'article R. 752-3 du même code : " Pour l'application du présent titre, constitue la zone de chalandise d'un équipement faisant l'objet d'une demande d'autorisation d'exploitation commerciale l'aire géographique au sein de laquelle cet équipement exerce une attraction sur la clientèle. Elle est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'équipement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques et de la localisation et du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. ".
6. Lorsque la demande d'autorisation porte sur un établissement dont l'implantation est prévue dans une zone frontalière, l'appréciation du projet selon les exigences posées par l'article L. 750-1 du code de commerce et les critères déterminés par les dispositions précitées de l'article L. 752-6 du même code, ne peut prendre en compte d'autres effets que ceux qui pourraient en résulter sur le territoire national. Toutefois, la définition de la zone de chalandise décrite par le pétitionnaire doit tenir compte des conditions objectives d'accès au site, sans que la circonstance qu'une partie de cette zone soit constituée de communes situées hors du territoire national ne justifie à elle seule leur exclusion, dès lors que la frontière qui les sépare ne constitue un obstacle ni géographique ni monétaire à l'accès au site prévu.
7. Le pétitionnaire a déterminé une sous-zone de chalandise correspondant à la zone frontalière du Suriname. Il ressort des pièces du dossier que, les habitants de la ville surinamaise d'Albina utilisant la voie fluviale du Maroni pour se rendre à Saint-Laurent-du-Maroni, cette région fait ainsi partie de la zone de chalandise naturelle du projet, que le pétitionnaire pouvait prendre en compte, et alors que le centre commercial, dont le terrain d'assiette borde la rivière Balaté sera d'ailleurs directement accessible en pirogue, selon la description du projet. Si le pétitionnaire a présenté cette zone comme correspondant à un temps de trajet en voiture inférieur à 20 minutes, qui critère habituellement utilisé pour mesurer les conditions d'accès à l'équipement, il ressort du rapport d'instruction de la commission nationale d'aménagement commerciale que celle-ci a pris en considération la circonstance que l'ensemble commercial serait également accessible, de façon atypique, par la voie fluviale. Dès lors la commission a été en mesure d'apprécier ce critère selon les conditions locales. Il n'est au demeurant pas contesté que le temps de trajet entre cette zone d'Albina et l'équipement commercial est de l'ordre de 20 minutes par ce mode de déplacement.
8. Les requérants critiquent, par ailleurs, l'inclusion d'une sous-zone qualifiée " d'élargie " dans la zone de chalandise, et soutiennent qu'elle n'est pas accessible par route et que la durée du seul transport en bateau est de l'ordre de 8 heures, ce qui n'est pas démenti par les défendeurs. Il ressort du rapport présenté à la commission départementale d'aménagement commercial qu'est retenu comme critère de délimitation de la zone de chalandise un rayon de l'ordre de 45 minutes maximum de trajet-voiture. Comme indiqué ce même rapport l'indique, la sous-zone dite " élargie " regroupe des communes situées à plus de 45 minutes de trajet-voiture ou de navigation de l'équipement commercial, dont la situation excentrée ressort d'ailleurs du plan produit au dossier, et qui n'y a été incluse que dans la mesure où elle se trouve hors d'attraction de l'île de Cayenne. Ainsi, eu égard à ces précisions, et au vu de la clientèle susceptible d'être attirée, hors sous-zone élargie, qui est de l'ordre d'environ 60 000 personne, l'inclusion de cette sous-zone dans la zone de chalandise n'a pu constituer un élément de nature à avoir faussé l'appréciation portée la commission nationale sur l'intérêt du projet en terme commercial.
En ce qui concerne l'appréciation portée par la commission nationale d'aménagement commercial :
9. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet aux objectifs définis à l'article L. 750-1 du code de commerce précité, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du même code. L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.
