Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2019, le préfet du Loiret demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901983/5-3 du 10 avril 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Le préfet du Loiret soutient qu'il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision de la cour nationale du droit d'asile (CNDA) a été régulièrement notifiée à M. A....
La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant pakistanais né en décembre 1976 et entré en France en 2015 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 26 août 2015. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 6 novembre 2015, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 7 février 2017. A la suite de l'interpellation de M. A... après un contrôle d'identité, le préfet du Loiret a pris le 10 janvier 2019 un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit. Par un jugement du 10 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté. Le préfet du Loiret fait appel de ce jugement.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif :
2. L'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile (...) ". L'article R. 733-32 du même code dispose : " Le secrétaire général de la cour notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) Il la notifie également au directeur général de l'office. Il informe simultanément du caractère positif ou négatif de cette décision le préfet compétent et, à Paris, le préfet de police (...) ". L'article R. 723-19 du même code dispose : " (...) III.- La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent (...) fait foi jusqu'à preuve du contraire ".
3. Le préfet du Loiret fait valoir en appel que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, M. A... a reçu notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 mars 2017 et produit les données issues du traitement informatique dit telemOfpra mentionné au III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui mentionnent une notification le 5 avril 2017. En se bornant à soutenir en première instance que le préfet n'a pas produit l'avis de réception de cette notification, M. A... n'apporte pas d'élément permettant de penser que les informations fournies par ces données informatiques, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, seraient inexactes. Par suite, le préfet du Loiret est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a annulé son arrêté du 10 janvier 2019 au motif que la réalité de la notification de l'arrêt de la CNDA n'était pas établie et que les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avaient été méconnues.
4. Il y a lieu pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A....
Sur les autres moyens de la demande de première instance :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté :
5. Par un arrêté du 3 septembre 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture du Loiret, M. Stéphane Brunot, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation du préfet pour signer en son nom " tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département " à l'exception d'actes dont ne font pas partie les décisions contenues dans l'arrêté attaqué. Le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de ces décisions manque ainsi en fait.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
7. En premier lieu, l'arrêté vise les 1° et 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquels il se fonde, mentionne que la demande d'asile du requérant a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 6 novembre 2015, décision notifiée le 17 novembre 2015 et confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 mars 2017 notifiée le 5 avril 2017. Il mentionne également que M. A... n'a pas déféré à une obligation de quitter le territoire français prise à son encontre par le préfet de police le 26 juin 2017, qu'il s'est maintenu en France sans accomplir d'autres démarches pour régulariser sa situation et qu'il est marié et père de quatre enfants résidant dans son pays d'origine. Il se réfère en outre aux éléments recueillis lors de l'audition du 10 janvier 2019 et mentionne que l'obligation de quitter le territoire français ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 ni de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêté litigieux comporte ainsi de façon suffisante les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, alors même qu'il ne rappelle pas que l'intéressé travaillait sans y être autorisé depuis octobre 2017. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen doivent être écartés.
8. En deuxième lieu, l'obligation de quitter le territoire français, qui rappelle, comme dit ci-dessus le rejet définitif de la demande d'asile de M. A... par les autorités compétentes et le fait qu'il s'est maintenu sur le territoire sans être titulaire d'un titre de séjour doit être regardée comme fondée sur le 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle vise. Si M. A... fait valoir que, du fait de sa demande d'asile, on ne saurait lui reprocher d'être entré irrégulièrement en France et l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement du 1° du I du même article, la circonstance que la décision contestée vise également, de façon superfétatoire, ces dispositions est sans incidence sur sa régularité.
9. En troisième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces dispositions et stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
10. M. A... fait valoir sa bonne insertion en France, pays où il réside depuis quatre ans à la date de l'arrêté attaqué et où il travaille à temps plein depuis une année en qualité de chef cuisinier. Toutefois, le requérant est en France célibataire et sans charge de famille alors que son épouse et ses quatre enfants résident au Pakistan, pays dont il est ressortissant et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de trente-neuf ans selon ses dires. Par suite, le préfet du Loiret n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but poursuivi et les moyens tirés de ce que M. A... avait de plein droit vocation à obtenir un titre de séjour en France en application des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent qu'être écartés.
11. Enfin, M. A... soutient, sans le démontrer, qu'il ne peut rentrer au Pakistan et qu'il s'apprêtait à demander la régularisation de sa situation et la délivrance d'un titre de séjour " salarié ". Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Loiret aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision en obligeant M. A... à quitter le territoire français.
12. En cinquième lieu, si, l'arrêté du 10 janvier 2019 mentionne à tort que M. A..., entré en France en février 2015, y aurait déposé sa demande d'asile " le 29 janvier 2013 ", alors que la date exacte est le 26 août 2015, cette erreur matérielle est sans incidence sur la légalité de la décision, dès lors que le préfet ne s'est pas mépris sur la date de rejet de cette demande d'asile par les autorités compétentes.
En ce qui concerne les moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, la décision fixant le pays de destination est suffisamment motivée par le visa des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la mention de ce que l'intéressé, de nationalité pakistanaise, n'établit pas être exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi dans son pays d'origine.
14. En deuxième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
15. M. A... soutient que, du fait des poursuites engagées par une famille rivale, son retour au Pakistan l'expose à subir des traitements inhumains et dégradants. Toutefois, il n'établit pas, par la seule production d'un mandat d'arrêt rédigé à son encontre le 2 septembre 2014, la réalité des risques directs et personnels qu'il soutient encourir en cas de retour dans son pays, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 6 novembre 2015 et par la Cour nationale du droit d'asile le 7 février 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Loiret est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 10 janvier 2019, lui a enjoint de réexaminer la demande de M. A... et a mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, une somme de 1 000 euros à verser à Me D... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 1901983/5-3 du 10 avril 2019 du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande de M. A... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. F... A....
Copie en sera adressée au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme E..., présidente de chambre,
- M. C..., premier conseiller,
- M. Platillero, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2019.
Le rapporteur,
A. C...La présidente,
S. E... La greffière,
M. B...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19PA01480