Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires en réplique enregistrés les 11 décembre 2018, 8 avril 2019 et 8 octobre 2019, la société EDP, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1606040 du 9 novembre 2018 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de condamner la société SEMMARIS à lui payer 597 489,96 euros au titre de la réception de l'indu et 53 774,10 euros à titre de dommages et intérêts ;
3°) de débouter la société SEMMARIS de toutes ses demandes et conclusions ;
4°) de mettre à la charge de la société SEMMARIS une somme de 10 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SEMMARIS lui a fait application du tarif correspondant à un entrepôt rénové alors que l'entrepôt qu'elle occupe est vétuste ; l'existence d'un contrat et la clause de non-recours prévue par l'article 8.2 de celui-ci ne rendent pas irrecevable son action en répétition de l'indu fondée sur l'article 1376 du code civil, alors notamment que la SEMMARIS exerce son activité dans le cadre du décret n° 65-325 du 27 avril 1965 et de l'article R. 761-1 du code du commerce ;
- le caractère vétuste de l'entrepôt et l'absence de toute rénovation par la SEMMARIS ressortent des pièces produites ;
- elle a elle-même respecté son obligation d'entretien ;
- son voisin dans le même bâtiment paie 5,18 euros par m² en contrat précaire, alors qu'elle en règle 92,60 ;
- les sommes perçues en trop du 1er juin 2011 au 31 décembre 2018 s'élèvent à 597 490 euros ;
- la SEMMARIS a commis une faute en lui appliquant un tarif excessif et devra être condamnée, outre à la restitution des sommes indûment perçues, au paiement de dommages et intérêts évalués à la somme de 53 774,10 euros correspondant au placement à 1% de la somme de 597 490 euros sur neuf ans.
Par des mémoires en défense enregistrés les 25 janvier 2019, 24 mai 2019 et 15 novembre 2019, la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne (SEMMARIS), représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société EDP à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'action en paiement de l'indu fondée sur l'article 1376 ancien du code civil est irrecevable, dès lors que les paiements effectués l'ont été conformément aux stipulations du contrat ; aucune décision définitive n'a jugé le caractère indu des sommes dont elle demande le remboursement ;
- la société EDP a occupé les lieux, qu'elle connaissait, sans émettre aucune réserve sur leur état et a renoncé à tout recours concernant cet état des lieux ;
- la société EDP n'a pas contesté l'arrêté préfectoral homologuant les tarifs en application de l'article L. 761-3 du code du commerce ;
- elle-même n'a commis aucune faute et entrepris de nombreux travaux de rénovation ; l'application du tarif des entrepôts rénovés est parfaitement justifié ;
- la situation de la requérante n'est pas comparable à celle de l'autre occupant du même hangar.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code civil ;
- le décret n° 62-795 du 13 juillet 1962 relatif à la création dans la région parisienne d'un marché d'intérêt national et portant règlement d'administration publique pour le transfert des Halles centrales sur ce marché des transactions portant sur les produits qui y sont vendus ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,
- les observations de Me A..., avocat de la société EDP, et de Me Baron, avocat de la société SEMMARIS.
Considérant ce qui suit :
1. La société EDP a conclu, le 21 mars 2003, avec la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne (SEMMARIS), un traité de concession portant sur l'occupation et l'exploitation, dans le bâtiment 15 situé 57 rue de la Réunion à Rungis, d'un entrepôt de 2 081 m² et d'un bureau de 176 m² Un nouveau traité a été signé entre les deux parties le 2 août 2011, avec effet au 1er juin 2011, après le rachat des parts de la société EDP par la société Mavish Fruits and Vegetable. Après diverses réclamations concernant l'état des locaux qu'elle loue, la société EDP a saisi la SEMMARIS, par courrier reçu le 24 mars 2016, d'une demande de restitution des redevances selon elle indument payées, dès lors que la SEMMARIS lui aurait appliqué à tort, pour un entrepôt vétuste, le tarif des entrepôts rénovés. Cette demande étant été sans réponse, la société EDP a saisi le tribunal administratif de Melun, qui a rejeté l'ensemble de ses prétentions par un jugement du 9 novembre 2018 dont elle fait appel.