Quant à l'objectif d'aménagement du territoire :
S'agissant de la localisation du projet et son intégration urbaine :
10. Il ressort des pièces du dossier et notamment des plans et photographies produites que, comme l'a présenté la commission nationale d'aménagement commerciale dans son avis du 24 novembre 2016, le terrain d'assiette du projet était préalablement occupé par une scierie et alors en friche. Si le préfet de la région Guyane a, par un arrêté du 8 mars 2016, prescrit la réalisation d'un diagnostic archéologique compte tenu de la présence de vestiges du camp pénitentiaire de Saint-Maurice occupé entre 1863 et 1949, les modalités éventuelles de conservation de ce patrimoine à l'issue de fouilles préventives ne faisaient pas obstacle à la réalisation du projet comme en fait d'ailleurs état l'avis de l'autorité environnementale du 2 décembre 2016. En l'occurrence, la localisation du centre commercial sur un terrain à l'état d'abandon concourt à l'objectif d'aménagement du territoire de la commune.
S'agissant de la consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement :
11. Aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. ".
12. Les requérants, se présentant en qualité de professionnels dont l'activité est susceptible d'être affectée par un projet d'aménagement commercial, ne peuvent utilement, pour évaluer la consommation économe de l'espace en termes de stationnements, se référer aux dispositions de l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme, relatives à l'emprise au sol des surfaces affectées aux aires de stationnement annexes d'un commerce, dès lors qu'ils soulèvent ainsi un moyen relatif à la régularité du permis en tant qu'il vaut autorisation de construire, et que de tes moyens sont irrecevables à l'appui de conclusions présentées contre le permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale en vertu des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme.
13. Comme il a déjà été dit, il ressort des pièces du dossier que le projet prend place sur un vaste terrain laissé en friche. Il ressort en outre, notamment, des avis consultatifs émis par les personnes publiques lors de l'instruction de la demande de permis de construire que l'emprise foncière de l'ensemble commercial est de 66 079 m2, et que le projet d'hypermarché, de moyennes surfaces et de galerie marchande s'accompagne également de restaurants et d'un cabinet médical, accueillant ainsi sur le site 5 300 personnes par jour environ. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, compte tenu de la fréquentation attendue, que le nombre de 630 emplacements de stationnement total serait excessif et de nature à compromettre la réalisation de l'objectif de consommation économe de l'espace prévu par les dispositions précitées. Enfin, il ressort de l'avis émanant du service risques, énergie, mines et déchets de la préfecture de la région Guyane, que les parkings sont implantés sur une partie de la parcelle soumise au champ d'expansion des crues, ce qui peut réduire sa constructibilité. Dans ce contexte, le moyen tiré de la consommation excessive d'espace par les emplacements destinés aux stationnements doit être écarté.
S'agissant de l'effet sur l'animation de la vie urbaine :
14. Il ressort des pièces du dossier que le projet se situe au sein de la ZAE/ZAC Saint-Maurice, à trois kilomètres du centre-ville, dont l'aménagement est prévu par la municipalité de Saint-Laurent-du-Maroni dans un projet d'accueil d'équipements structurants, dont notamment un lycée, un cinéma et de nombreux logements, destiné à répondre à une forte croissance démographique de la commune. Il est constant que la croissance de la population de Saint-Laurent-du-Maroni s'élève à plus 4% par an, celle-ci devant atteindre 130 000 personnes à l'horizon 2030, alors qu'elle en comptait 41 500 en 2013. Le projet constituera donc une offre de proximité pour les habitants de ce nouveau quartier. A l'échelle de la commune, sont implantés dans le centre-ville de nombreux petits commerces dont la situation fragile est soulignée par les requérants. Un seul supermarché à l'enseigne " Super U " de 1 967 m² existe dans la commune, et contrairement à l'Est de la Guyane autour de Cayenne, il n'existe pas de grands pôles commerciaux dans l'Ouest de la collectivité territoriale. Il est également constant que le secteur est affecté par un fort taux de chômage, que le développement économique y est faible, que la tendance vers la paupérisation de la population est réelle, ainsi que les graves problèmes d'insécurité. Dans ce contexte, l'implantation de cet ensemble commercial ne devrait constituer un facteur de redynamisation économique, susceptible d'avoir des retombées sur l'ensemble de la commune et y compris en son centre-ville, dont les commerces peuvent constituer une offre de proximité complémentaire dans ce secteur qui sera éloigné du centre commercial.
