Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 septembre 2020, la société civile agricole CITI, représentée par la société d'avocats Lexcal, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1900524 du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de condamner la commune de Voh à lui verser une somme de 10 000 000 F CFP, en réparation de son préjudice ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Voh le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le maire de Voh a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune en faisant figurer, sur le certificat d'urbanisme, la double indication de la revendication du clan de la tribu de Ouengo et de son avis défavorable à toute vente, dès lors que de telles mentions ne peuvent légalement être portées sur un tel document ;
- cette faute lui a causé un préjudice, la propriété étant désormais dépourvue de toute valeur vénale ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit, dès lors que la revendication de la propriété devait être présentée dans le cadre de loi du 29 décembre 1990 ;
- son préjudice peut être évalué à la somme de 10 000 000 F CFP, correspondant à la valeur convenue librement dans le compromis de vente de décembre 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2020, la commune de Voh, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 400 000 francs F CFP à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code civil ;
- la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998, notamment son article 94 ;
- la loi n° 90-1247 du 29 décembre 1990 portant suppression de la tutelle administrative et financière sur les communes de Nouvelle-Calédonie et dispositions diverses relatives à ce territoire, notamment son titre V ;
- le décret n° 89-571 du 16 août 1989 pris en application de l'article 94 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 et relatif à l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier ;
- le code de justice administrative ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société civile agricole CITI a signé un compromis de vente le 12 décembre 2018 avec M. et Mme A... en vue de la cession d'un terrain qu'elle possède à Voh. Cette vente n'ayant pu aboutir, elle a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie la condamnation de la commune de Voh à lui verser une somme de 10 000 000 F CFP, en réparation du préjudice que lui a causé la mention " NB : Terrain faisant l'objet de revendications par les clans de la tribu de Ouengo. / DÉFAVORABLE A TOUTE VENTE ", apposée à la fin de la note de renseignement d'urbanisme établie par le maire de Voh le
6 février 2019, à la demande du notaire ayant assisté les signataires du compromis. Le tribunal administratif ayant rejeté cette demande par un jugement du 25 juin 2020, la société civile agricole CITI en relève appel devant la Cour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il résulte de l'instruction que le compromis de vente signé le 12 décembre 2018 soumettait l'effectivité de la vente du bien en faisant l'objet à la réalisation de plusieurs clauses suspensives, dont l'obtention d'un prêt bancaire par l'acquéreur en vue du financement du prix de vente et des frais notariés. Le notaire n'ayant pas été informé de l'obtention dudit prêt, non plus que rendu destinataire des fonds nécessaires à l'acquisition du bien, et sans que l'instruction établisse que l'acquéreur aurait renoncé au bénéfice de la vente du bien au seul motif de sa revendication par les clans de la tribu de Ouengo, la requérante n'établit pas, en tout état de cause, que le préjudice dont elle demande réparation trouverait son origine dans le contenu de la note de renseignement d'urbanisme établie par le maire de Voh le 6 février 2019.
3. En outre, il résulte également de l'instruction, et notamment d'un courriel adressé le 29 octobre 2019 par les services de l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier à ceux de la mairie de Voh, non contesté par la société requérante, que cette dernière a proposé à l'établissement public l'acquisition du bien en cause, et que la procédure était toujours en cours en octobre 2019. Il s'ensuit que le préjudice allégué, qui résulterait de l'impossibilité de toute vente du bien n'apparaît pas établi.
4. Il résulte de ce qui précède que la société civile agricole CITI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté, par le jugement attaqué, ses conclusions à fins de condamnation de la commune de Voh à l'indemniser du préjudice qu'elle estime avoir subi
Sur les frais du litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société civile agricole CITI, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Voh fondées sur les mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société civile agricole CITI et les conclusions de la commune de Voh fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile agricole CITI et à la commune de Voh.
Copie en sera adressée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.
Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. B..., président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2021.
Le président,
J. LAPOUZADE
La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20PA02788