Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2018, M.A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Melun du 15 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté mentionné ci-dessus du 14 mars 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;[v1]
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que le premier juge a omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué ;
- contrairement à ce qu'a estimé le préfet du Val-de-Marne, il est bien rentré régulièrement sur le territoire français muni d'un visa délivré par les autorités espagnoles ; la décision attaquée ne pouvait donc être prise sur le fondement de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- le préfet du Val-de-Marne a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pagès a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E...A..., né le 10 février 1982 à Ain Baida, en Algérie, de nationalité algérienne, est entré en France le 28 septembre 2011 selon ses déclarations. Par un arrêté du 14 mars 2018, le préfet du Val-de-Marne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 15 mai 2018, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de M. A...tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A...relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. A...soutient que le premier juge aurait omis de répondre au moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé. Toutefois, le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de M.A..., a répondu à ce moyen au point 3 du jugement attaqué. Le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement doit donc être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M.A.... Ce premier moyen doit donc être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...)". Ensuite, aux termes des dispositions du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour...".
5. M. A...ne conteste pas être démuni de titre de séjour en cours de validité, mais soutient qu'il est entré régulièrement sur le territoire français en 2011 dans la mesure où il était titulaire d'un visa délivré par les autorités espagnoles et, par suite, que l'obligation de quitter le territoire français ne pouvait légalement être fondée sur le 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, la validité du visa dont il a fait état était limitée à la période du 25 septembre 2011 au 24 octobre 2011 et s'il ressort des pièces du dossier qu'il est arrivé à Barcelone le 25 septembre 2011, il n'établit pas qu'il serait rentré en France durant la période de validité de ce visa, les pièces du dossier ne révélant sa présence sur le territoire français qu'à partir du mois de mars 2012. Ce moyen doit donc également être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. En l'espèce, M. A...est célibataire, sans charges de famille en France et sans travail. Par ailleurs, il n'établit pas avoir sollicité de titre de séjour. En outre s'il soutient qu'il vit chez sa soeur, Mme C...A..., en situation régulière sur le territoire français depuis 2011, qu'il prendrait en charge sa mère, Mme D...A..., également en situation régulière sur le territoire français, et son neveu atteint d'une grave pathologie, ainsi que sa nièce, il ressort des pièces du dossier que contrairement à ce qu'il soutient, il ne réside chez sa soeur que depuis 2017 et que l'état de santé de son neveu, le fils adoptif de sa soeur, s'est aggravé en juin 2018, soit postérieurement à la décision attaquée. Dans ces conditions, ces circonstances sont insuffisantes pour caractériser une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, eu égard aux buts de l'arrêté litigieux, dès lors en particulier qu'il n'est nullement établi que des tierces personnes, notamment ses parents ne pourraient assister son neveu. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Par ailleurs il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté attaqué le préfet du Val-de-Marne aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
8. En quatrième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. A...ne justifie, ni de son entrée régulière sur le territoire français, ni avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, le préfet du Val-de-Marne pouvait légalement, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, l'obliger à quitter la France sans délai. Le moyen doit donc être écarté.
9. En dernier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...)".
10. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. A...a pu légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans qu'un délai de départ volontaire lui soit accordé. Si le préfet du Val-de-Marne a également assortie cette mesure d'une interdiction de retour sur le territoire d'un an, il ne ressort pas des pièces du dossier que les circonstances humanitaires invoquées relatives à sa situation familiale seraient de nature, eu égard à ce qui a été dit au point 7, à établir qu'en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée limitée à un an le préfet du Val-de-Marne aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le Président du Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Val-de-Marne du 14 mars 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 27 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 9 avril 2019.
Le rapporteur,
D. PAGES
Le président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
T. ROBERT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
[v1]
- Si annulation pour défaut de motivation (externe), réexamen nécessaire et nouvelle OQTF " corrigée "
- Si annulation pour méconnaissance article 8 (interne), réexamen aussi
(donc toujours potentiellement protégé par article 8 même si pas de demande de TS)
2
N° 18PA02201