15. Ainsi, il résulte de ce qui précède que le projet litigieux devrait être de nature, en proposant une offre nouvelle, en contribuant à la modernisation des équipements commerciaux, et au confort d'achat du consommateur, à favoriser l'animation commerciale de Saint-Laurent-du-Maroni et à contribuer également à l'aménagement du territoire de la Guyane. L'avis de la commission nationale d'aménagement commerciale, selon lequel " l'équipement commercial restant épars dans la commune, avec une population en très forte croissance ", le projet ne pourrait que revitaliser " un tissu resté à l'écart des évolutions générales du commerce " et participerait à l'animation de la vie urbaine en proposant une offre nouvelle et complémentaire à celle existante dans la commune, n'apparaît donc pas entaché d'une erreur d'appréciation sur ce point.
S'agissant de l'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone :
16. En premier lieu, quant aux flux de transports et aux modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone, il ressort de l'avis de l'autorité environnementale émis 2 décembre 2016 sur le projet, après étude d'impact, qu'une augmentation du trafic routier est attendue, autour du lieu d'implantation du projet, de l'ordre 15% en période normale et jusqu'à 134% le samedi en période de forte affluence. Cet avis conclut toutefois à l'absence d'impacts portant préjudice aux intérêts environnementaux et humains, compte tenu notamment des mesures prises pour l'amélioration des conditions de circulation, et mentionne à ce titre la création de voies de décélérations et d'un rond-point pour l'accès au centre commercial. Il ressort en effet des pièces du dossier, que pour répondre à un avis des services municipaux du 27 avril 2016 soulignant la nécessité de prévoir des aménagements pour la desserte automobile du projet en raison de l'augmentation induite du trafic, le pétitionnaire a prévu, comme l'indiquent les plans du projet datant de juin 2016, que l'aménagement de la route de Paul Isnard intégrerait un rond-point et des voies de décélérations. L'avis de l'autorité environnementale mentionne également que " d'autres améliorations sont attendues de par la réalisation des voiries dans le cadre plus large de la zone d'aménagement concerté Saint-Maurice, mais ne dépendant pas du porteur du projet du centre commercial. ". Le rapport d'instruction du projet devant la commission nationale d'aménagement commerciale mentionne qu'une estimation des flux de circulation a montré que le centre commercial générerait des encombrements qui pourraient être conséquents en période de forte affluence, mais que toutefois ces périodes étaient peu nombreuses dans l'année. Il ressort par ailleurs du compte-rendu de la réunion de la commission nationale d'aménagement commerciale du 24 novembre 2016 que l'adjoint au maire auditionné a informé cette commission du projet de construction, sur la zone d'aménagement concerté Saint-Maurice, de 3 000 logements, et de l'aménagement de la voirie en conséquence, ainsi que de la construction d'un lycée avec création concomitante d'une route.
17. Le dossier ne comporte pas de pièces susceptibles de démontrer que les assurances ainsi données, quant à la régulation du trafic par l'aménagement de voiries liées à la programmation de la zone d'aménagement concerté Saint-Maurice, reposaient sur des éléments suffisamment certains à la date à laquelle la commission nationale d'aménagement commerciale s'est prononcée sur le permis de construire qui lui était soumis, n'ont pas été produites au dossier. En effet, les seules pièces produites sur le fondement de l'arrêt avant dire droit du 19 mai 2020, et en particulier une attestation émanant du maire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni en date du 5 août 2020, se bornent à mentionner, d'une part, que la zone d'aménagement concerté Saint-Maurice est en cours de réalisation, s'agissant notamment de la construction de logements et que la réalisation de la voirie pour sa desserte est terminée et, d'autre part, que la route du Lac bleu qui dessert le projet de centre commercial, et dont les travaux sont programmés pour la fin de l'année 2020, intègre des trottoirs et pistes cyclables. Ces éléments, qui sont très postérieurs à l'avis de la commission nationale d'aménagement commerciale, ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à démontrer que cette dernière avait connaissance, lorsqu'elle a rendu son avis, d'éléments de programmation suffisamment certains relatifs à l'aménagement de la zone d'aménagement concerté pour pouvoir se prononcer en toute connaissance de cause sur le critère de l'effet du projet sur les flux de transports et les modes de déplacement doux.