Sur la demande de restitution de redevances indument perçues :
2. L'article 1376 du code civil, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er octobre 2016, reprise à l'article 1302-1 du code civil actuellement en vigueur, dispose : " Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ". L'article 1377 du même code, dont les dispositions ont été reprises à l'article 1302-2, précise : " Lorsqu'une personne qui, par erreur, se croyait débitrice, a acquitté une dette, elle a le droit de répétition contre le créancier (...) ".
3. Il résulte de l'instruction que la société EDP a versé à la SEMMARIS, pour l'occupation depuis le 1er juin 2011 des locaux situés dans le hangar n° 15, les redevances prévues par l'article 4 des conditions particulières du traité de concession qu'elle a signé le 2 août 2011, qui indiquent que le droit d'occupation est fixé, pour l'entrepôt, à 81,03 euros hors taxes par an, selon l'arrêté préfectoral n° 2010-7940 du 27 décembre 2010. L'article 5.2 des conditions générales du contrat précise lui que, conformément à l'article R. 761-4 du code de commerce, les droits d'occupation perçus sur le marché d'intérêt national de Rungis sont établis périodiquement par le conseil d'administration de la SEMMARIS et homologués par le préfet du Val de Marne. Il n'est pas contesté que le montant des redevances appelées par la SEMMARIS et réglées par la société EDP correspond à une application exacte du tarif applicable à l'entrepôt 15, tel que fixé par les arrêtés préfectoraux successifs. Si la société EDP soutient que le tarif ainsi appliqué à l'entrepôt 15 est celui des locaux rénovés et qu'un tarif inférieur existe pour les entrepôts non rénovés, il ne résulte d'aucune pièce du dossier que les délibérations du conseil d'administration de la SEMMARIS ou les arrêtés préfectoraux qui les homologuent auraient entendu soumettre les surfaces de l'entrepôt 15 à un tarif inférieur à celui qu'elle a versé, au cas où ces surfaces ne seraient pas rénovées. En tout état de cause, alors que la société EDP ne produit pas les arrêtés préfectoraux dont elle soutient qu'ils comportent des tarifs différenciés selon le caractère rénové ou non des locaux occupés, le rapport d'expert-comptable qu'elle produit indique expressément que les locaux qu'elle occupe sont classés par ces arrêtés dans la catégorie des bâtiments rénovés. Ainsi les redevances qu'elle a acquittées trouvent leur origine dans ces actes réglementaires dont elle n'a pas demandé l'annulation et dont elle n'excipe pas de l'illégalité à l'appui de son recours. Elle ne peut dans ces circonstances utilement discuter du caractère rénové ou non des lieux pour demander l'application à son profit, à titre rétroactif, d'un tarif différent de celui prévu par l'ensemble des dispositions qui lui sont applicables, et ne démontre l'existence d'aucun indu.
4. Enfin, à supposer que la société EDP ait entendu se prévaloir du caractère disproportionné de la redevance perçue compte tenu du caractère vétuste du local qu'elle occupe, elle ne l'établit pas en se bornant à faire valoir qu'un autre usager du même local paie une indemnité d'occupation nettement moins élevée ou que la SEMMARIS rencontrerait des difficultés, d'ailleurs non démontrées, pour le mettre en location.
5. Il résulte de ce qui précède que l'action en répétition de l'indu dirigée par la société EDP contre la SEMMARIS ne peut, sans qu'il soit besoin de statuer sur sa recevabilité, qu'être rejetée.
Sur la demande indemnitaire fondée sur la faute :
6. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que la société EDP n'est pas fondée à soutenir que la SEMMARIS aurait perçu des sommes indues et ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité envers elle. Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait de cette faute ne peuvent qu'être rejetées.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société EDP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit être rejetée en toutes ses conclusions. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société EDP la somme que la SEMMARIS demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société EDP est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la SEMMARIS tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société EDP et à la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de la région parisienne (SEMMARIS).
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme E..., présidente de chambre,
- M. C..., premier conseiller,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.
Le rapporteur,
A. C... La présidente,
S. E... La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18PA03878