Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 17 mai et 21 juin 2018 et 11 mars 2019, la société Ludo vert, représentée par Me Job, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°1601566 du 15 mars 2018 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision par laquelle la société Le Jardin d'acclimatation a privé d'effet la prorogation des conventions de sous-concession, décision emportant la résiliation de ces sous-conventions à la date du 6 décembre 2015 ;
3°) d'annuler la décision du 18 janvier 2016 par laquelle la société Le Jardin d'acclimatation l'a, avec un effet immédiat, dépossédée de ses matériels forains ;
4°) d'enjoindre à la société Le Jardin d'acclimatation de la rétablir dans son droit à disposer librement de ses biens, notamment ses matériels forains, dans un délai maximum de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de la société Le Jardin d'acclimatation une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier, la minute du jugement n'étant pas signée conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il n'a pas pris en compte les éléments essentiels qu'elle a invoqués en première instance ;
- s'agissant de la décision de résiliation des sous-conventions, la prolongation du contrat de concession liant la ville de Paris et la société du Jardin d'acclimatation a eu pour effet de prolonger automatiquement les contrats de sous-concession et le refus de reconnaître cette prorogation emporte décision de résiliation ; le tribunal a confondu " prorogation " et " renouvellement " ; l'arrivée du terme du contrat le 10 octobre 2016 et l'abandon de ses conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles ne rendent ni sans objet, ni irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation, lesquelles en toute hypothèse doivent être interprétées comme tendant à constater l'illégalité de la décision de résiliation, constat d'illégalité ouvrant droit à l'indemnisation des préjudices subis ;
- s'agissant de l'acte du 18 janvier 2016 qui l'a dépossédée de ses manèges, ces derniers sont ses biens propres et ne pouvaient être qualifiés de biens de retour.
Par des mémoires en défense enregistrés les 5 novembre 2018 et 15 mars 2019, la société Le Jardin d'acclimatation, représentée par la SCP Monod, Colin, Stoclet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Ludo vert une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la demande d'annulation d'une décision de résiliation :
- l'utilisation par le tribunal administratif du terme " renouvellement " en lieu et place de " prorogation " procède d'une simple erreur matérielle sans incidence ;
- les conclusions de la société Ludo vert tendant à l'annulation d'une prétendue décision de résiliation sont irrecevables car la sous-convention ayant pris fin le 6 décembre 2015 à son terme normal, aucune décision de résiliation n'existe ;
- à supposer que l'on admette que la sous-convention ait été prorogée jusqu'au 10 octobre 2016 comme le soutient la société Ludo vert, les conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation intervenue en cours de contrat sont également irrecevables, la société ayant abandonné sa demande en reprise des relations contractuelles ; elles sont en outre devenues sans objet puisque le terme de la sous-convention est, selon la requérante elle-même, dépassé ;
- le juge du contrat ne peut que rechercher si la mesure d'exécution du contrat peut ouvrir droit à indemnité, or la société Ludo vert n'a pas formulé de conclusions indemnitaires, lesquelles seraient au demeurant nouvelles en appel et irrecevables ;
- à supposer que la société Ludo vert ait entendu contester un refus de renouvellement de son contrat arrivé à son terme, ces conclusions seraient irrecevables, le juge du contrat ne pouvant dans un tel cas qu'être saisi de conclusions indemnitaires ;
- la demande d'annulation de la prétendue décision de résiliation est infondée ;
S'agissant de la demande d'annulation d'une décision du 18 janvier 2016 de transfert des matériels forains :
- le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments, d'ailleurs inopérants, invoqués par la société Ludo vert à l'appui du moyen tiré de ce que ses matériels ne constituaient pas des biens de retour ; le jugement est suffisamment motivé ;
- les conclusions de la société Ludo vert sont irrecevables car dirigées contre une décision inexistante ; en tout état de cause, il s'agirait d'une mesure d'exécution du contrat qu'il n'appartient pas au juge du contrat d'annuler ; aucune conclusion indemnitaire n'a été formulée à son encontre ;
- il ne fait aucun doute que les matériels en cause sont des biens de retour revenant à la Ville de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Renaudin,
- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,
- et les observations de Me Job, avocat de la société Ludo vert et de Me Monod, avocat de la société Le Jardin d'acclimatation.