18. En second lieu, quant à l'accessibilité du projet par les transports collectifs, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du mémoire produit par la société Guyadial en réponse à l'arrêt avant dire droit que, si un arrêt de bus est prévu dans le projet pour desservir le centre commercial, la commune de Saint-Laurent-du-Maroni ne bénéficie pas à ce jour de services de transports en commun de ce type. Compte tenu des particularités des communes de la Guyane en matière de transports en commun, cette circonstance n'est toutefois pas de nature, au cas d'espèce, de faire à elle seule obstacle à l'octroi de l'autorisation sollicitée. Par ailleurs, comme il a été dit au point précédent, la route du Lac bleu, qui dessert le projet, est pourvue de pistes cyclables, pour autant que de telles pistes puissent être effectivement utilisées dans les conditions climatiques locales.
19. Les requérants sont donc fondés à soutenir que la conformité du projet au critère d'évaluation de l'objectif d'aménagement du territoire, dans sa branche relative à l'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone, est entachée d'erreur d'appréciation.
Quant à l'objectif de développement durable :
20. Le rapport d'instruction devant la commission nationale d'aménagement commerciale relève, au titre de l'imperméabilisation des sols, que projet le comportera 28% d'espaces verts, et dans son avis, la commission retient que le risque d'inondation sera limité aux pontons d'accostage des pirogues et aux berges végétalisées. Il ressort notamment de l'étude d'impact réalisée en septembre 2016 qu'un bassin de rétention des eaux pluviales est prévu au sud-est de la parcelle, et que l'impact du projet sur les rejets d'eaux pluviales est jugé, faible. Si les requérants font valoir que la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la préfecture, a émis en avril 2016, soit antérieurement à la réalisation de l'étude d'impact, un avis défavorable au projet en raison de son absence d'autorisation au titre de la législation sur l'eau, cette circonstance, qui concerne l'exécution des travaux autorisés, est sans influence sur la légalité du permis de construire contesté, ce dernier prévoyant d'ailleurs à son article 6 que la réalisation des travaux est différée tant que l'autorisation afférente n'a pas été délivrée. Dans ces conditions, la commission nationale a pu estimer, sans erreur d'appréciation, et même en l'absence d'autorisation au titre de la législation sur l'eau, que le projet en cause ne compromettait pas l'objectif de développement durable s'agissant de la gestion des eaux pluviales et de l'imperméabilisation des sols.
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :
21. En vertu du dernier alinéa de l'article L. 752-15 du code de commerce dans sa version en vigueur à la date du permis modificatif attaqué, une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale est nécessaire " lorsque le projet, en cours d'instruction ou dans sa réalisation, subit des modifications substantielles, du fait du pétitionnaire, au regard de l'un des critères énoncés à l'article L. 752-6, ou dans la nature des surfaces de vente. ", et aux termes du deuxième alinéa du I de l'article L. 752-17 du même code relatif à la saisine de la commission nationale d'aménagement commerciale : " La commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. (...) ".
22. Il ressort du rapport d'instruction de la commission nationale d'aménagement commerciale que cette dernière a pris en compte la création d'un rond-point et de voies de décélération desservant le projet au nord-ouest tel qu'il était mentionné au plan masse qui lui a été soumis et dont le financement par une participation s'inscrivant dans le cadre de la notion d'équipement public exceptionnel a été discuté devant elle. Cette modification de l'accès au centre commercial avait été demandée par le directeur des services techniques de la ville dans le cadre de l'instruction du permis de construire. Dès lors que la commission nationale d'aménagement commerciale a eu connaissance de cette modification, et compte tenu de ce que son avis s'est substitué à celui de la commission départementale d'aménagement commercial en vertu des dispositions précitées de l'article L. 752-17 du code de commerce, la circonstance que cette évolution du projet n'ait pas été présentée à la commission départementale, alors au demeurant qu'elle ne constituait pas une modification " du fait du pétitionnaire " au sens des dispositions précitées de l'article L. 752-15 du code de commerce, mais répondait à une demande des services techniques de la commune afin d'assurer la sécurité de la circulation aux abords du centre commercial, est sans incidence sur la légalité du permis de construire attaqué en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale. Ainsi, les moyens tirés respectivement de l'incompétence du maire pour prendre cette décision faute de consultation de la commission départementale d'aménagement commercial, et de l'irrégularité de la procédure suivie, doivent être écartés.
23. Il résulte de tout ce qui précède que seul le moyen tiré de l'erreur dans l'appréciation de la conformité du projet au critère d'évaluation de son effet sur les flux de transports, est de nature à justifier l'annulation du permis de construire litigieux du 18 avril 2017 et du rejet du recours gracieux formé par les requérants contre ce permis.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
24. En vertu des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : "Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. (...) ".
25. Il résulte de ce qui a été dit au point 17 que seul le vice d'erreur dans l'appréciation de la conformité du projet au critère de son effet sur les flux de transports, et son accessibilité par les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone, entache d'illégalité l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le maire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni a délivré à la société Guyadial un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale. Un tel vice est susceptible de faire l'objet d'une régularisation par la délivrance d'un permis modificatif.
26. Dans ces conditions, il y a lieu, en l'espèce, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du permis de construire, afin de permettre la régularisation du vice tiré de l'erreur d'appréciation susmentionnée, par l'édiction d'un permis modificatif, après une nouvelle consultation de la commission nationale d'aménagement commerciale sur les effets du projet sur les flux de transports, et son accessibilité par les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone, et d'impartir à cet effet à la société Guyadial un délai de six mois, courant à compter de la notification du présent arrêt, aux fins de notifier à la Cour la modification du permis de construire du 18 avril 2017 qu'elle aura obtenue.
Sur les conclusions à fin d'annulation du permis de construire modificatif du 25 avril 2018 :
27. Il ressort du permis modificatif du 25 avril 2018 qu'il se borne à mettre à la charge du pétitionnaire une participation de 600 000 euros au titre des équipements exceptionnels nécessités par son projet, et à prévoir la réalisation des travaux du giratoire par la commune. Dans ces conditions, ces modifications apportées au projet, qui ne sont pas substantielles et qui en tout état de cause ne concernent que l'autorisation de construire, n'exigeaient nullement qu'une nouvelle demande soit formée par la société Guyadial devant la commission départementale d'aménagement commercial. Les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 752-15 du code de commerce, de l'irrégularité de la procédure suivie, et de l'incompétence du maire pour prendre cette décision, doivent être écartés.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de l'association " En toute franchise département de la Guyane ", et M. B... G..., et de Mme E... A... jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la notification du présent arrêt pour permettre à la société Guyadial de notifier à la Cour un permis modificatif régularisant l'arrêté du maire de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni du 18 avril 2017.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " En toute franchise département de la Guyane " M. G... et Mme A..., à la commune de Saint-Laurent-du-Maroni et à la société Guyadial.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. D..., président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- Mme Renaudin, premier conseiller,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.
Le président de la formation de jugement,
Stéphane D...
La République mande et ordonne au préfet de la Guyane, préfet de la région Guyane, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 17PA023292 2