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Jardin d'acclimatation, concessionnaire de la Ville de Paris pour l'exploitation du parc d'attractions du Bois de Boulogne dénommé " jardin d'acclimatation ", a vu sa concession renouvelée par une convention du 6 décembre 1995, conclue pour une durée de vingt ans et l'autorisant à conclure des sous-conventions d'occupation du domaine public. Cette société a ainsi signé le 29 juillet 1997, pour une durée de quatorze ans, avec la société Ludo vert d'une part et avec la SARL Loisirs créations d'autre part, deux " contrats de sous-concession " d'emplacements du domaine public pour y aménager et y exploiter respectivement deux boutiques, seize stands forains et un restaurant, et vingt-six jeux et attractions ainsi qu'un local atelier-réserve. La SARL Loisirs créations a été absorbée en 2004 par la société Ludo vert avec laquelle la convention de sous-occupation s'est poursuivie. Par un avenant du 21 juillet 2006, la durée des sous-conventions a été modifiée et portée à " la même durée ferme que celle de la concession consentie à la société Le Jardin d'acclimatation par la ville de Paris, soit jusqu'au 5 décembre 2015 ". La concession consentie à la société Le Jardin d'acclimatation par la ville de Paris a été prolongée jusqu'au 5 septembre 2016 par un avenant signé le 19 mai 2015, puis jusqu'au 10 octobre 2016, date de prise d'effet d'un nouveau contrat conclu après mise en concurrence.
2. La société Ludo vert ayant refusé de signer l'avenant aux sous-conventions que lui proposait la société Le Jardin d'acclimatation pour permettre la poursuite de ses activités jusqu'au 5 septembre 2016, celle-ci lui a signifié qu'elle était considérée comme occupante sans titre du domaine public à compter du 6 décembre 2015. La société Ludo vert a alors, par un courrier du 16 janvier 2016, informé la société concessionnaire qu'elle cesserait son exploitation des activités foraines et procéderait au démontage de ses manèges le 18 janvier 2016. Les représentants de la société Le Jardin d'acclimatation se sont opposés sur place au démontage des manèges et, dans une notice d'information datée du 19 janvier 2016, cette société a signifié aux salariés de la société Ludo vert que leurs contrats de travail lui étaient transférés et leur a enjoint de ne pas participer à la tentative de démontage des manèges, dès lors qu'il s'agissait de biens appartenant à la Ville de Paris. La société Ludo vert a saisi le tribunal administratif de Paris de demandes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision par laquelle la société Le Jardin d'acclimatation aurait résilié avant son terme les conventions de sous-occupation, d'autre part de la décision du 18 janvier 2016 par laquelle elle l'aurait dépossédée de ses matériels. Par jugement du 15 mars 2018, dont la société Ludo vert relève appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.
Sur la régularité du jugement :
3. Il ressort du dossier de procédure que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience conformément aux dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'expédition du jugement notifiée par le greffier à la société Ludo vert ne comporterait pas les signatures exigées sur la minute du jugement est sans incidence sur la régularité de ce dernier.
4. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société Ludo vert à l'appui de ses moyens, ni aux moyens inopérants, ont répondu de façon suffisamment précise et sans omission à statuer à l'ensemble des conclusions dont ils étaient saisis. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit être écarté.
Au fond :
En ce qui concerne la demande d'annulation d'une décision de résiliation du contrat :
5. Le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles. Cette exception ne s'étend pas aux mesures d'exécution du contrat qui n'ont ni pour objet, ni pour effet de mettre unilatéralement un terme à une convention en cours.
6. Dès lors que la société Ludo vert a abandonné en cours d'instruction devant le tribunal administratif ses conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles, du fait de l'arrivée à son terme, le 10 octobre 2016, de la convention principale entre la société Le Jardin d'acclimatation et la Ville de Paris, sur laquelle elle estimait calée la durée de sa propre sous-convention, les conclusions tendant à l'annulation d'une supposée décision de résiliation de la sous-convention qui serait née d'un refus de prorogation automatique de cette dernière, n'étaient pas recevables et ne pouvaient qu'être rejetées.
En ce qui concerne la demande d'annulation de " l'acte du 18 janvier 2016 " par laquelle la société Le Jardin d'acclimatation aurait dépossédé la société Ludo vert de ses matériels forains :
7. Comme il a été dit au point 5, le juge du contrat, saisi d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Les conclusions de la société Ludo vert tendant à l'annulation de l'acte par lequel la société Le Jardin d'acclimatation a fait obstacle au démontage de manèges qu'elle estimait être des biens de retour ne sont pas recevables dès lors que le juge du contrat n'a pas le pouvoir d'annuler un tel acte, qui se rattache à l'exécution du contrat et ne peut donc donner lieu qu'à un litige indemnitaire.
8. Il résulte de ce qui précède que la société Ludo vert, dont les demandes étaient irrecevables, n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris les a rejetées. Sa requête d'appel, y compris les conclusions à fins d'injonction, ne peut qu'être rejetée.
Sur les frais liés à l'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Le Jardin d'acclimatation, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Ludo vert demande au titre des frais qu'elle a exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Ludo vert une somme de 1 500 euros à verser à la société Le Jardin d'acclimatation.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Ludo vert est rejetée.
Article 2 : La société Ludo vert versera une somme de 1 500 euros à la société Le Jardin d'acclimatation au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ludo vert et à la société Le Jardin d'acclimatation.
Délibéré après l'audience du 19 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente de chambre,
- M. Legeai, premier conseiller,
- Mme Renaudin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 avril 2019.
Le rapporteur,
M. RENAUDINLa présidente,
S. PELLISSIER
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au préfet de la région d'Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18PA01691